Connaissez-vous la vieille blague sur l'athée qui va tous les Chabbath à la synagogue et s'assoit à côté de son ami Ginsberg ? Un jour, quelqu'un demande à l'athée pourquoi il persiste à assister aux offices alors qu'il ne croit pas en D.ieu. Il répond : « Ginsberg va à la synagogue pour parler à D.ieu. Moi, je viens à la synagogue pour parler à Ginsberg. » La vérité, c'est que de nombreux croyants viennent à la synagogue à la fois pour parler à D.ieu et à leurs amis, qu'ils n'ont pas vu pour la plupart pendant toute la semaine.
Cela se comprend, et c'est pourquoi la majorité des campagnes destinées à faire cesser les bavardages à la synagogue sont vouées à l'échec ou ne réussissent pas à long terme, même si elles ont un impact pour une période limitée.
Alors que pouvons-nous entreprendre pour minimiser ce fléau ? Certains souhaitent une répression massive, une politique de tolérance zéro. D'autres nient cyniquement l'existence de ce problème et réagissent avec indignation à la suggestion que quelqu'un aurait le droit de leur demander de se taire ou d'instituer des politiques à cette fin. Mais comme pour la plupart des sujets, la question de parler à la synagogue doit être traitée avec des nuances et réalisme, tout en faisant preuve de résolution et d'optimisme.
Le lieu où nous venons prier se nomme Beth Knesset, une salle de rassemblement. Nous puisons notre énergie les uns des autres, nous venons pour communiquer les uns avec les autres, et il serait déraisonnable de le faire sans se saluer ou vouloir engager au moins une brève conversation.
La Halakha reconnaît que lorsque des hommes se rencontrent, même si c'est au milieu de la prière, un salut n'est pas seulement tolérable ou acceptable, il est permis. La Michna Broura (66:3) affirme clairement que nous ne suivons pas cette pratique aujourd'hui, mais la Michna dans Brakhot 13a déclare que lorsqu'on fait la transition entre des paragraphes du Chéma', on pourra s'interrompre et répondre à quelqu'un si l'on est mû par la peur (par exemple, pour répondre au salut d'un roi qui pourrait nous condamner à mort si on ne répond pas à son salut), mais on a même le droit d'initier un salut, par respect. (Le Rambam interprète que ce respect se réfère à ses parents, mais Rachi l'entend dans un sens plus large).
Donc, tout effort pour traiter le fléau des bavardages excessifs et perturbateurs à la synagogue doit commencer par la prise de conscience que les Juifs viennent à la synagogue pour diverses raisons, et alors que la majorité s'y rend pour s'adresser à D.ieu, ils viennent également pour communiquer avec leurs amis.
De plus, une synagogue qui encourage et promeut le rapprochement et aspire à créer une atmosphère accueillante pour les nouveaux venus et les non-initiés ne peut instaurer de politique de tolérance zéro par rapport aux bavardages, car cette attitude sera perçue comme froide, dénuée de cœur et rébarbative.
Comment procéder ? Devons-nous simplement accepter ces bavardages à la synagogue et pendant la prière, comme c'est le cas depuis que la prière a été instituée ?
Impossible ! Il y a trop d'enjeux, trop de problèmes pour lesquels il faut prier, trop de personnes qui s'appuient sur nos prières sincères, trop d'enfants qui nous observent et s'inspirent de notre conduite. Je vous l'assure, de votre côté de la synagogue, peut-être même dans votre rangée, se trouve un homme qui prie désespérément pour avoir un enfant, un autre qui souffre d'un diagnostic sévère, un homme qui se sent seul, un autre dont le mariage ou les finances sont en péril, un individu qui souffre d'anxiété ou de dépression, ou un membre de la famille de l'un d'eux se répand en prières à Hachem afin qu'Il intervienne et intercède en sa faveur.
L'adage dit : « Si tu viens à la synagogue pour bavarder, où vas-tu pour prier ? » Mais on devrait le rectifier ainsi : si tu viens à la synagogue pour parler, où tes amis et voisins pourront-ils prier ?
Le 'Hatam Sofer (Drachot 2:309) écrit que seules les synagogues qui sont des lieux de prière et non de conversation seront reconstruites en Israël à l'ère messianique. Le Tsla'h, Rabbi Yé'hézkel Landau écrit : « Il n'y a pas de plus grande rébellion contre le Roi de l'univers que de parler dans Son sanctuaire, en Sa présence. Parler pendant la prière revient à placer une idole dans le Temple. »
Le 'Hafets 'Haïm (Michna Broura 124:27) cite le Kol Bo : « Malheur à ceux qui bavardent pendant la prière. Nous avons vu plusieurs synagogues détruites en raison de cette faute. Il faudra nommer des hommes pour œuvrer à ce sujet. »
Nous ne pouvons admettre que le bavardage est une donnée de départ et c'est pourquoi ce Chabbath, nous lançons une campagne pour minimiser les bavardages pendant la prière. En suivant le conseil du 'Hafets 'Haïm, un comité sous la direction de son président, Dr. Jonathan Winograd, a travaillé sur une campagne nuancée et mesurée pour identifier les segments de la prière sur lesquels il y a un consensus et qu'il faut déployer des efforts pour ne pas interrompre par des bavardages, tout en restant ouvert et tolérant pour permettre aux fidèles de se saluer à d'autres moments.
