Notre époque voit se multiplier les téléphones, beepers, portables, fax, e-mails, messageries... Sommes-nous pour autant à l’écoute ? Dans tout ce flux de sollicitations, entendons-nous ?
L’écoute aurait-elle disparu de notre environnement moderne, perturbée par la révolution des communications ? La condition préalable au fait de bien éduquer, c’est de bien écouter. Et c’est tout un art !
Je livre à votre réflexion le journal intime d’un enfant de 10 ans :
Citation :
« Ce matin-là, je me sentais à la fois joyeux et soulagé quand maman m’a réveillé.
- “Bonjour ! Il faut te lever !”, me dit-elle. Quand maman ouvrit les persiennes, je fus ébloui par les rayons de soleil qui pénétraient dans ma chambre. Je pensais : Que Hachem soit béni, ce n’était qu’un rêve !
- “Maman, écoute le rêve effrayant que j’ai fait ! …”, lui dis-je.
Mais maman n’avait pas le temps :
- “Pas maintenant mon chéri, tu vois bien que je suis pressée, et nous devons nous dépêcher, si nous ne voulons pas rater le minibus !”, s’écria maman, pas du tout impressionnée par mon cauchemar.
Je ne pouvais pas attendre plus longtemps, aussi je décidai de le lui raconter. Je commençai à parler, mais je remarquai que maman n’écoutait pas. Elle était très occupée et passait d’une chose à l’autre. Je continuai néanmoins à la suivre partout, tout en poursuivant mon récit… Jusqu’au moment où elle se fâcha et explosa :
- “Tu me déranges sans cesse, pousse-toi ! À cause de toi, nous serons en retard !”
L’après-midi, quand je suis revenu de l’école, j’ai voulu dire à maman combien j’avais apprécié les cours, comment j’avais bien répondu au maître, comment j’avais réussi à gagner 23 noyaux d’abricots et aussi qu’Ephraïm m’avait vexé, et… Elle m’interrompit :
- “Nous n’avons pas le temps maintenant mon chéri, il faut servir le déjeuner, la soupe risque de refroidir, ce serait dommage ! Va te laver les mains avant le repas, s’il-te-plaît !”
Entre deux bouchées, j’essayai de raconter mes aventures, mais maman me jeta un regard réprobateur :
- “Combien de fois, t’ai-je dit qu’on ne parle pas à table ! Un peu de savoir-vivre, tout de même !”
Je remplis ma bouche de jus, et je me tus. Ensuite, maman alla s’allonger, interdiction de la déranger. J’avais l’intention d’être silencieux. Mais soudain, je me suis souvenu de quelque chose d’important - Oh Hachem, fasse que je ne l’oublie surtout pas, il faut que je le dise à maman, tout de suite !
J’ouvris la porte de sa chambre doucement…
- “Quand vas-tu comprendre que je suis fatiguée et que je veux me reposer ! Pourquoi me déranges-tu ?”, me cria-t-elle.
Je jetai un coup d’œil à ma montre, 16h30. Je voulais demander à maman de m’aider à faire mes devoirs, mais elle était au téléphone, j’essayais pourtant :
- “Maman, veux-tu m’aider ? Juste un petit exercice…”
- “Pourquoi n’écoutes-tu pas le maître en classe ? Je n’ai pas le temps maintenant. Réfléchis seul ou demande à ton frère Haïm… Alors, tu entends, on ajoute du poivre, du sel, un œuf, et un verre de farine… on mélange, et on fait frire, c’est un délice !!”
