« La vie de Sarah fut de cent ans et vingt ans et sept ans [127] - les années de vie de Sarah. Sarah mourut à Kiryat 'Arba, qui est ’Hévron, dans le pays de Cana'an. Avraham vint faire l’éloge funèbre de Sarah et la pleurer. » (Béréchit 21,1-2)
Rachi explique, sur les mots « faire l’éloge funèbre de Sarah » : la mort de Sarah est juxtaposée à la 'Akédat Its’hak, parce qu’à cause de la nouvelle à propos de la 'Akéda de son fils (qui fut emmené pour être tué et qui fut presque abattu), son âme s’envola et elle mourut.
La Paracha commence par le récit de la mort subite de Sarah. Quand elle fut informée de la 'Akéda, le choc de la nouvelle causa sa mort. Il est possible d’interpréter ce Rachi de différentes façons et nos Sages[1] décrivent cet événement de diverses manières. Nous nous concentrerons sur l’interprétation de Rav Chimchon Pinkous.[2]
Certains commentateurs affirment que « celui » qui annonça la nouvelle à Sarah n’était autre que le Satan, qui tentait de porter atteinte au succès de la 'Akéda, en tuant Sarah à cause de l’information qu’il lui donnait.[3] Or, Rachi ne fait aucune mention du Satan. Par conséquent, Rav Pinkous estime qu’une personne ordinaire informa Sarah, souhaitant lui raconter comment Its’hak avait survécu. Mais, quand il lui annonça la nouvelle, il commença en affirmant que Its’hak avait été emmené pour être abattu, et ensuite, il précisa qu’il avait été épargné. Dès qu’elle entendit les premiers mots du récit, Sarah fut si bouleversée qu’elle mourut immédiatement, sans entendre la suite - à savoir qu’il était sain et sauf.
D’après Rav Pinkous, celui qui portait la nouvelle aurait dû commencer par dire que Its’hak était vivant et qu’il allait bien, puis raconter le déroulement de la 'Akéda. S’il avait fait cela, Sarah n’aurait pas ressenti un tel choc et elle ne serait pas morte. Le fait d’avoir commencé par les « mauvaises nouvelles » est un signe de manque d’attention et cela eut des conséquences terribles.
Il s’agit d’un avertissement sérieux quant à la prudence à montrer quand nous parlons. Rav Pinkous ajoute : « Tous les jours, des événements surviennent et les gens en discutent. Par exemple, quelqu’un rencontre son ami et lui dit : "Ton fils était en sortie aujourd’hui avec l’école, n’est-ce pas ? J’ai entendu dire qu’il y avait eu un accident en route, mais tout va bien." Le court laps de temps qui s’écoule entre la mention de l’accident et l’annonce que tout va bien, suffit à faire bondir le cœur du père, et même s’il ne meurt pas instantanément ou qu’il n’est pas victime d’une crise cardiaque, cette façon de raconter la nouvelle lance une "flèche" au cœur. Les exemples sont trop nombreux pour être tous mentionnés, et l’homme qui analyse ses actes et réfléchit à leurs conséquences est chanceux. »
Rav Pinkous évoque ensuite le principe selon lequel « Mida Tova Mérouba Mimida Ra'a » - le côté positif dépasse le négatif. Ainsi, si l’on risque de causer beaucoup de mal avec des mots irréfléchis, on peut d’autant plus générer du bien grâce à de bonnes paroles. Par exemple, si l’on sait que l’on sera en retard et que l’on prend quelques minutes pour appeler sa femme ou sa mère et la prévenir (que tout va bien, mais que l’on sera retardé), cela évite des soucis inutiles. Même si ces propos semblent d’une importance minime, qu’ils paraissent insignifiants, l’histoire de Sarah nous prouve qu’ils peuvent avoir un grand effet. Et même s’ils n’ont pas d’effet majeur, nous ne devons pas minimiser la valeur d’une petite marque d’attention qui donnera à autrui du réconfort ou de la joie.
Puissions-nous tous mériter de réfléchir à nos propos de façon à ce qu’ils soient source de joie pour les autres, et qu’ils ne causent jamais la moindre peine.
[1] Voir Midrach Tan’houma, fin de Parachat Vayéra ; Pirké Dérabbi Eliézer, Chap. 32, p. 268.
[2] Tiféreth Chimchon, Béréchit, p. 248 à 249.
[3] Certains commentateurs ajoutent que le Satan avait un autre motif néfaste - il espérait que lorsqu’Avraham Avinou se rendrait compte de la mort de Sarah, il en viendrait à regretter, au moins partiellement, la grande Mitsva qu’il avait accomplie en suivant l’ordre d’Hachem. Celui qui regrette une Mitsva est considéré comme ne l’ayant pas accomplie. Le Satan espérait donc qu’Avraham perdrait une partie du grand mérite à cause de ses remords. Les commentaires ajoutent qu’Avraham a également réussi cette épreuve, et malgré son profond chagrin, il ne regretta pas l’acte de la 'Akéda.