Question d'une internaute : Je ne sais plus comment me comporter avec mes parents, ils tiennent responsable mon mari de tout ce qui ne va pas dans notre famille (ma soeur est mariée avec un non-juif, et le couple de mon frère et ma belle-soeur bat de l’aile). Ils lui reprochent d'avoir plus de respect envers ses parents qu'envers eux, mes enfants étant plus proches de ma belle-famille que de la mienne, ils sont jaloux de la relation cordiale et sans vague que j’entretiens avec ma belle-famille. Ils me reprochent de lui être soumise... Cela fait dix-sept ans que je supporte leurs critiques sur mon mari et parfois sur mes enfants ; la goutte d’eau qui a fait déborder le vase fut le départ de mon père lors de la Bat-Mitsva de ma fille pour marquer son mécontentement envers mon mari. Pour ma part, j’ai évoqué l’idée de voir mes parents sans mon mari dorénavant. Qu’en pensez-vous ? Merci de votre aide.
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Former un couple, c’est apprendre à composer avec sa famille et sa belle-famille dans le but de vivre en harmonie. Mais que faire lorsque l’on se trouve devant un mur ? Doit-on le forcer ? Le contourner ? Ou faire demi-tour ?
Prendre de la distance avec sa famille d’origine
Ce n’est un secret pour personne, lorsqu’un couple se forme, il y a une sorte d’initiation lors de la présentation du conjoint à ses futurs beaux-parents. Va-t-il être accepté, apprécié, aimé ? Ce n’est pas une question anodine tant parfois il y a d’enjeux, d’adversité, de méfiance lors de l’entrée d’un nouveau venu dans une famille qui avait déjà trouvé son équilibre. Et par la suite, les parents sont tellement tentés d’entrer plus en profondeur dans le couple de leurs enfants, qu’ils peuvent finir par provoquer de nombreux dégâts. Pour réussir sa vie de couple, on doit arriver à se séparer de sa famille d’origine. Rappelons-nous du verset dans Béréchit : « C’est la raison pour laquelle l’homme abandonnera son père et sa mère, il se collera à son épouse et ils formeront une seule chair ». Ce verset nous apprend ainsi que le point de départ d’un couple se situe dans la capacité qu’auront l’homme et la femme à se séparer de leurs parents. L’importance de la séparation dépendra des parents eux-mêmes. De la façon qu’ils auront décidé de se placer par rapport au couple. S’ils restent à une place de parents bienveillants qui respectent le couple, alors la séparation sera minime. Mais si les parents ne savent pas rester en dehors du couple formé par leur enfant, ne le respectent pas, l’envahissent, alors la séparation pourra être plus qu’une simple séparation, car elle sera non seulement géographique, mais également émotionnelle et affective.
On ne peut pas rester à vie l’enfant de ses parents. Devenir adulte, c’est garder ses attachements d’enfant, mais construire sa propre vie, penser par soi-même et développer son autonomie, sa propre idée de réalisation de soi. La priorité de tout couple doit donc être la famille qu’il crée chaque jour en continu.
Éviter les non-dits et toujours respecter l’autre
Pour autant, prendre de la distance ne signifie certainement pas de couper les ponts. Bien au contraire. Il s’agit de passer des moments ensemble, en famille, tout en restant à l’écoute de son désir et de celui de son mari. Et les moments passés en famille restent importants, même si l’on a quitté le nid parental depuis longtemps, car ce sont des instants festifs, de retrouvailles, d’échange. Et également une richesse pour la nouvelle génération qui les remplit de souvenirs et d’histoires. L’important est que chacun trouve sa juste place : le mari, la femme, les beaux-parents… Alors, bien sûr, il y aura parfois des conflits, c’est normal dans une famille. Et dans ce cas, il y aura des ajustements à faire au niveau de la place de chacun au sein de la famille. Mais pour désamorcer vite ces conflits, il ne faut jamais laisser des non-dits s’installer. Il ne faut jamais couper le dialogue, ne jamais laisser s’installer une gêne, et la règle universelle est de toujours respecter chacun !
