Faut-il faire évoluer le Judaïsme ? Pourquoi ne pas en changer les termes et concepts alors que le monde change ?
En tant que Juif, publiquement et fièrement fidèle au Judaïsme, j’ai la chance formidable de pouvoir échanger régulièrement sur ce sujet avec des hommes et des femmes de nombreux pays, et d’origines différentes.
L’autre chance est qu’en tant qu’actionnaire, directement ou indirectement, de centaines de start-up, il est impossible de me considérer comme un homme peu moderne, ou ne vivant pas avec son temps.
Le Judaïsme doit-il évoluer avec le temps ?
Ma réponse est clairement non, mais oui. Non, ce n’est pas le Judaïsme qui doit évoluer, mais oui, c’est le Juif lui-même. C’est au Juif, au cours de sa vie, d’évoluer dans sa compréhension et sa pratique du Judaïsme.
Beaucoup d’entre nous choisissent la facilité : ils naissent peu pratiquants, peu au fait de la magnifique Torah écrite et orale qui nous a été transmise, et cherchent toute leur vie à redéfinir le Judaïsme pour qu’il s’adapte le plus possible à leur mode de vie.
Certains affirment par exemple : « Je ne mange pas Cachère, je ne respecte pas Chabbath, je suis marié avec une non-juive. Le Judaïsme doit s’adapter pour me permettre de vivre ainsi.
De toute façon, je reste profondément "sioniste" (sic !) et je lutte contre l’antisémitisme du matin au soir. »
Vous l’aurez compris, ce Judaïsme – que je qualifie de “gélatineux” et qui prend une forme différente en fonction du mode de vie de chacun, est un leurre. Il ne retient, au final, rien ou si peu de ce que nous enseigne le Judaïsme ancestral.
Vous remarquerez d’ailleurs que ces hommes ou « intellectuels juifs » luttant le plus contre l’antisémitisme, l’antisionisme, ou qui commémorent la Shoah tous les 3 jours au lieu d’en tirer des enseignements, sont en général les moins pratiquants d’entre nous. Je ne les juge pas, je constate.
Ces Juifs ont fait de cette « lutte contre », une vie en soi. Tout cela, sans se concentrer sur la compréhension de ce qui nous a été transmis. Ces luttes sont les véritables leurres qui les empêchent en tant que Juifs de découvrir leur propre mission.
Car oui, le Judaïsme est une mission, et mieux, une transmission
C'est la transmission, entre autres, d’un enseignement unique directement donné par D.ieu au peuple d’Israël, puis digéré, affiné et apprécié par l’ensemble des Sages des différentes générations, sans jamais remettre en cause le moindre texte biblique ou enseignement des Sages de la Michna, même s’il n’est pas compris au premier abord.
D’ailleurs, nous avons l’obligation d’être fidèles à ces lois, même si nous ne les comprenons pas encore (Na'assé Vénichma' – Nous ferons et nous comprendrons – est ce que le peuple Juif a répondu quand la Torah lui a été proposée).
Ayons confiance en D.ieu et Ses lois, et respectons l’obligation de les étudier « jour et nuit » et de les comprendre en profondeur pendant toute notre vie.
D.ieu, Créateur de l’Univers et qui en connaît donc les moindres recoins et fonctionnements, nous a donné un enseignement parfait pour nous permettre d’y vivre de la meilleure manière qui soit et d’y accomplir notre mission. Cet enseignement intègre des lois concernant absolument tous les sujets.
Ces lois sont divisées en deux parties :
Les lois Ben Adam Lamakom (entre l'homme et D.ieu), ce sont les lois qui permettent d’entretenir le plus profondément possible notre relation avec D.ieu (Chabbath, Téfilin Cacheroute, fêtes, service du Temple etc.), et les lois Ben Adam La'havéro (entre l’homme et son prochain), qui permettent une vie parfaite et non égoïste en société, le vivre-ensemble, dirait-on aujourd’hui.
Ces dernières traitent, entre autres, du monde des affaires dans sa globalité, et incluent des lois régissant les droits des employés et des employeurs, des marchands et des clients, des riches et des pauvres, des relations entre hommes et femmes, des hommes et des animaux (j’ai, par exemple, dans ma bibliothèque un livre qui traite en plus de 600 pages des lois juives contre la souffrance et l’exploitation des animaux).
Humilité et cohérence
Comme évoqué précédemment, pour étudier le Judaïsme, comprendre le message de D.ieu, et comprendre pourquoi il ne doit pas être modifié, il faut d’abord apprendre à être modeste. Fini les “Je pense que” ou les “il faudrait que” ! Pour étudier, il faut se soumettre à la sagesse de la Torah écrite et de la Torah orale. D.ieu et les Sages doivent devenir nos maîtres, et non pas l’inverse. Nous ne sommes pas là pour dompter les textes et leur faire dire ce que nous voulons qu’ils disent et ainsi justifier une quelconque opinion ou mode de vie.
L’ensemble de nos lois représente une cohérence parfaite et chacune d’elles s’imbrique harmonieusement avec les autres. Des milliers de commentateurs, des millions d’étudiants au cours des générations précédentes sont passés et repassés sur chacun de nos textes afin d’en comprendre certains points que beaucoup auraient considérés trop rapidement comme des incohérences.
Quel plaisir d’apprendre et de lire les commentaires de Rachi, des Tossafistes, ou des nombreux commentateurs du Talmud qui arrivent, par leur grande sagesse et leur persévérance, en quelques lignes à réduire à néant toute contradiction.
