Question d'une internaute : Maman de 7 enfants âgés de 7 à 21 ans, j'ai fait mon possible pour leur donner une éducation religieuse et les faire grandir dans le respect de la pratique des Mitsvot. Même si tous ne sont pas profondément religieux, les bases sont là, nous faisons tous Chabbath, mangeons Cachère, les filles s'habillent dans le respect de la Torah et les garçons sont tous plus ou moins pratiquants. Nous entretenons de bons rapports avec chacun d'entre eux mais ces derniers temps, j'ai dû me heurter à ma fille de 16 ans qui estimait ne pas être aussi libre qu'elle l'aurait souhaité. Elle nous reproche notamment de ne pas pouvoir sortir le soir ni mettre des pantalons, en bref même si elle sortait comme bon lui semblait avec ses amies en journée ou même passait le Chabbath chez elles, cela ne lui suffisait plus ! Il y a 2 semaines, elle est sortie comme à son habitude mais n'est pas revenue et j'ai fini par découvrir que non seulement elle avait un copain, mais qu'en plus, elle vivait là-bas au milieu de la famille de son copain, qui en outre provient d’un foyer instable. Depuis ma fille a rompu tout contact avec ses frères et sœurs et avec nous, ses parents. Nous ne savons pas comment réagir ni même quoi lui dire tant nous sommes désemparés. Je vous remercie de m'avoir lue et attend vos conseils avec impatience.
Réponse de Mme Nathalie Seyman
L’adolescence est une étape compliquée à passer, que l’on soit à la place de l’enfant ou à la place des parents. C’est une période essentiellement remplie de conflits et de changements. On peut en arriver à ne plus reconnaître son enfant et se désespérer de la tournure que prend alors la relation. Comment réagir ? Avec compréhension ou autorité ? Et que faire lorsque l’on ne maîtrise plus rien ?
Rechercher le fond du problème
Tous les adolescents passent par une crise d’adolescence plus ou moins difficile entre 14 et 18 ans. Parfois même plus tard. Il n’est pas rare que durant cette période de conflits quasi permanents avec sa famille, l’adolescent échafaude des plans de départ du domicile parental. Mais en général, cela ne va pas plus loin qu’une menace. Lorsque l’enfant part vraiment de la maison, alors il faut s’interroger sur les motivations réelles de son geste. Cela ne peut pas s’expliquer simplement par une plus grande envie de liberté, un désaccord de longue date ou même une grosse dispute. Lorsqu’il ne s’agit pas d’une évasion de quelques heures qui lui permet de souffler et de se recentrer mais bien d’un vrai départ, alors c’est qu’il y a matière à s’inquiéter et surtout à s’interroger. Il faut vous poser avec votre mari et réfléchir ensemble sur ce qui a pu provoquer ce passage à l’acte si symbolique de quitter son cocon familial. Comment est l’ambiance familiale ? Y a-t-il un mal qui la ronge ? Comment se comporte-t-elle dans son cercle d’amis ? Il vous faut recueillir toutes les données possibles pour vous faire une idée de ce que vit votre adolescente, sans quoi vous ne pourrez pas trouver la solution et apaiser votre conflit.
Autorité ou compréhension
Savoir prendre les bonnes décisions pour soi, respecter les autres, arrêter de confondre désir et fantasme… Long est le chemin à parcourir pour devenir « responsable ». Et pour cela, les parents jouent un rôle indispensable. Le problème, c’est qu’aujourd’hui les parents n’osent plus poser des limites claires à leurs ados de peur de couper le contact avec eux ou de perdre leur amour. Or c’est faux car l’adolescent a besoin de ces limites qui vont l’aider à devenir un adulte responsable et cela, même s’il les rejette et cherchera à les transgresser. Il cherchera à combler le manque de limites par la provocation. Plus l’adulte montre ce qu’il attend réellement, plus la relation est claire. Les « peut-être » et les positions tièdes sont autant de situations qui font douter l’enfant sur l’autorité du parent et qui n’apportent rien de positif. Il faut poser des interdits clairs. Quitte à ce qu’il vous déteste pour avoir posé tel ou tel interdit. Mais évidemment l’autorité n’est pas antinomique avec la discussion et la compréhension bienveillante de ce que vit l’ado. Vous n’êtes pas d’accord avec lui, c’est ainsi et pas autrement mais vous entendez ses oppositions et prenez bonne note. Sans attitude militaire. Et surtout tout en ayant un comportement irréprochable qui lui serve d’exemple. Il faut intégrer le fait que l’autorité est un acte d’amour. Les sanctions, lorsque les enfants n’agissent pas de façon responsable, sont aussi le moyen de leur faire prendre conscience du chemin qu’il leur reste à parcourir pour devenir adultes. À leur stade, ils pensent sincèrement gérer leur vie mais nous en tant que parents, nous avons une vision plus globale et notre rôle est d’être leur guide.
