La lecture de la paracha de Nitsavim est particulièrement solennelle car elle précède immédiatement la fête de Roch Hachana, désignée également comme le jour du jugement, « yom ha din ».
Il s’agit également de l’aboutissement du processus de Techouva entamée depuis le début du mois d’Eloul qui invite l’homme à une profonde introspection afin d’identifier et corriger toutes les erreurs, les fautes qui ont été commises l’année précédente.
Les journées de Rosh Hashana sont paradoxales dans la mesure où des sentiments contradictoires semblent naître dans le cœur de l’homme. D’une part, l’homme ressent généralement une certaine forme de crainte, d’appréhension car il sait qu’il s’apprête à passer en jugement devant le Tout Puissant. Comment pourrait-il aborder cette journée avec légèreté et insouciance ?
Et d’autre part, les journées de Rosh Hashana ne sont pas réputées pour être des journées de tristesse. Au contraire, les hommes sont invités à manger des mets fins, succulents, bien souvent sucrés, en témoignage de leur confiance dans le jugement bienveillant de leur Créateur. "Allez, mangez des mets succulents, buvez des breuvages doux et envoyez-en des portions à ceux qui n'ont rien d'apprêté, car ce jour est consacré à notre Seigneur. Ne vous attristez donc pas, car la joie en l'Eternel est votre force." Néhémie, 8. 10)
C’est précisiément ce que note notre maître, le Shlah hakadosh, en rappelant un midrash bien connu « Généralement, lorsqu’un homme passe en jugement, il s’habille en noir, agit avec sobriété, tremblement, car il redoute le verdict de son jugement. Telle n’est pas l’approche du peuple juif qui s’habille en blanc, mange, boit et est heureux le jour de Roch Hachana, car il est confiant dans le miracle [du jugement] ».
Le jugement de Roch Hashana passe en revue tous les aspects de la vie de l’homme, mais il en est un qui est primordial ce jour-là, et qui a de nombreuses ramifications : quel sera le niveau spirituel de l’homme pour l’année à venir ?
En effet, nos Sages attirent notre attention sur la signification de « la vie » pour laquelle nous prions à Rosh Hashana, lorsque nous demandons notamment d’être inscrits dans le « livre de la vie » ou « des vivants ». S’agit-il simplement de la vie « physique », ou bien de la vie « spirituelle ». Et de fait, l’enjeu central de Rosh Hashana concerne le deuxième point, la vitalité spirituelle de l’homme !
Allons-nous recevoir pour la prochaine année la possibilité d’être connectée à la source originelle de sainteté de notre neshama ? Pourrons-nous ancrer dans nos cœurs la providence divine qui embrasse toutes les dimensions de nos vies ?
C’est précisément là l’enjeu du travail de Rosh Hashana : nous connecter à nouveau de manière intense avec notre Créateur, Le ressentir et désirer Lui faire une place en nous.
Le rituel de Roch Hashana a précisément été conçu afin de nous aider à y parvenir. Le Tefila que nous lisons à Moussaf déroge aux règles traditionnelles de la Amida, et nous sommes invités simplement à réciter des versets relatifs à trois grandes thématiques : la royauté (les « malkhouyot ») le « souvenir » (les « zikhronot »), le shofar (les « shofarot »). De même, une mitsva centrale de ces journées réside dans le fait d’entendre les sons du shofar.
L’enjeu de ce rituel est de nous amener à proclamer à nouveau Hachem comme notre Roi, et d’en ressentir une joie profonde. Il ne s’agit pas de constater qu’Hachem est notre Roi, ou d’admettre qu’il dirige le monde. Il s’agit avant tout de le « couronner » à nouveau comme notre Roi, de nous inscrire dans une démarche positive où nous « désirons » sa Royauté, nous la « plébiscitons », nous l’appelons de tout notre cœur, car nous savons qu’Hachem est infiniment bon.
Le gaon de Vilna mentionnait que les sons du shofar doivent créer un bonheur intense dans le cœur de l’homme. En effet, à cet instant, nous plaçons la couronne de la royauté sur « la tête » de l’Eternel, nous lui confions nos vies. Or, comment ne pas être heureux, lorsque l’on sait que notre vie est confiée à Celui qui nous aime par-dessus-tout, Qui pense à notre bonheur en permanence, à Qui nous devons tout, qui nous a donné la vie et tout ce que nous possédons de plus précieux ?
La joie et la confiance que nous ressentons à Rosh Hashana réside précisément dans notre désir de couronner Hachem à nouveau comme notre Roi, dans notre conviction que tant que nos vies sont entre Ses mains alors nous n’avons rien à craindre.
Les sons du Shofar qui résonnent dans nos synagogues doivent aussi résonner dans nos cœurs et nous rappeler les liens d’amour et de confiance indéfectibles qui nous lient à notre Créateur et qui doivent nous engager année après année à parfaire nos comportements et nos actes.
C’est probablement là, le sens que nous devons donner aux versets emblématiques de la paracha de Nitsavim qui exhortent l’homme à « choisir la vie » « J'en atteste sur vous, en ce jour, le ciel et la terre: j'ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et la calamité; choisis la vie! Et tu vivras alors, toi et ta postérité. » (Devarim 30. 19) Même s’il est vrai que la vie matérielle s’impose aux hommes et ne semble pas relever d’un choix, la vie spirituelle, quant à elle, dépend de la décision positive de l’homme de couronner l’Eternel comme son Roi à chaque instant. Dès lors que l’homme désire et proclame la royauté de D.ieu dans sa vie et dans le monde, dès lors qu’il Le plébiscite à chaque instant, en cherchant par tous les moyens à s’attacher à Lui, chacun selon ses moyens et conscient du niveau d’où il part, alors il peut espérer échapper à l’arbitraire et au hasard de la nature, en confiant Sa vie à la providence bienveillante du Créateur. Peut-on imaginer plus grande joie ?
Tizkou le shanim rabot ! Ketiva ve ‘hatima Tova !