Quelle beauté de comprendre vers où D.ieu veut nous mener, vers quelles différentes fabuleuses missions… qui n’ont pas changé depuis le don de la Torah…
Et quelle tristesse pour moi de voir autant de Juifs, enfants, adultes, femmes et hommes, passer à côté de tout cela.
Étudier. Étudier encore. Étudier toujours !
Alors que, durant ma jeunesse, en tant que geek, j’appréciais la nouveauté, les évolutions de la vie, j’ai pu, au fil du temps découvrir à quel point la véritable beauté du monde ne se trouve pas dans l’actualité, le dernier iPhone, ou la dernière invention, mais véritablement dans les enseignements de la Torah.
Quand vous commencez à étudier, vous pensez qu’en quelques années vous ferez le tour de tous les sujets, et que vous les maîtriserez. Mais plus vous avancez, plus vous découvrez à quel point ces univers sont infinis.
Des dizaines de milliers de livres ont été publiés sur ces sujets, tous reposant sur la même Torah écrite et orale. Si vous visitez Hebrewbooks.org, vous verrez le nombre de livres disponibles qui ne sont qu’une partie de ceux existants (52000 à l’heure où je vous écris).
J’ai installé sur mon ordinateur plusieurs bases de données avec plus de 85000 livres scannés, uniquement dédiés au Judaïsme et à tous ses aspects (Otsar Ha'hokhma, Responsa, ToratEmet (gratuit sous Windows) et elles existent aussi toutes en versions online).
Comme je l’ai expliqué, tous les « aspects » du Judaïsme dont je parle décrivent, en fait, tous les aspects de la vie, absolument tous.
Après avoir étudié les lois de n’importe quel sujet, on ne se pose plus aucune question sur le fait de savoir s’il faut ou non en adapter les lois. Bien au contraire, plus nous entrons dans les détails, plus nous découvrons la cohérence de l’ensemble.
Pas de Judaïsme transformé !
Il y a quelques dizaines d’années, le Judaïsme réformé a voulu transformer ces lois et ne plus les appliquer dans leur totalité.
Cette vision d’un Judaïsme gélatineux, dont je parlais plus haut, qui se fond dans le monde, ses adeptes et enseignants qui essayent de faire dire à la Torah ce qu’ils savent ou pensent déjà d’eux-mêmes, ne transmettent quasiment rien du message de D.ieu, ou le transforment trop pour lui rester fidèles.
Cela reste joli et bien enrobé – tout comme peut l’être le christianisme qui est aussi un judaïsme réformé, mais qui a eu le courage de changer son nom tant il s’en est éloigné. Mais il est si loin des textes, si loin de notre transmission multimillénaire, si loin de la fidélité à une transmission solide et organisée.
Alors doit-on changer quelque chose au Judaïsme ?
Nous y avons déjà partiellement répondu. Non, mais oui !
Oui, c’est notre propre vision de ce Judaïsme que nous devons changer. Tout d’abord en commençant à étudier les textes avec des maîtres sincères et authentiques, qui n’ont jamais renoncé à la moindre loi, et parallèlement en étudiant seul et en lisant la très nombreuse littérature à disposition (consultez Torah-Box, Artscroll, ou Feldheim par exemple pour vous procurer ces livres).
Cette littérature est là pour nous faire évoluer, comprendre la Torah et notre rôle sur cette terre, nous améliorer, et améliorer notre vie de tous les jours.
Après avoir étudié le moindre texte, nous devons ressortir et nous sentir différents. Prendre en compte les nouveaux éléments que nous avons étudiés et les appliquer à notre vie.
Nous devons, lors de tous nos temps libres [1], y penser, les digérer, les macérer.
Synchronisé au présent
Pour finir, pour comprendre et apprécier comment le Judaïsme reste en permanence synchronisé avec le temps présent, il faut en mesurer toute l’amplitude.
Lorsqu’une nouvelle invention voit le jour, les Sages vont immédiatement la comparer à des cas similaires présents dans le Talmud. Je vous laisse apprécier par exemple l’analyse de Amazon Alexa et sa potentielle utilisation pendant Chabbath (il en ressort que c’est interdit) ou l’analyse du nouveau modèle de travail qu’est Uber pour découvrir les lois régissant l’entreprise et ses chauffeurs.
Il existe par exemple un livre en hébreu (Bédérèkh Atarim) qui traite de toutes les lois de l’Internet (lois du copyright, de la participation à des cérémonies à distance via Skype, lois du Chabbath et du e-commerce etc.) ou de très nombreux livres sur les lois liées au monde du Business (voir ici une liste d’une partie d’entre eux en anglais, français et hébreu).
Beaucoup d’encre a coulé sur le statut de l’électricité le Chabbath (pour tous, son maniement est interdit, mais les raisons de l’interdiction peuvent différer d’un décisionnaire à un autre) etc.
Et si nous prenions tous la résolution de découvrir la beauté de ce Judaïsme ancestral si moderne, si fabuleux, si positif, et de décider d’en appliquer toutes ces lois sans baisser les bras, peu à peu, étape par étape, marche après marche, jour après jour pour réussir à le vivre pleinement, et sans aucune altération ?
Puisse D.ieu nous donner la force pour persévérer et y parvenir !
Si vous cherchez à étudier régulièrement, je vous conseille l’excellent service Makom Torah lancé par Torah-Box qui permettra de trouver les cours les plus proches de chez vous.
[1] Il faut noter que l’apparition des smartphones a réduit drastiquement les moments de temps libre pendant lesquels nous pouvons avoir du temps pour faire ce travail intellectuel de tous les jours. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles j’ai abandonné toute utilisation de smartphone depuis plusieurs années.