Nous avons identifié deux passages de la prière où il nous incombe de nous abstenir totalement de parler :
- Le Choul'han Aroukh écrit que celui qui parle pendant la 'Hazarat Hachats, la répétition de la Amida par l'officiant, devra souffrir d'une conséquence « trop lourde à porter. » Nous pouvons tous nous engager à ne pas parler depuis Barékhou jusqu'à la fin de la répétition de l'officiant à Cha'harit et à partir du début de la Amida récitée en silence jusqu'à la répétition de Moussaf et de Min'ha.
- Le Kaddich est l'une de nos prières les plus sacrées. Il ne peut être récité qu'en présence d'un Miniyan et il est si essentiel que si on a le choix entre répondre à la Kédoucha ou au Kaddich, la Michna Broura (56:6) stipule qu'il faudra accorder la préférence au Kaddich. Le Talmud (Bérakhot 57a) nous enseigne que celui qui répond Yéhé Chémé Rabba peut être assuré d'avoir sa place au Monde Futur.
S'abstenir de parler pendant ces passages de la prière est prescrit par la Loi juive. Mais même ceux qui ne se sentent pas attachés à la prière, n'ont pas le sentiment de se trouver en présence du Tout-Puissant ou ne se sentent pas tenus de respecter ces lois, s'abstenir de parler pendant ces passages de la prière est simplement une attitude que tout homme honnête doit adopter.
Parler pendant ces passages de la prière ne constitue pas seulement un manque de respect pour D.ieu, c'est également détestable, insensible et cruel pour ceux qui tentent d'offrir des prières sincères et concentrées. C'est également une violation grossière des relations de Ben Adam La'havéro (relations de l'homme à son prochain). S'il ne vous viendrait pas à l'esprit de parler pendant un spectacle, un opéra ou un film, même si vous vous ennuyez ou êtes distraits, comment envisager de bavarder alors que ceux qui sont autour de vous sont en pleine conversation avec Hachem, même si vous-même avez fini ? Il est suffisamment difficile de se concentrer dans nos prières et sur les mots et de sentir que nous avons vécu un rendez-vous intime avec notre Créateur dans les meilleures circonstances. Mais lorsque les personnes autour de nous papotent, c'est quasiment impossible.
S'abstenir de parler jusqu'à la fin de la 'Hazarat Hachats, y compris lors du moment de battement où nous avons fini notre Amida silencieuse et que nous attendons le 'Hazan, est faisable, réaliste, c'est une demande justifiée pour les personnes présentes et le minimum de respect à accorder à nos amis et voisins.
Lorsque des endeuillés récitent le Kaddich, ils rendent hommage à leurs proches. Lorsqu'autour d'eux, on parle, c'est un manque de politesse et de gentillesse, et un affront au souvenir du membre de leur famille. Nous pouvons et devons faire l'effort d'écouter en silence et de répondre avec enthousiasme au moment de la récitation du Kaddich.
Pour nous aider à être attentifs à ces efforts, nous avons réalisé des marque-pages qui seront placés sur chaque siège et dans nos Sidourim. Au moment de la récitation du Kaddich, des bénévoles dans le Minyan tiendront des pancartes nous rappelant que si nous nous abstenons de parler pendant une prise d'élan ou un point marqué au tennis, nous ne devons pas parler lorsque notre ami honore son proche et affirme son amour pour Hachem.
Deux heures et demie dans une salle remplie d'amis est très long pour éviter de parler. Parfois nous voyons quelqu'un à qui nous devons faire passer un message, ou nous avons quelque chose d'important à partager, peut-être même de l'affection ou un soutien à offrir. Nous invitons toute personne qui a besoin de parler à sortir dans le couloir pour socialiser et papoter. Un homme qui quitte la salle de prière pour avoir une conversation ne doit pas être jugé, mais au contraire, admiré.
En revanche, un homme qui engage une conversation alors que son voisin s'adresse à Hachem ou bavarde alors que les endeuillés de la communauté récitent un Kaddich à la mémoire de leurs proches, mérite d'être sanctionné, non pas pour son manque d'engagement religieux, mais pour son manque d'empathie envers les membres de sa communauté.
Ce qu'il faut retenir : notre communauté a besoin de votre aide. Associez-vous à ce mouvement et engagez-vous à ne pas parler pendant ces moments privilégiés de la prière. Par ce mérite, puissent toutes nos prières être exaucées, et puissions-nous mériter les plus grandes bénédictions d'Hachem.
Rabbi Efrem Goldberg