"Cher smartphone,
Je ne veux pas te demander pardon, je ne regrette pas de t’avoir jeté. Je veux tout de même t’expliquer mon geste, et, à cette occasion, je te demande de faire passer ce message aux gens intelligents qui t’ont créé - qui sont responsables de toi, ainsi qu’à tes utilisateurs -, dont tu es le responsable.
Je t’ai acheté après le lycée. Mes amies du lycée se trouvaient dans diverses parties du pays et du monde. Je voulais garder le contact avec elles par ton intermédiaire. J’ai eu recours à tes services pendant deux ans. J’ai été surtout en contact avec toi, mais je ne t’ai pas aimé.
Je n’ai pas aimé l’idée que, dans notre génération, c’est toi l’intelligent et pas nous. Je n’ai pas aimé l’idée que nous investissons en toi la majeure partie de notre temps, de nos forces, et, surtout, de notre vie privée.
Je n’ai pas apprécié l’idée de l’usage excessif qu’on fait de toi, je n’ai pas apprécié que, par là, on perd le contact avec notre entourage, notre sérénité, notre sensibilité, et, surtout, notre pudeur.
Lorsque j’utilisais Whatsapp, j’ai remarqué des gens qui ne prêtaient pas attention à leur entourage, car ils étaient occupés à lire tes messages, et à télécharger des photos qui ne montrent que des choses futiles de l’existence, que de l’extériorité. Des gens qui se lancent des piques, qui créent la concurrence : qui est le plus intelligent ? Qui va recevoir le plus de « Likes » et de « Love » ? Des gens qui ne protègent pas leur vie privée, et, en conséquence, qui comparent leur vie avec autrui, ils sont jaloux et se querellent, et louchent vers des images qui ne les regardent pas et qu’ils ne sont pas censés voir.
J’ai vu des amies placer dans leur image de profil des photos d’elles avec leur mari, et j’ai pensé à leur mari, qui voit sur les photos de profils les femmes de leurs amis - la compétition de « la femme de qui est la plus belle »… Comment parvenir à préserver ses yeux ? J’ai vu des amies montrer leur mari leur acheter des objets et insérer des photos de leurs escapades, et j’ai pensé aux amies dont le mari a acheté quelque chose d’autre, ou ne leur a rien acheté, et à la jalousie et l’entente conjugale. Et j’ai eu tellement pitié d’elles. J’ai pensé : comment les maris vont-ils parvenir à ne regarder que leur femme, si tout est totalement dévoilé, connu et étalé ? Où est passée notre Tsni'out, notre pudeur ? Et notre Ahavat Israël (amour du prochain) ? Et qu’en est-il de notre rôle, à nous, les femmes juives, de préserver notre discrétion, celle de notre famille, et celle du monde entier ?
C’est pourquoi je t’ai jeté. J’espère sincèrement que tes « amis » viendront aussi te rejoindre, car tu n’es pas de notre monde. Nous craignons D.ieu, et personne d’autre. Nous ne cherchons pas une vie de confort, mais une vie de sainteté. Une vie de vérité. Une bonne vie.
Je t’ai jeté, car je veux mener ma vie dans la sérénité, passer du temps avec ma famille, vivre le moment présent, les écouter et leur faire partager mon vécu sans recourir à toi constamment. Alors certes l'application Torah-Box me connectait à des messages de Torah, mais je veux être plus en relation avec mes proches, créer un lien authentique : WhatsApp rapproche peut-être ceux qui sont loin, mais éloigne les proches. Il me pousse à faire des « Likes » et « Love » à des gens plus éloignés de mon cercle restreint, mais m’empêche de parler à ma proche famille et à mes meilleures amies, à parler vraiment.
Je veux vivre une vie discrète, ne pas dévoiler aux autres ma vie intime, investir dans mon foyer. Ressembler à Adam et ‘Hava au Gan Eden, seuls dans leur monde, occupés par leur couple et non par la vie des autres."
Noémie B., Jérusalem pour Torah-Box