La Paracha de cette semaine, Mikets, raconte l’incroyable histoire de Yossef en Égypte ; ses souffrances et sa nomination au poste de vice-roi. Rav Its’hak Hutner parle longuement du rôle unique de Yossef dans le peuple juif.[1] Bien qu’il fasse partie des douze tribus, Yossef semble prendre une place plus prépondérante que ses frères ; il représente à lui seul deux tribus (à travers ses deux fils), sa mort est mentionnée à deux reprises dans la Torah : une fois à la fin du Séfer Béréchit[2] et une autre au début du Séfer Chémot[3], tandis que la mort des autres frères n’est évoquée que dans Séfer Chémot. Quelle est la particularité de Yossef ?
Rav Hutner explique que Yossef se situe entre les Patriarches et les douze tribus[4]. Le titre de patriarche est réservé à Avraham, Its’hak et Yaakov, parce que chacun eut une mission déterminante dans la création du peuple juif ou dans sa pérennité. Avraham fut le premier Juif de l’histoire, Its’hak fut le premier à naître juif et Yaakov fut le premier dont tous les enfants suivirent la voie.
Yossef, en un sens, ajouta une pierre dans la fondation du Klal Israël. Il vécut, contrairement à ses frères, seul dans un environnement étranger, sujet à de fortes tentations. Grâce à sa capacité à surmonter ces épreuves et à garder son identité juive, il insuffla chez tous les futurs Juifs la force d’affronter les difficultés des divers exils et les tentations de s’assimiler aux autres peuples. Yossef affina le rôle de Yaakov.
On comprend à présent pourquoi la mort de Yossef est mentionnée à la fin du Séfer Béréchit et au début du Séfer Chémot. Le Ramban écrit que Béréchit correspond au Livre des Patriarches tandis que Chémot est le Livre des « enfants »[5]. Yossef remplit les deux rôles à la fois. On peut aussi expliquer pourquoi il représente deux tribus. Il fit plus que le travail d’un seul Chévet ; non seulement il réussit à rester fort personnellement, mais il parvint à élever des enfants en Égypte, qui garderont la tradition de leurs Pères.
On trouve plusieurs éléments dans le comportement de Yossef qui prouvent son attachement incroyable à Hachem. Après avoir été emprisonné durant douze ans, il eut l’opportunité inespérée d’être libéré. S’il réussissait à apaiser Pharaon, il pouvait prendre un nouveau départ. Il savait que le roi d’Égypte ne croyait pas en D.ieu (il se prenait lui-même pour un dieu) et que son arrogance était inégalée. Pourtant Yossef n’hésita pas à attribuer ses talents à Hachem.[6]
C’est une leçon remarquable quant à la façon dont nous devons agir dans un environnement étranger, voire hostile – il s’agit d’une épreuve que toutes les générations durent affronter à travers les exils. Certains tentent de cacher leur judaïsme, de camoufler les différences entre les non-juifs et eux. Malheureusement, l’histoire a prouvé que cette attitude menait généralement vers une vague d’assimilation. Quand on retire les barrières qui nous séparent des non-juifs, on ouvre une porte à l’affadissement du Judaïsme, à la perte de notre identité. La confiance en soi de Yossef qui affirma ses croyances est une clé (pour lui ainsi que pour les générations futures) de la réussite, elle permet d’éviter l’assimilation dans la Galout.
Après avoir été promu vice-roi, Yossef eut deux fils. Il nomma le second Ephraïm « Car mon D.ieu me rendit prospère dans la terre de ma souffrance. »[7] Rav Moché Sternbuch note qu’il appela l’Égypte « terre de ma souffrance » bien qu’il y était gouverneur. Il admit son succès et remercia pour sa prospérité, mais refusa de se sentir à l’aise dans ce pays, malgré sa gloire.[8] C’est un autre élément démontrant le fort attachement de Yossef aux valeurs de la Torah en dépit des mauvaises influences. On a souvent constaté, à travers l’histoire, que lorsqu’un Juif se sent à l’aise en exil, il s’assimile bien plus facilement au peuple dans lequel il vit. Ce fut le cas en Allemagne, quand les premiers Juifs réformés appelèrent Berlin, « la nouvelle Jérusalem ». Ce fut également le cas en Amérique que de nombreux Juifs considérèrent comme la terre de toutes les opportunités.
Yossef montra l’exemple du Juif qui garde ses valeurs et son identité. Il inculqua ainsi à son peuple la capacité de suivre sa voie et de refuser l’assimilation. Le fait que la Paracha de Mikets jouxte la fête de ’Hanouka n’est pas une coïncidence. Le lien est évident ; l’exil grec fut le premier qui menaça la pérennité du peuple juif en souhaitant l’assimiler. Malheureusement, un grand nombre de Juifs ne prirent pas leçon de Yossef et effacèrent volontiers les vestiges de leur judaïsme ! Mais les ’Hachmonaïm et d’autres Juifs courageux résistèrent à la tentation du mode de vie grec et risquèrent leur vie pour préserver leur identité juive.
La force de Yossef en Égypte ainsi que la victoire spirituelle du temps de l’exil grec peuvent encore nous guider et nous donner la force de surmonter les challenges de la Galout actuelle.
[1] Pa’had Its’hak, Pessa’h, Maamar 49.
[2] Béréchit, 50:26.
[3] Chémot, 1:6.
[4] La Guémara dans Brakhot 16b affirme qu’il n’y eut que trois patriarches. Yossef n’en fait donc pas partie, amis il représente la transition entre les Avot et les Chévatim.
[5] Ramban, introduction au Séfer Chémot.
[6] Béréchit, 41:16. Cette idée fut entendue du Rav Yéhochoua Hartman.
[7] Béréchit, 41:52.
[8] Taam Vadaat, 41:52.