La période du 'Omer est dans sa définition la plus simple, une période de 49 jours entre Pessa'h et Chavou'ot. Les lois qui régissent cette période sont partagées en deux “chapitres” : le compte du 'Omer et le deuil des étudiants de Rabbi 'Akiva. Quel est le sens de cette période ? Et comment l’utiliser pour nous élever et nous améliorer ?
1. Compter le 'Omer
Le compte du 'Omer consiste à compter chaque soir depuis le deuxième soir après Pessa'h et jusqu'à la veille de Chavou'ot. Nous disons chaque jour : "Aujourd'hui, nous sommes le Xème jour du 'Omer". Et c’est après 49 jours de décompte que nous arrivons à la fête de Chavou'ot. D’ailleurs on voit que, contrairement aux autres fêtes, Chavou'ot n'est pas désignée dans la Torah par sa date (le 6 Sivan), mais “50 jours après Pessa'h”.
C’est ainsi que le 50ème jour, nous célébrons Chavou'ot, don de la Torah.
Notez bien qu’avant de commencer le compte du 'Omer, on ne récite pas la Brakha de Chéhé'héyanou ("Merci Hachem de m'avoir fait vivre jusque-là et de m'avoir donné le mérite d'accomplir cette Mitsva !"), comme c’est le cas pour les Mitsvot que l’on n’a pas souvent l’occasion d’accomplir (comme par exemple un Kiddouch récité un soir de fête, la sonnerie du Chofar, ou l’allumage de la ‘Hanoukia, etc.).
Une raison souvent proposée est que le compte du 'Omer de nos jours n'est qu'un rappel de la Mitsva réelle qui consistait en l'offrande du Korban 'Omer (sacrifice du ‘Omer) à l'époque du Beth Hamikdach (Temple). Mais une autre raison, suggérée par le Bné Issakhar, explique que le compte du 'Omer n'est que le moyen qui permettra de parvenir à la finalité que constituera Chavou'ot, le don de la Torah. C'est en somme une Mitsva subsidiaire dont l'accomplissement réel aura lieu lors de Chavou'ot, fête du don de la Torah. Cette idée met en valeur le fait que toute la période de Sefirat Ha'omer est une préparation essentielle au don de la Torah. De quelle manière se prépare-t-on donc à recevoir la Torah ?
2. Les élèves de Rabbi 'Akiva
Rabbi 'Akiva avait 24.000 étudiants, ni plus ni moins, qui représentaient une puissance extraordinaire en Torah. Et tous sont morts pendant la période du 'Omer, dans une période de 33 jours. Le mot dévastateur n'est pas suffisamment fort pour qualifier cette perte dans le monde de la Torah, et dans le monde en général qui dépend de la Torah. Que s'était-il passé ? Nos Sages répondent qu'ils ne se respectaient pas assez les uns les autres. Ils étaient des géants en Torah, mais dans leurs relations avec autrui, dans le raffinement de leurs Middot (traits de caractère), ils étaient déficients. [Il faut comprendre ce que signifie déficient à leur niveau qui nous dépasse de très loin, mais ce sera pour une autre fois…]
Il n'est pas anodin que cette tragédie (24.000/33 = 727,2, soit plus de 700 annonces tragiques par jour !) ait eu lieu pendant la période du 'Omer. La leçon que l'on peut tirer de là est que, pour arriver à Chavou'ot, pour recevoir la Torah, il est nécessaire au préalable de passer par le 'Omer et de méditer sur les géants en Torah, morts pour ne pas avoir respecté suffisamment autrui. La Torah est tout dans notre vie. Mais pour accéder à la Torah, il faut apprendre à bien se comporter vis-à-vis des autres. Et pour cela, il est nécessaire, essentiel et primordial de travailler sur sa personnalité et sur ses traits de caractère. D'ailleurs, 49, le nombre de jours de cette période, est la valeur numérique de Lev Tov (un bon cœur) !
Bien utiliser cette période
Alors allons-y ! Qu'attendons-nous ? Nous avons tous un (plus ou moins) petit paquet de défauts qui nous dérange, et dont nous voulons nous séparer… "Je suis plus intelligente que ma copine, et quand je lui ai dit que je ne comprenais pas comment elle avait pu écrire de telles bêtises sur son devoir, elle s'est terriblement vexée." "Un rien m'énerve, et quand je vois que les enfants renversent d'un seul coup tous les jouets, je vois tout rouge, je crie et les enfants pleurent." "Je n'arrive pas à retenir ma langue, et quand j'ai raconté à ma copine ce que ma belle-mère m'avait fait, mon mari m'a entendue et s'est fâché." Vous connaissez ces scénarios ? Vous pouvez en proposer d'autres ?
Nous sommes donc d'accord sur le fait que si nous ne corrigeons pas notre orgueil/colère/façon de parler (liste non exhaustive), nous n'arriverons pas au Lev Tov, et il sera difficile de suite d'arriver à une réception idéale de la Torah. Alors on peut commencer à s'y mettre.
Patience
Avant d'en arriver à la pratique, partageons une petite réflexion préalable.
