L’une des plus célèbres qualités d’Avraham Avinou se manifeste dans ses efforts incessants de parler du D.ieu unique, véridique et Tout Puissant au monde idolâtre qui l’entourait. Les commentateurs parlent longuement de cette vertu et comparent Avraham à ses ancêtres, comme ’Hanokh ou Noa’h qui étaient beaucoup plus concentrés sur leur propre Avodat Hachem.
Les premiers versets de la Parachat Lekh Lékha nous racontent qu’Avraham prit avec lui en voyage « les âmes qu’ils avaient faites à ’Haran ». Nos sages enseignent qu’il s’agit des gens à qui Avraham et Sarah avaient enseigné la présence d’un D.ieu unique et véridique. D’ailleurs, la Guémara déduit de ce passage que celui qui enseigne la Torah au fils de son prochain est considéré comme s’il l’avait enfanté lui-même.[1]
Un peu plus tard, la Torah affirme qu’Avraham proclama le Nom d’Hachem. Le Ramban rapporte le Midrach et explique qu’Avraham parlait ouvertement d’Hachem afin que les gens l’entendent et en viennent à reconnaître l’unicité et la véracité de D.ieu, abandonnant leur idolâtrie.
Ces deux références concernant le travail de rapprochement qu’entreprit Avraham nous montrent deux façons d’influencer les gens à croire en Hachem. On peut travailler patiemment avec les gens, de manière individuelle, en étudiant avec eux, en répondant à leurs questions, en les invitant pour un repas de Chabbat, etc. De cette façon, les deux personnes créent un lien étroit, fondamental pour l’épanouissement spirituel de l’individu. Cette méthode est très efficace pour aider autrui à évoluer sur le long terme, à son propre rythme, à sa façon. C’est ce que l’on retrouve dans les organismes de Kirouv qui se focalisent sur des ’Havroutot où l’on peut étudier à deux, des années durant, et connaître un succès très épanouissant. Rav Berkovits explique que cette manière d’influencer les autres correspond au verset « les âmes qu’ils avaient faites à ’Haran ».
Cette approche présente un inconvénient, car elle exige beaucoup de temps et d’efforts pour chaque Juif. Étant donné que des millions de nos frères sont ignorants en matière de Torah, il est extrêmement difficile d’influencer tout le monde en utilisant uniquement cette méthode.
Par ailleurs, on peut influencer « en masse » en relativement peu de temps, par des moyens de communication s’adressant à de nombreuses personnes à la fois. À l’époque actuelle, cela se fait facilement par l’intermédiaire des médias. Des milliers de personnes peuvent ainsi être informées très simplement et rapidement et cela leur donne souvent envie d’évoluer et d’affermir leur judaïsme. Avraham Avinou n’avait pas accès aux médias de masse, mais sa façon de « proclamer le Nom de D.ieu » fut la méthode « à l’ancienne », employée pour influer sur le maximum de personnes en peu de temps. Cette approche présente, elle aussi, un inconvénient, parce que l’on ne peut aborder les gens que superficiellement, sans vraiment suivre leur évolution dans le périple – long et parfois difficile – de la pratique religieuse.
Bien évidemment, Avraham saisissait l’importance des deux approches et parvint à influencer de nombreuses personnes, sans pour autant se contenter d’un travail superficiel. À notre époque, Rav Pinkous fut l’une des rares personnes qui réussirent à exceller dans les deux méthodes. En tant que conférencier au séminaire Arakhim pour Juifs non pratiquants, il proposa d’aller récolter des fonds aux États-Unis pour aider l’organisme à se développer et à toucher un plus large public et ainsi, à « proclamer le Nom divin ». De plus, il excellait également dans ses relations avec autrui de manière individuelle. Une dame d’Afrique du Sud raconta comment elle fit Téchouva grâce à la sensibilité du Rav, et garda un lien étroit avec le Rav et sa famille. Lors de l’un de ses voyages en Afrique du Sud, Rav Pinkous donna une conférence à laquelle une amie conseilla à la dame en question d’assister. N’ayant rien d’autre à faire, elle y alla, résolue toutefois de ne pas écouter trop attentivement. Plus tard dans la même journée, on lui parla d’une autre conférence, à laquelle elle accepta de se rendre. Quelle ne fut pas sa surprise de voir qu’il s’agissait du même orateur ; deux fois dans la même journée. Elle décida alors d’écouter le contenu de la conférence avec un peu plus d’attention. Mais ce qui l’étonna le plus fut d’entendre le Rav changer soudainement de sujet. À la surprise des participants, il expliqua qu’il reconnaissait un petit enfant qu’il avait vu lors de la conférence précédente, donnée le matin même (il s’agissait en réalité du fils de cette fameuse dame). Il comprit donc que l’un des parents présents avait déjà écouté le sujet du cours et il ne trouvait pas correct de lui faire réécouter la même chose à deux reprises ; il changea donc immédiatement de sujet.
Puissions-nous mériter d’émuler Avraham Avinou et de rapprocher nos frères juifs de la Torah en utilisant au mieux ces deux méthodes.
[1] Sanhédrin 98b.