« Hachem dit à Avraham après que Loth se fut séparé de lui… » (Béréchit 13,14)
Rachi explique que tant que le Racha' [Loth] était en sa compagnie, la Parole de D.ieu s’était écartée d’Avraham.
La Torah nous raconte qu’Avraham Avinou et son neveu, Loth, revinrent tous deux très riches d’Égypte. Toutefois, une dispute les sépara, car les bergers de Loth estimaient que leurs troupeaux avaient le droit le paître sur des terrains étrangers, en Terre d’Israël. D’après eux, Hachem avait donné la Terre Sainte à Avraham et Loth étant son seul héritier, il pouvait d’ores et déjà en profiter. Ceci est faux, car Avraham n’avait alors pas encore hérité de la terre, leur acte était donc considéré comme du vol. Les bergers d’Avraham réprimandèrent ceux de Loth, ce qui donna naissance à une discorde. Pour éviter qu’elle ne s’envenime, Avraham proposa à son parent de se séparer de lui. Loth accepta et partit en terre de Sodome, région prospère. Ensuite la Torah annonce qu’Hachem parla à Avraham, précisant que c’était « après que Loth se fut séparé de lui ». Le Midrach Tan’houma[1], rapporté par Rachi enseigne que ces quelques mots, apparemment superflus, indiquent qu’Hachem ne parlait pas à Avraham tant que son neveu mécréant faisait partie de son entourage. Pourtant, on remarque que plus tôt, Hachem avait parlé à Avraham, bien que Loth fût à ses côtés ![2]
Les commentateurs répondent qu’auparavant, Loth était considéré comme vertueux, donc il n’empêchait pas les discussions entre D. et Avraham. Par la suite, il connut une dégradation spirituelle. Ainsi, Hachem ne pouvait plus parler à Avraham tant qu’il était en sa compagnie. Quelle fut l’origine de la chute spirituelle de Loth ?
Rav Shimon Schwab[3] répond en analysant un autre verset de la présente Paracha. Durant la guerre entre les quatre rois et les cinq rois, le camp victorieux kidnappa Loth : « Ils prirent Loth et ses biens, le neveu d’Avraham et se retirèrent. »[4] L’agencement de ces versets est difficile à comprendre ; les mots « le neveu d’Avraham » semblent être placés au mauvais endroit, ils auraient dû apparaitre juste après le nom « Loth ». Pourquoi l’expression « et ses biens » les sépare-t-ils ?
Rav Schwab pense que cela fait allusion à la cause sous-jacente de la séparation entre Avraham et Loth – les biens matériels de ce dernier. C’est l’argent de Loth qui marqua la scission des deux proches, non seulement dans ce verset, mais dans leur conception de la vie en général. Et leur séparation se produisit quand ils revinrent d’Égypte avec de grandes richesses. Ensuite, le verset parle des valeurs peu éthiques des bergers de Loth (qui furent certainement influencés par leur maître). Ainsi, la fortune de Loth fut la cause directe de sa dégradation spirituelle. Son attrait pour l’argent incita ses bergers à justifier leur vol. C’est également ce qui le poussa à se rendre à Sodome, aux pâtures abondantes.
L’exemple de Loth nous montre que l’acquisition de biens entraîne souvent une Yérida spirituelle. Quand l’individu s’enrichit, il risque d’en vouloir davantage et d’oublier que l’origine de son succès ne fut pas ses efforts, mais l’aide divine. Ce fut un phénomène très visible chez Loth. Quand la Torah nous raconte qu’il s’enrichit, ’Hazal soulignent que c’était par le mérite d’Avraham. Ce fut sa proximité avec un homme tellement vertueux qui lui apporta cette grande bénédiction. Mais Loth ne comprit pas ce message et n’en profita pas pour se rapprocher de son oncle. Il pensa qu’il pouvait s’enrichir en agissant malhonnêtement. Et au lieu de tenter de rester aux côtés d’Avraham, il choisit de vivre à l’opposé de tout ce que notre Patriarche représentait pour pouvoir encore prospérer. Comment tout ceci se finit-il ? Il perdit tous ses biens quand la ville de Sodome fut détruite.
Ainsi, quand une personne s’enrichit, elle risque fortement de chuter spirituellement et d’agir frauduleusement, pour préserver sa fortune. Puissions-nous tous mériter d’utiliser nos biens matériels de façon à nous rapprocher d’Hachem.
[1] Midrach Tan’houma, Vayétsé 10.
[2] Béréchit 12,7.
[3] Rapporté par Rav Issakhar Frand.
[4] Béréchit 14,12.