Il était une fois, un berger qui s'appelait 'Akiva, et qui s'était engagé auprès de son épouse Ra'hel à étudier la Torah. Histoire connue, mais qui vaut la peine d'être répétée, pour intégrer son message une fois de plus, et l'imprimer en nous encore une fois. Or, 'Akiva avait déjà 40 ans, et il ne connaissait même pas l'alphabet. Il était complètement découragé avant même de commencer. C'est alors qu'il vit près d'un puits une pierre. La pierre était trouée. Qui a la force de trouer une pierre sans machines sophistiquées ? 'Akiva était curieux de savoir ce qui s'était passé, et il découvrit quelque chose d'intéressant : de l'eau tombait goutte à goutte à cet endroit. La persévérance de ces gouttelettes, qui cognaient inlassablement contre le rocher, avait créé un trou. Admettons qu'au fil des années, c'était 1000 litres d'eau qui s'étaient déversés contre le rocher en goutte à goutte. Vous pouvez être certaines que si vous renversez 1000 litres d'eau sur un rocher en une fois, votre rocher restera intact (quoique bien mouillé). Ce qui signifie que ce n'est pas l'eau elle-même qui a créé le trou, mais bien la persévérance des toutes petites gouttelettes. 'Akiva, dans sa grande intelligence, a compris que goutte par goutte, tant qu'il persévérait, il finirait par y arriver.
Et c'est ainsi que 'Akiva est devenu le grand Rabbi 'Akiva, maître de 24.000 élèves, et générateur d'une étude de Torah à une échelle qui dépasse toute imagination. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Et comme on l'a vu, elle a été suivie d'une tragédie. Les 24.000 élèves sont tous morts ! Tout ce travail en vain ! Rabbi 'Akiva aurait pu abandonner et se dire que, décidément, cette voie n'était pas celle qui lui convenait ! Mais non. Rabbi 'Akiva savait l'importance de la patience et de la persévérance. La première petite goutte n'avait eu aucun effet sur le rocher. La deuxième ne s'est pas découragée. Et la troisième non plus. Et le trou s'est formé. Les 24.000 élèves avaient certes quitté ce monde, mais Rabbi 'Akiva a persévéré. Il a continué à former des étudiants. Il en a eu 5, qui ont finalement continué la chaîne de la transmission de la Torah (parmi lesquels notamment Rabbi Chim'on bar Yo'haï). Il y a bien lieu de supposer que Rabbi 'Akiva ait mis, en étudiant avec ces cinq étudiants, un point d'honneur à insister sur le respect d'autrui, parce que lorsqu'il y a une chute, il faut savoir tirer la bonne leçon, mais on n'abandonne pas.
On continue. On progresse. On y arrive. Et on ne se décourage jamais. A aucun stade du parcours.
Dans la pratique
Voici donc ce que je nous propose pour progresser pendant cette période.
1. D'abord, choisissons le point qui nous pose problème. On peut vouloir se débarrasser de la colère, de l'orgueil, ou bien nous améliorer dans le domaine de la parole, ou tout autre comportement négatif à éliminer ou comportement positif à s'approprier.
2. Un problème bien posé est à moitié résolu. Faites le point sur la situation actuelle et notez-vous de 1 à 10. Quelle note souhaitez-vous atteindre d'ici Chavou'ot et qu'est-ce que cette note signifiera concrètement ?
3. Attention dans les deux sens : nous voulons progresser, et donc il faut avancer, mais avancer trop vite peut entrainer des rechutes. Il faudra donc prévoir un plan d'action intelligent, qui permettra d'avancer lentement, mais sûrement. Quelle est votre première étape, et en combien de temps pensez-vous l'acquérir ?
4. Au travail ! Allez-y, réjouissez-vous de vos succès, et ne soyez pas trop déçues des échecs (quasiment inévitables – ils témoignent d'ailleurs de la justesse de votre entreprise, puisqu'ils proviennent de notre vieil ennemi le Yétser Hara' (mauvais penchant) sorti en guerre, suite à notre déclaration de guerre !).
5. La première étape est acquise ou sur le point de l'être ? Bravo ! En route pour la deuxième étape ! Reprenez le point 4. Et faites de même pour les étapes suivantes.
6. Le parcours du combattant est achevé ! Bravo, ce processus vous a donné l'occasion d'une bonne introspection, d'une construction positive de vous-même, et surtout de la constatation que VOUS EN ÊTES CAPABLE !
Et après ?
Nous sommes dans ce monde pour 120 ans ! Ce n'est pas le moment de nous reposer sur nos lauriers ! Nous avons fait du bon travail, et il est temps de continuer. Nous avons gravi les échelons de notre échelle, et nous pouvons choisir une nouvelle échelle dès maintenant, pour grandir encore et progresser toujours plus haut ! Essayons de placer une nouvelle deadline d'ici le mois de Av pour qu'au lieu de pleurer la destruction du Beth Hamikdach, nous puissions nous réjouir ensemble le 9 Av dans Yérouchalayim reconstruite !