Partout en Israël et dans le monde juif, dans les synagogues, Yéchivot et Baté Midrach, mais aussi dans tant de maisons juives, tant de camps de l’armée, cette "voix de Ya’akov" ne cesse de monter toujours plus forte.
Des clameurs montent autour de nous. Et en nous. Clameurs de douleur, d’effroi, de deuil. Clameurs si puissantes que même parmi les nations du monde, il faut le savoir et le dire, de belles voix indignées se font entendre. À chacun sa clameur, à chacun son Chofar… Pour certains, une voix claire et puissante. Pour d’autres, étonnamment nombreux dans tout le monde juif, une petite voix au fond du cœur qui, cette fois-ci, ne veut plus se taire ; pour d’autres encore, une larme au coin de l’œil, qui désormais n’a plus honte de se montrer et de couler ; pour d’autres aussi, une main qui soudain n’hésite plus et signe, peut-être pour la première fois, un chèque de don. Et même, j’en suis témoin (Hatzalah, vous confirmez ?), un deuxième…
La voix de Ya’akov dans les camps militaires
Nous sommes quelques uns à nous souvenir du beau chant des maquis de la Seconde Guerre mondiale : "Ami, entends-tu le chant des Partisans dans la plaine…" Il faudrait l’actualiser et dire : "amis, connus et inconnus, entendez-vous ces clameurs bouleversantes qui, telles des Chofar, se mettent soudain à vibrer autour de nous, notamment dans les camps militaires, où plane un souffle inimaginable il y a encore peu ?" Un souffle juif qui rappelle des épisodes anciens et glorieux de l’Histoire du peuple d’Israël ?
Et puis il y a une autre clameur, plus puissante que jamais depuis peut-être deux mille ans, "la voix de Ya’akov", la voix du Juif qui prie, qui étudie, qui bénit… Cette voix dont nous savons qu’elle seule est en mesure de faire annuler l’effrayant décret qui nous a tous frappés le jour de Sim’hat Torah. Partout en Israël et dans le monde juif, dans les synagogues, Yéchivot et Baté Midrach, mais aussi dans tant de maisons juives, tant de camps de l’armée, cette "voix de Ya’akov" ne cesse de monter toujours plus forte.
Les soldats savent et nous savons, le danger. Et nous les embrassons et les bénissons d’autant plus fort. Car, chose étonnante, nous les voyons partir pour répondre résolument à l’appel, en même temps qu’un nombre impressionnant d’entre eux ont pris soin de fourrer dans leur sac les Téfilines jusqu’ici oubliées dans les lointains souvenirs de la Bar-Mitsva, un Siddour peut-être, un petit Téhilim certainement. Fasse le Ciel que ce souffle nouveau-ancien ne nous quitte pas, qu’il aille même en s’amplifiant et que de cette épreuve déchirante, émerge la réalité d’un Israël renouvelé à ses plus belles sources !
La constatation étonnante du Ech Kodech
Sentant cette vibration extraordinaire, et relisant des textes du Ech Kodech, je me suis dit que les temps, apparemment, avaient bien changé. Ech Kodech, recueil de Drachot de Rabbi Kalonymos Kalmish Shapiro, charismatique Rabbi 'Hassidique de Piaseczne, prononcées dans le ghetto de Varsovie, mises par écrit et enfouies en terre en 1943 dans des pots métalliques, découverts après-guerre.
Dans un texte extraordinaire datant de 1941, cet auteur note avec étonnement que les offices des fêtes, avant l’invasion de la Pologne, lui semblaient marqués par une plus grande ferveur et une plus grande intensité que ceux des fêtes à l’intérieur du ghetto ! Et il propose deux explications à cet apparent paradoxe : la première, outre la faiblesse due à la faim et au travail forcé, c’est qu’un homme qui voit ses prières exaucées y puise un encouragement qui le stimule, tandis que la vision d’épreuves qui vont en se multipliant et s’aggravant ne peut que le plonger dans un état de démoralisation.
La seconde explication est qu’il faut une mesure de joie et de foi intègre pour être capable d’élever une fervente prière. Or comment les Juifs peuvent-ils se réjouir, alors qu’ils sont soumis à de graves persécutions ? Il faut donc, ajoute le Rebbe, se souvenir de l’exemple du roi David, homme qui connut nombre de douloureuses épreuves tout au long de sa vie : il s’écrie en effet, dans le fameux psaume 130 que nous récitons ces temps-ci après chaque office, “Mima’amakim” ("Des profondeurs je T’appelle !"), première profondeur au sein de la seconde…
Éviter les pièges
Les temps ont apparemment changé, disais-je, car plusieurs décennies après les drames de la Shoah, nous sommes témoins de cet extraordinaire et fervent élan de solidarité et de fraternité juives ; de la vibration spirituelle renouvelée avec grande vigueur dans les Yéchivot, les Kollelim et les synagogues, qui connaissent une fréquentation inhabituelle…
Mais attention toutefois : nous ne sommes pas encore sortis de cette épreuve terrible, de lourds combats sont en cours, au nord et au sud d’Israël, et les otages n’ont toujours pas été libérés. Le Rabbi de Piaseczne nous alerte alors : ne pas tomber dans les pièges et les ornières de l’habitude, qui nous font retomber dans les erreurs passées ; ne pas s’obstiner dans de vaines conceptions humaines, comprendre et accepter que seule la Providence divine peut nous apporter une véritable délivrance ; surtout et avant tout, thème récurrent dans ses Drachot, ne pas s’accoutumer à la souffrance des Juifs, ne pas laisser s’émousser cette sensibilité juive, qui seule peut nous renforcer dans le surcroît d’Ahavat Israël attendu de nous à l’heure actuelle.
Et que ne faiblisse pas la rumeur des Chofarot qui vibrent autour de nous, que les Juifs aillent au contraire en se renforçant dans la prière, l’étude de la Torah et les actes de ‘Hessed, tel le son du Chofar au Mont Sinaï !