C’est alors que je me souvins de mon rêve de la nuit, et je décidai que c’était le moment de le raconter… mais maman continuait à parler au téléphone :
- “Comment va le petit ?... Comment t’arranges-tu ?... Je serai heureuse de t’aider si tu en as besoin… lui disait-elle. Ouf ! Qu’est-ce que tu veux encore ?! Ah ces enfants ! Il faut toujours qu’ils nous dérangent, ils ne nous laissent pas parler tranquillement un moment…”
J’avais abandonné l’espoir de raconter mon rêve à maman. Je descendis jouer dans la cour. Quelque temps après, je remontai car j’avais fait une découverte fabuleuse et il fallait que je la montre à maman. Une sorte de pierre particulière, lisse et vraiment ronde ; et sur le chemin, j’avais aussi cueilli une fleur pour maman…
Pendant que je courais dans l’escalier, j’entendis la voix de maman qui discutait avec la voisine de palier. Je m’arrêtai et dissimulai la pierre et la fleur dans la poche de mon pantalon. Pourquoi se presser, je n’essayai même pas de les lui montrer. Je savais que ce n’était pas le moment opportun, maman m’aurait dit quelque chose comme :
- “Mon chéri, pas maintenant, tu ne vois pas que je parle avec Madame Lévy ?! Un enfant ne doit pas interrompre les adultes quand ils discutent, attends que j’aie terminé…”
Et je sais que les discussions de maman avec Madame Lévy sont interminables… Alors, je rentrai à la maison, j’allai à la cuisine et je sortis la fleur de ma poche. Comme elle avait l’air défraîchie et minable, complètement froissée ! Un pétale était tombé ! Je caressai les pétales et mis la fleur dans un verre d’eau. Maman sera contente, elle trouvera une surprise ! J’aime toujours lui faire des surprises agréables.
Après une longue heure de discussion avec Madame Lévy, maman rentra à la maison et se dirigea vers la cuisine.
- “Il est si tard que cela ! marmonna-t-elle, comme le temps file, il faut déjà préparer le dîner ! Ah, qui a mis cette herbe dans le verre ?! Qu’est-ce qui t’arrive, arrête de rapporter toutes sortes d’herbes à la maison, je n’ai pas besoin de tout cela ! Cela me gêne beaucoup dans la cuisine, je n’ai déjà pas de place dans cette minuscule cuisine, il ne me manque plus que ça ici !”, dit maman en colère.
Je suppliai alors :
- “Non, ne la jette pas ! » J’essayais d’expliquer que c’était une jolie fleur et pas une mauvaise herbe, et qu’elle était dans cet état parce qu’elle était restée dans ma poche. Et pourquoi était-elle dans ma poche ? Parce que…”
- “Quelle pipelette cet enfant ! Qu’est-ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je prépare le dîner ? Va mettre ton pyjama ! Tu as fait tes devoirs ?”
Après le dîner, alors que nous étions tous dans nos lits, et que la petite lumière du couloir brillait, je pensais à toutes les choses que j’aurais bien voulu raconter aujourd’hui à maman. Je les avais toutes gardées pour moi, défraîchies et misérables, comme la petite fleur que j’avais mise dans ma poche. Peut-être que maintenant je vais pouvoir échanger quelques mots avec maman ? J’eus une lueur d’espoir !
- “Maman ! Appelai-je dans l’obscurité, maman !”
Les pas de maman résonnèrent près de ma chambre, et son visage s’approcha de moi dans la pénombre, un doigt sur sa bouche.
- “Chut ! Silence ! Tu réveilles le bébé, je viens tout juste de réussir à l’endormir ! Bonne nuit mon chéri, je me dépêche à présent d’aller à mon cours de Parachat Hachavou'a.”
Un jour nouveau. Aujourd’hui, je serai un enfant sage, je ne dérangerai et n’ennuierai personne. Je m’habillai en vitesse et attendis sans déranger. L’après-midi, je rentrai en silence à la maison. Je m’assis pour déjeuner et je me souvins qu’on ne parle pas à table. Je ne savais pas bien faire mes devoirs, Haïm n’avait pas la patience de me les expliquer. Et ce n’était pas la peine de déranger maman, le respect des parents passe avant tout !
Le soir, dans mon lit, je savais que j’avais été un gentil garçon, je n’avais pas ennuyé maman comme d’habitude, mais je ressentais un malaise, ma poche était pleine de fleurs froissées. Après plusieurs jours, pendant lesquels je fus un enfant gentil et calme, je commençais à réaliser que toutes ces fleurs froissées gonflaient trop ma poche, mais je craignais de les sortir, de peur que maman ne les considère à nouveau comme des mauvaises herbes… »
Fin de citation.
Est-il nécessaire de répéter qu’il est difficile d’être parent ?! Loin de moi l’intention de culpabiliser les parents, mais seulement d’attirer leur vigilance. Être parent demande une écoute centrée sur notre enfant. Ainsi nous pourrons l’accompagner sur le chemin de l’autonomie en l’aidant à grandir et en faisant ressortir ses qualités et ses ressources profondes. L’éducation des enfants nécessite de travailler sur soi et de faire beaucoup d’efforts.