Ainsi posée, la réponse à cette question est évidente : « Non, bien sûr, et cela n'est pas souhaitable ! »
Pourtant, le reproche est fréquent : « Arrête de vouloir me psychanalyser ! »
La réflexion symétrique est tout aussi fréquente : « Tu sais, ce serait bien si tu allais voir quelqu'un, je te dis ça pour t'aider. À un moment ou à un autre de la vie de couple, devant la répétition de situations difficiles, celui, ou plus souvent, celle qui a une base de psychologie peut asséner certaines vérités à l'autre qu'elle trouve particulièrement empêtré. Elle le fait en utilisant un vocabulaire et une sémantique particuliers qui peuvent heurter quelqu'un qui n'est pas ouvert à ce type de discours.
« Tu es comme cela parce que ta mère t'a trop couvé ; parce que ton père était trop absent et que tu n'as pas pu t'identifier à lui. » Ou : « Tu n'oses pas t'affirmer devant ton patron parce qu'il te fait peur, comme ta mère quand elle devient castratrice. »
S'il est pertinent, de temps en temps, d'avoir envie d'aider son conjoint à mieux comprendre certains de ses conflits intérieurs, certains blocages, ou d'autres situations répétitives pénibles, il est périlleux de trop souvent les interpréter.
Prenons un exemple qui met en scène Avraham et Sarah :
« La journée a été difficile ; je me suis encore "embrouillé" avec ma chef. J'en ai assez qu'elle me parle comme si j'étais un chien ! »
S'ensuit un bref récit de la dispute...
« Tu ne crois pas que tu devrais faire profil bas ? Elle va finir par te prendre en grippe.
- Je sais, mais je ne peux pas me laisser traiter ainsi, j'ai ma fierté !
- Je comprends, réplique Sarah, mais j'ai l'impression que tu rejoues ce qui se passait avec ta sœur aînée, qui essayait sans cesse de te
rabaisser aux yeux de ton père.
- Peut-être, et alors ? Je ne vais quand même pas lui permettre de continuer comme ça. Je ne vois pas ce que mon père vient faire dans
l'histoire.
- C'est un peu votre patron, tu penses qu'elle cherche à te faire
mal voir par lui et à s'accaparer son attention. »
Ce bref échange montre comment une réflexion peut chercher à aider. Va-t-elle atteindre son but ?
C'est possible, encore faut-il :
• Avoir vérifié ce qu'attend Avraham quand il raconte l'histoire ; s'il sollicite le soutien de Sarah, il risque d'être déstabilisé par le fait qu'elle imagine qu'il se sent en difficulté au travail. C'est-à-dire en position de fragilité alors que lui voudrait du soutien.
• Savoir qu’Avraham peut entendre l'interprétation, qu'il la trouve pertinente et qu'il aura suffisamment de recul pour en « faire quelque chose ».
Mais il est important aussi que Sarah sache que cette séquence la met dans une position particulière face à son conjoint. Si des scènes similaires se répètent souvent, elles risquent d'agacer Avraham (s'il ne les a pas sollicitées). C'est pénible d'avoir à côté de soi quelqu'un qui n'a qu'une seule grille de lecture et qui vous renvoie sans cesse à votre enfance et à votre passé.
Petit à petit, risque de se mettre en place une relation asymétrique. L'un est en position de savoir par rapport à l'autre. Ce dernier peut se sentir inférieur, fragile et, de plus, redevable. Si cette asymétrie n'est pas compensée dans d'autres domaines de la vie relationnelle, il est probable qu'elle deviendra source de rancœur. Et pourtant, au départ, il y a une volonté d'aider, de comprendre. Prenez garde de ne pas la transformer en rapport de force. De toute façon il y a quelque chose de parental à affirmer : « C'est pour ton bien. Je te connais mieux que toi ! »
La position de psy de l'autre peut donc être bénéfique, parfois, si une aide est sollicitée, si le moment est bien choisi, si le vocabulaire est commun. Elle ne doit pas devenir une fonction permanente. À utiliser avec modération !