" Maman, j'ai faim.
- Ma chérie, ce midi, j'ai préparé des délicieux sandwiches. Bon appétit !
- Des sandwiches ? Euh… Motsi ou Mézonot ?
- Motsi, bien sûr ! Je suis allée à la boulangerie, et j'ai acheté des baguettes toutes fraîches, comme tu les aimes !
- Euh… Tu sais, maman, je n'ai pas très faim, en fin de compte. Je vais me prendre quelques crackers avec du fromage...
- ???"
Cette jeune fille avait faim, non ? Pourquoi refuse-t-elle le sandwich pourtant appétissant de sa maman ? Peut-être vous identifierez-vous avec elle ? Cette demoiselle n'a pas le temps (ou l'envie) de réciter le Birkat Hamazone. Trop long. 'Al Hami'hya, c'est plus facile. Si possible, Boré Néfachot c'est encore mieux. L'idéal, c'est lorsque le repas est constitué de poulet, de légumes, de riz et d'une salade. C'est un repas complet, et on n'a pas besoin de dire plus que les trois lignes du Boré Néfachot…
Dommage ! Nos priorités semblent bien inversées ! Lorsqu'on reçoit un cadeau, il est naturel de remercier. Alors après un bon repas, rassasiant, délicieux, il devrait être naturel de nous exclamer avec enthousiasme : "Merci Hachem, de m'avoir permis de me régaler !" (Et ne pas oublier, le cas échéant, de remercier également celui qui a préparé le repas …) Alors en route pour une meilleure compréhension de cette Mitsva ! Peut-être que nous aurons ensuite un autre regard sur les 3 à 5 minutes que prennent la récitation du Birkat Hamazone…
Dans la Paracha de cette semaine, 'Ekev, il est écrit : "Tu mangeras, tu seras rassasié, et tu rendras grâce à Hachem ton D.ieu pour la bonne terre qu'Il t'a donnée" (Dévarim 8,10). Il s'agit d'un Commandement de la Torah. Le 'Hizkouni fait remarquer qu'on trouve dans ce Passouk une allusion à trois des quatre Brakhot contenues dans le Birkat Hamazone : La première Brakha – "hazane eth hakol – qui nourrit tous" vient de "tu mangeras, tu seras rassasié, et tu rendras grâce à Hachem". La seconde Brakha – "'al haarets ve'al hamazone – pour la terre et pour la nourriture" représente le mot "terre [d'Israël]" du Passouk. Enfin, la troisième Brakha de "boneh Yérouchalaïm - qui construit Yérouchalaïm" est à relier à l'adjectif "bonne", parce que Yérouchalaïm est qualifiée de "bonne, belle montagne" (Dévarim 3,25).
Ainsi, le Birkat Hamazone est constitué de 4 Brakhot et de la série des Hara'haman. La première Brakha a été instaurée par Moché Rabbénou. La seconde a été instaurée par son successeur, Yéhochou'a, qui a fait entrer les Bné Israël dans cette "bonne terre", Erets Israël. La troisième a été instaurée par les rois David et Chlomo qui ont construit le Beth Hamikdach. Enfin, la quatrième, "Hatov Véhamétiv – le Bon et le Bienveillant", a été instaurée par les Sages de la Michna afin de rendre grâce à Hachem qui avait permis, dans Sa bienveillance, que les corps des victimes de Bétar [1] ne se décomposent pas (Hatov) jusqu'à ce que le décret interdisant de les enterrer soit aboli – ce qui s'est produit une quinzaine d'années plus tard (Hamétiv) !
La récitation de ces quatre Brakhot constitue donc l'accomplissement d'une Mitsva. La série des Hara'haman est plus tardive, puisqu'elle a été ajoutée à l'époque des Guéonim et des Richonim (du septième au quinzième siècle approximativement). Elle comprend toutes sortes de requêtes que nous adressons à Hachem – une bonne santé, la paix, la Parnassa, la fin de l'exil, pour ne citer que celles-ci. Le 'Hafets 'Haïm écrit qu'après l'accomplissement d'une Mitsva, nos prières ont plus de chances d'être entendues ; c'est la raison pour laquelle nos Sages ont inséré cette série qui couvre un large éventail de bénédictions dont nous souhaitons tous faire l'objet.
On comprend du Passouk de notre Paracha qu'il ne saurait être question de manger sans remercier Hachem. À chaque repas sa Brakha, mais ainsi que nos Sages l'enseignent, il est interdit de profiter de quoi que ce soit dans ce monde sans dire de Brakha à l'intention du Très-Haut. Manger sans réciter de Brakha au préalable est apparenté à du vol, parce qu'avant la Brakha, l'aliment n'appartient qu'à Hachem. Ce n'est qu'après avoir dit la Brakha qu'il nous est remis. Après avoir mangé, on récite la Brakha A'harona [2] en guise de remerciement. Le Birkat Hamazone, précise le Seforno, est un rappel constant que les bénédictions dont nous jouissons nous viennent de Lui…
À titre personnel, je me suis beaucoup attachée à cette Mitsva. Il y a quelque temps, j'ai voulu perdre du poids. Pour de vrai. Pas les régimes terribles qui affament et/ou frustrent, avec en fin de compte, les kilos qui reviennent, capital et intérêts. Là, j'ai décidé de transformer toute mon approche sur l'alimentation. Et – pourquoi pas – faire d'une pierre deux coups : gagner physiquement et spirituellement. Je me suis renforcée dans le domaine des Brakhot. Une bonne Brakha avant le repas, une bonne Brakha après, et pour être sûre de bien respecter cette décision, je devais m'asseoir pour manger. Bref, j'éliminai l'option du grignotage d'une part, et je gagnai des Brakhot récitées convenablement d'autre part. Tout gagnant.
Plus récemment, j'ai lu ce que le Séfer Ha'hinoukh déclare au sujet de la Mitsva de Birkat Hamazone : "J'ai appris de mes maîtres que quiconque est scrupuleux dans la récitation du Birkat Hamazone bénéficiera d'une subsistance honorable toute sa vie durant". J'ai également lu des témoignages de personnes qui avaient pris sur eux de faire attention à dire régulièrement Birkat Hamazone qui ont vu des délivrances en termes de Parnassa, et j'ai décidé de m'y mettre moi aussi. Je témoigne aujourd'hui que Hachem m'a envoyé Sa Brakha. Des portes se sont ouvertes de manière manifeste.
Et indépendamment des kilos en moins et de la Parnassa en plus, j'ai réalisé la beauté des mots du Birkat Hamazone. Le Birkat Hamazone, en plus de spécifier les cadeaux tellement précieux dont Hachem nous comble, exprime éloquemment de très belles prières pour un avenir stable tant spirituellement que matériellement. Cette Mitsva n'est pas difficile à réaliser : il suffit de s'asseoir, de se régaler, de prendre un Sidour, et de lire mot à mot le Birkat Hamazone. Quelques minutes seulement, pour des bénédictions infinies !
[1] : Le massacre de Bétar est un évènement tragique qui date de peu de temps après la destruction du second Beth Hamikdach. L'armée de Bar Kokhba était sortie en guerre contre Rome, qui sortit finalement vainqueur et conquit la ville. Les soldats romains tuèrent tant de monde que le sang coulait littéralement à flots.
[2] : Birkat Hamazone après un repas à base de pain, 'Al Hami'hya après un repas à base d'aliments autres que le pain et provenant des cinq céréales, après du vin, ou des fruits cités par la Torah au sujet d'Erets Israël, Boré Néfachot après tout aliment n'appartenant pas à ces catégories