Vos familles d'origine influent à plusieurs niveaux sur la construction de votre couple. Le couple que formaient vos parents vous propose un modèle, positif ou non. Nous avons déjà évoqué ce point à plusieurs reprises. La fratrie que vous avez eue (ou l'absence de fratrie) vous a aussi procuré des expériences : solidarité, rivalité, jalousie, loyauté, solitude. Tous ces sentiments et bien d'autres ont laissé des traces et se sont inscrits en vous. Ces expériences ont été fondatrices et elles vous ont donné la capacité d'anticiper selon que vous souhaitez les reproduire ou les éviter.
Or votre conjoint ne fait pas partie de votre fratrie et vos anticipations tombent parfois à plat. De plus, il a, lui aussi, ses propres expériences fondatrices. Au présent, cherchons à réfléchir à partir de cette petite phrase, souvent entendue : « Je ne te reconnais pas quand tu reviens dans ta famille, c'est comme si tu redevenais l'enfant de... » Que ce soit pour un dîner ou un week-end, que vos parents habitent près de chez vous ou à quelques centaines de kilomètres, certains schémas sont fréquemment retrouvés : celui qui « rentre » chez ses parents se retrouve non seulement avec des personnes qu'il connaît depuis toujours, mais aussi dans des lieux qui lui sont familiers. Retrouver cette ambiance le renvoie au passé qu'il le veuille ou non. Il va être appelé par son surnom d'enfant, même si celui-ci a été peu utilisé depuis longtemps, comme par inadvertance. Il va être confronté à son ancienne chambre, qui a été ou non réaménagée. Des photos de famille sont exposées dans divers endroits.
Pour peu que l'occasion de ce retour soit une réunion de famille élargie, les souvenirs vont affluer. Les anecdotes ressortent. La famille voudra souvent bien accueillir le nouveau conjoint et faire en sorte qu'il se sente bien. Mais se laissera-t-il faire ? Cela dépendra des relations qu'il a avec sa propre famille d'origine. S'il ressent que, entrer dans la famille de son conjoint, pendant cette réunion, n'est pas une trahison de sa famille, il pourra se laisser aller à être « le conjoint de... ». En revanche, s'il a peur d'être déloyal, alors il risque de mal vivre ce moment. Ce n'est pas si facile de découvrir que la « belle famille » est agréable, qu'elle est composée de personnes chaleureuses et simples d'accès. On ne peut s'empêcher de comparer avec sa propre famille.
Donc, en arrivant dans la « famille adverse », vous aurez l'impression de découvrir une facette de la personnalité de votre conjoint qu'il vous avait cachée jusque-là. Il vous donnera l'impression de faire soudainement partie d'une tribu aux rites étonnants. Vous risquez de vous sentir comme un ethnologue étudiant les mœurs et les coutumes d'une peuplade de primitifs (avec moins de bienveillance que lui).
Il peut arriver aussi que la famille de votre conjoint fonctionne avec une organisation de « clan ». Elle ne s'ouvre pas, elle n'est pas accueillante. Elle inclut de nouveaux membres à condition qu'ils abandonnent leur identité et leurs appartenances antérieures. Il faut, pour entrer dans ce clan, faire montre d'allégeance et accepter les règles de la famille. Celle-ci ne fait pas dans la demi-mesure : elle inclut ou rejette. Vous trouverez sans doute des alliés (ou des ennemis) dans cette famille. Telle personne voudra, par sympathie pour vous, ou parce qu'il a eu à vivre une expérience similaire, vous simplifier la tâche. Elle vous expliquera ce qu'il est de bon ton de dire, ou d'éviter de dire. Elle vous conseillera et vous donnera quelques clés de compréhension. D'autres chercheront parfois à vous tester. Cela dépend de leur attachement à votre conjoint et de comment il vous a présenté(e). De plus, vous aurez tendance à comparer cette famille à la vôtre : on se dit tout ou on parle peu ; on se touche ou on reste à distance ; famille très nombreuse et bruyante contre famille restreinte ; famille unie et solidaire contre famille conflictuelle.
Comme vous le voyez, la famille de l'autre est importante. Elle sera souvent présente dans vos discussions. Les arbitrages seront complexes : Nous sommes allés trois fois chez eux cette année, et pas encore chez mes parents !
- Oui, mais c'était pour des mariages ou des communions. Le week-end prochain c'est leur anniversaire de mariage, je ne peux pas ne pas y aller (nous ne pouvons pas ne pas y aller) !
- Mais ensuite ce sera celui de la cousine, puis celui de ta petite sœur, etc., nous n'en sortirons jamais !
- Pourquoi en sortir, ils sont sympathiques et ils t'aiment beaucoup !
- J'ai la chance d'avoir une grande famille. Pourquoi veux-tu me séparer de mes origines ? Et, ce sera un atout pour nos enfants, quand nous en aurons.
- Je ne veux pas cela, je voudrais que nous soyons aussi notre famille à nous. Et aussi, laisser un peu de place à ma famille.
- Mais tes parents sont séparés. Ton beau-père ne me supporte pas et toi-même tu ne l'aimes pas. »
Cette scène peut durer et se répéter. Elle porte en elle les germes de la discorde. Et elle est très évitable, si vous prenez soin, tous les deux, de ne pas mettre l'autre en position d'avoir à choisir entre vous et sa famille. Car, dans ce choix, le couple n'existe plus. Celui qui aurait à choisir se trouve entre le marteau et l'enclume. Dans ce type de situation, la famille risque de se prendre au jeu et de réclamer votre exclusion.