’Hayé Sarah – Regretter les Mitsvot.
Après l’épisode marquant de la Akéda, Avraham Avinou découvre que sa femme, Sarah Iménou est décédée, en entendant qu’il avait presque sacrifié leur fils, Its’hak. La Targoum Yonathan[1] et le Pirké Dérabbi Eliézer[2] affirment que c’est le Satan (qui est une manifestation du Yétser Hara', du mauvais penchant) qui annonça la nouvelle à Sarah et celle-ci mourut à cause du choc. Superficiellement, on peut comprendre que le Satan, n’ayant pas réussi à empêcher Avraham d’aller sacrifier son fils, tenta d’intervenir en provoquant la mort de Sarah – comme pour se venger du fait qu’il faillit à faire trébucher Avraham lors de la Akéda. Mais le Kéhilat Its’hak[3] estime que ceci n’a pas de sens ; nous savons que le Satan n’est pas une force indépendante qui « combat » Hachem, mais plutôt un obstacle à surmonter qu’Hachem nous envoie, et le Satan souhaite lui-même que l’on arrive au but. Ainsi pourquoi voudrait-il se venger en causant la mort de Sarah, du simple fait que sa tentative d’entraver la Akéda n’a pas abouti ?
Le Kéhilat Its’hak répond que le Satan souhaitait troubler les bénéfices de la Akéda. Même après celle-ci, il avait l’opportunité de réduire à néant l’effet incroyable qu’elle produisit. La Guémara[4] enseigne que si une personne accomplit une Mitsva puis regrette son acte, c’est considéré comme s’il ne l’avait pas faite et ses bénéfices sont totalement effacés. D’ailleurs, le Kéhilat Its’hak tranche qu’il est pire de regretter une Mitsva que de ne pas la faire du tout.
Le Satan avait fait de gros efforts pour empêcher Avraham d’accomplir la Akéda ; par exemple, en rendant le chemin très pénible, en apparaissant comme un homme le persuadant de ne pas tuer son fils. Tous ses efforts furent vains, mais il fit un dernier essai d’annihiler la force incroyable de cette Mitsva ; il tenta de faire regretter à Avraham les conséquences de la Akéda. Ainsi, il espérait qu’Avraham s’en veuille d’avoir entrepris ce projet en constatant la mort de Sarah.[5]
Néanmoins, Avraham surmonta aussi cette épreuve et n’éprouva aucun regret concernant la Akéda, en dépit du décès de sa femme qui s’ensuivit. D’ailleurs, quand la Torah raconte qu’Avraham pleura Sarah, elle écrit le mot « Vélivkota » — décrivant les larmes versées par Avraham[6] – avec un petit « kaf ». Le Ba'al Hatourim écrit que cela nous indique qu’Avraham ne la pleura pas abondamment. Le Kéhilat Its’hak explique qu’il agit ainsi délibérément, de peur que les gens ne le voient pleurer amèrement et qu’ils pensent que ses sanglots étaient un signe de remords quant à la Akéda. Donc, non seulement Avraham ne regretta pas son acte, malgré son « effet direct » sur sa femme, mais il se soucia même de ce que les gens penseraient – et qui réduirait également l’effet de la Akéda. Il savait que le mérite du sacrifice d’Its’hak accompagnerait le peuple juif à travers l’histoire et il refusa de laisser une quelconque conséquence négative troubler ceci.
Ce test du Yétser Hara' – d’essayer de nous faire regretter les Mitsvot accomplies – accompagne généralement chacun d’entre nous. Certains commentateurs précisent que c’est la signification de la demande faite durant la prière du soir : « Retire le Satan de devant nous et de derrière nous ». Le « Satan de devant » fait référence à ses tentatives de nous empêcher de faire les Mitsvot et le « Satan de derrière » est celui qui tente de faire regretter les Mitsvot déjà effectuées.[7]
Dans la plupart des cas, l’individu n’est pas éprouvé de manière aussi drastique, au point de perdre un proche en résultat – apparent – à une Mitsva, mais il se peut que l’une d’elles ait des conséquences immédiates qui semblent indésirables. Le Kéhilat Its’hak rapporte l’exemple de personnes impliquées dans la communauté et qui doivent parfois prendre des décisions qui ne plaisent pas aux fidèles ; ils sont alors dénigrés, voire humiliés. Ce peut également être le cas d’actes demandant un certain dévouement à une cause – par exemple, consacrer plus de temps à l’étude de la Torah ou à d’autres Mitsvot – et suite auquel on s’attendrait à une récompense (dans ce monde ainsi que dans le monde à venir). Mais concrètement, cela n’arrive pas systématiquement et la récompense ultime pour une Mitsva accomplie en toute sincérité sera reçue dans le monde futur. Bien évidemment, de manière générale, le fait de respecter la Torah et les Mitsvot procure à l’individu une satisfaction – déjà dans ce monde – que d’autres modes de vie n’apportent pas. Mais il est vrai que les résultats immédiats d’un comportement positif ne sont pas flagrants. Le défi est alors de réaliser que ceci constitue une épreuve supplémentaire et qu’au bout du compte, les Mitsvot n’ont que des conséquences positives.
Preuve en est, affirme le Kéhilat Its’hak, la tentative du Yétser Hara' de nous faire regretter les Mitsvot en laissant paraître qu’elles sont la cause d’une difficulté ou d’un revers. La réaction d’Avraham lors de la mort de Sarah nous enseigne comment réagir face aux défis qui viennent « en conséquence » de nos Mitsvot.
[1] Béréchit, 22:20.
[2] Pirké Dérabbi Eliézer, chap. 32
[3] Écrit par Rav Its’hak Ritbord, publié en 1900.
[4] Kidouchin, 40b.
[5] En réalité, Sarah devait mourir à ce moment de toutes les façons ; ce n’est pas le Satan qui a provoqué sa mort prématurément, mais il donna cette l’impression.
[6] Béréchit, 23:2.
[7] Entendu du Rav Ozer Alport.