Pour parler plus précisément du cas que vous me soumettez, on perçoit justement beaucoup de non-dits dans ce conflit familial. Et un grand manque de respect envers votre mari. Pourquoi des non-dits ? Parce que tout simplement il n’est pas possible dans ce que vous me décrivez de comprendre la raison du rejet de votre mari de la part de vos parents. Comment est-ce possible d’accuser quelqu’un de tout ce qui ne va pas dans une famille ? Comment peut-on rendre responsable une personne d’un mariage mixte et d’un autre qui bat de l’aile ? Soit vos parents sont entrés dans un délire paranoïaque dont le sujet central serait votre mari, soit il existe un non-dit au sein de votre famille qui expliquerait le sens de ce rejet. Au fur et à mesure de ces dix-sept ans de mariage, une relation malsaine s’est installée, allant jusqu’à partir de la Bat-Mitsva de leur propre petite-fille ! C’est dire que leur mal-être envers votre mari passe au-dessus de leur devoir de grands-parents. Donc, imposer de nouvelles règles pour rétablir le respect et, dans le même cas, découvrir l’origine de ce conflit pourra vous permettre de le comprendre, de mieux appréhender leur comportement et surtout idéalement de finir par le désamorcer.
Mes conseils
- Discutez avec vos parents. Établissez un vrai dialogue avec eux. La parole est libératrice si elle sait être maîtrisée dans le respect de l’autre. Il faut que vous mettiez cartes sur table et qu’ils vous donnent de véritables raisons et non des excuses qui ne tiennent pas la route. Vous seule avec eux. Tout doit sortir et vous devez trouver ensemble des solutions.
- Retrouvez votre place d’adulte auprès de vos parents. Vous ne devez pas céder au chantage affectif qu’ils exercent sur vous. Ne vous justifiez pas de vos décisions. Vous allez voir votre belle-famille et tout va bien avec eux, tout simplement parce que lorsque des parents savent garder la place qu’ils doivent tenir, alors tout se passe bien. Il faut qu’ils comprennent que c’est leur comportement envers votre couple qui vous maintient à distance d’eux, et qu’il ne tient qu’à eux que cela change.
- Et inversement, vous devez demander à vos parents d’agir en adultes et non comme des enfants : jalousie, médisance, caprice, chantage. Cela ne pourra jamais donner une base de relation saine, que ce soit avec leur fille, leurs petits-enfants et encore moins avec leur gendre.
- N’oubliez jamais le Kiboud Av Vaèm, c’est-à-dire le respect que vous devez à vos parents. Ne levez jamais la voix contre eux et ils doivent savoir que vous serez toujours présente lorsqu’ils en auront besoin. Pour autant, vous ne pouvez tout accepter.
- Imposez de nouvelles règles de respect : vous devez absolument imposer de ne plus jamais entendre de leur part une seule critique envers votre mari ni vos enfants. Le Lachone Hara’ (médisance) est destructeur pour celui qui le dit mais aussi pour celui qui est calomnié. Il n’y a aucune volonté constructrice à ne parler que du mal de leur gendre. Leur parole n’est plus crédible et la confiance que vous pouviez avoir en eux s’efface du fait de leur comportement. À la moindre mauvaise parole de leur part, vous devez partir.
- Je vous conseille aussi de mettre de la distance entre vous et vos parents, c’est-à-dire de les voir beaucoup moins souvent, ou, si cela est possible, faire une vraie pause dans votre relation avec eux. Vous êtes un couple fort, mais imaginez ce qu’endure votre mari lorsqu’il se sent rejeté ! Ou vos enfants de se sentir critiqués par leurs grands-parents ! Ou de voir leur père détesté par eux ! Ce n’est pas se construire avec une image saine de la famille. Peut-être vos parents ont-ils besoin de cette distance pour réfléchir à ce que représente réellement la famille pour eux.
- Laissez votre porte ouverte : ce sont vos parents, vous les aimez et les aimerez toujours tendrement. Et s’ils décident un jour de reconstruire avec votre famille des bases positives, ils doivent savoir que rien ne vous rendra plus heureuse et que vous les accueillerez les bras ouverts.
Certaines relations sont hélas toxiques, c’est-à-dire qu’elles risquent d’être plus destructrices que constructives. Même parfois, avec des gens que nous aimons tendrement. Ce n’est malheureusement pas de notre pouvoir, nous ne pouvons pas influer sur le comportement des gens, seulement sur le nôtre. En revanche, nous pouvons décider de ne pas nous laisser entraîner dans cette négativité, car il ne faut pas oublier que tout ce que nous laissons entrer dans notre vie sera souvent plus tard reproduit par nos enfants.
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.