La Paracha de cette semaine commence par le retour d’Avraham – à la suite de la Akéda – qui apprend une terrible nouvelle ; le décès de sa femme, Sarah. Elle nous raconte ensuite les difficultés endurées pour lui acheter une sépulture. Nos Sages[1] affirment qu’Avraham dut affronter dix épreuves. La plupart des commentateurs estiment que la Akéda fut la dernière et la plus éprouvante. Mais Rabbénou Yona[2] écrit que l’achat d’un caveau chez « Efron le rusé » constitua l’ultime tribulation. Aussi difficile que cela puisse être de devoir organiser l’enterrement de sa femme, comment imaginer que ce soit plus éprouvant que de devoir sacrifier un fils unique et tant aimé ?
Rav Issakhar Frand pense qu’il ne s’agit pas d’une épreuve plus difficile, mais d’un test complètement différent des précédents. Après avoir réussi celui de la Akéda, Avraham aurait pu s’attendre à vivre, dès lors, une vie plus facile. La difficulté fut d’être immédiatement confronté à la nouvelle tragique du décès de Sarah et de devoir s’occuper de son inhumation.
Rav Eliahou Dessler[3] affirme qu’il s’agit vraiment de l’épreuve la plus rude qu’Avraham dut surmonter. Il fit face à deux problèmes. Tout d’abord, il venait d’endurer deux expériences émotionnellement très éprouvantes – celle de la Akéda lors de laquelle il pensait réellement aller sacrifier son fils unique qu’il avait attendu durant plusieurs décennies et celle de la disparition de son épouse. Il dut, immédiatement après, gérer une tâche mondaine et frustrante ; celle d’acheter une sépulture pour sa femme. Imaginons-nous revenir à la maison après une journée difficile et affronter une autre situation délicate à notre retour. Les épreuves d’Avraham furent infiniment plus rudes que celles dans lesquelles la plupart des gens se trouvent.
Ce qui rendit également cette épreuve si pénible fut le personnage avec lequel Avraham dut traiter. Efron n’était manifestement pas l’homme le plus intègre. Rav Frand le compare à un vendeur de voitures d’occasion, qui est prêt à tout pour gagner de l’argent. Il prétend se soucier de l’acheteur, mais augmente le prix de vente au maximum. Si le client réalise que le vendeur essaie de l’escroquer, il se sentira frustré, lui en voudra et désirera certainement, et à juste titre, annuler la vente. Avraham connaissait Efron, il savait à quel genre d’individu il avait affaire, et il venait en plus de vivre des moments très éprouvants.
Quelle fut sa réaction ? La Torah nous raconte qu’il se prosterna devant Efron, le considéra avec grand respect, avec beaucoup de Dérekh Erets, comme si ce dernier était l’homme le plus honorable au monde. Avraham garda à l’esprit qu’en dépit de ses vilains défauts, Efron était un être humain. Il voyait en lui un Tsélem Élokim (un être créé à l’image de D.). Comme l’exprime le Rav Dessler : « Ce n’est pas parce que je souffre qu’autrui doit souffrir également. »
Ainsi, l’enterrement de Sarah fut l’épreuve la plus difficile en matière de relations interpersonnelles ; se conduire convenablement avec son prochain, bien que l’on ait toutes les excuses pour réagir différemment.
Rav Frand applique cette idée à notre quotidien : « Le fait que l’on ait eu une rude journée au bureau ne justifie pas celui de faire souffrir ses enfants ou son conjoint par une humeur orageuse. Ceci demande un contrôle de soi énorme et une capacité à traiter tout être humain – juif ou non juif, le plus dignement possible. »
Puissions-nous émuler Avraham Avinou et nous efforcer de traiter les autres correctement, même quand cela nous est particulièrement difficile.
[1] Pirké Avot 5,3.
[2] Ibid.
[3] Mikhtav Mééliahou, 4ème vol., p. 245-247.