Mes conseils
- Tout d’abord, sachez qu’au niveau juridique, une mineure ne peut décider seule de quitter ses parents sans leur permission. La seule exception possible consiste en l’émancipation de l’enfant mais qui ne peut pas la demander pour lui-même car elle doit être proposée au juge par les parents. Donc en tant qu’autorité parentale, vous ne pouvez pas accepter qu’elle vive ailleurs que sous votre toit et cela ne doit pas être quelque chose de négociable.
- Il faut qu’elle comprenne qu’elle a ébranlé la confiance que vous aviez en elle et qu’il va falloir qu’elle la rétablisse. En conséquence, vous devrez lui poser des limites (raisonnables évidemment) sur ses visites à ses amies et surtout sur ses fréquentations. Lorsque nous nous trouvons dans une situation difficile, il faut toujours prendre exemple sur la vie de nos Patriarches et Matriarches. Et rappelons-nous de l’attitude de Sarah Iménou qui voyait d’un mauvais œil la relation entre Its’hak son fils, et Ichmaël le fils d’Abraham. Elle a préféré les éloigner l’un de l’autre afin que l’éducation de son fils ne s’en trouve pas atteinte.
- La fermeté n’exclut pas la tendresse. Une fois qu’elle sera de retour chez vous, vous pourrez parler avec elle, lui faire comprendre votre point de vue, lui dire que vous l’aimez, que vous ne la lâcherez jamais quoiqu’il arrive. Il faut comprendre quel est son vrai problème, son mal-être qui la pousse à agir ainsi.
- Si vous devez aller à l’affrontement, alors ce ne sera pas un mal s’il s’agit d’un « bon » affrontement. Pas de cris, pas de reproches, toujours des paroles positives mais des positions strictes et claires sur ce que vous n’acceptez pas de sa part. Il faut que soyez unis avec son père. Sa présence et ce qu’il pense sont très importants, car il représente la loi et la limite. Et un couple parental soudé peut venir à bout de tous les problèmes d’éducation.
- Chaque enfant est un don d’Hachem et en tant que parents, nous devons nous en occuper précieusement. Notre rôle est d’en tirer le meilleur. Mais il faut être conscient que l’enfant ne va pas forcément nous ressembler ou suivre le même chemin que le nôtre. Il nous faut essayer de le comprendre, d’appréhender son caractère, ses qualités et ses aptitudes et de trouver une façon de l’éduquer qui lui est propre. Il ne s’agit pas de l’élever en fonction de nous mais en fonction de lui. Concernant la pratique, vous devez rester tolérante avec votre fille, car le but est qu’elle avance vers la Torah avec amour. S’il y a certains points sur lesquels vous ne pouvez pas déroger, d’autres peuvent être adoucis. Trouvez certains compromis ensemble, le but étant qu’elle se sente bien dans sa pratique des Mitsvot.
- Faites une réunion de famille pour parler de l’ambiance familiale. Il faut recréer les liens entre frères et sœurs. Organisez des activités en famille qui permettront de retrouver la complicité d’antan, sortez seule avec elle ou sortez entre femmes de la famille. Il vous faut vous retrouver.
- N’hésitez pas à demander conseil à un Rav, à un médiateur familial ou bien à un thérapeute si la communication entre elle et vous est totalement rompue.
- Ce qui vous aidera à passer cette étape difficile de votre vie sera la prière, l'amour, la tendresse et l'affection. Même si votre fille se rebelle aujourd'hui, elle se rapprochera de vous demain si elle se sent aimée telle qu’elle est, pour ce qu’elle est et qu’elle voit que votre inquiétude ne vise que sa sécurité et ne provient pas du fait que vous auriez perdu espoir pour elle. Multipliez les preuves d’amour, et avec le temps, vous ne récolterez que du positif.
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.