Pendant des milliers d’années, depuis le don de la Torah au mont Sinaï, le Chabbath a représenté le plus important repère ponctuant la vie juive.
Alors que tous les autres peuples du monde travaillaient sans interruption 7 jours sur 7, les juifs, eux, marquaient un temps pour se remémorer la création du monde et la sortie d’Egypte, et se consacrer exclusivement à leur vie spirituelle pour étudier la Torah, chanter, manger, et boire avec leurs familles.
C’est toujours le cas dans de très nombreuses familles improprement appelées « religieuses », dont je fais partie, et qui savent encore profiter de ce moment exceptionnel.
Le Chabbath est un cadeau offert par D.ieu au peuple juif, à tout le peuple juif – à tel point que selon la loi juive, il est interdit pour un non-juif de respecter Chabbath à 100%. Les non-juifs en cours de conversion au Judaïsme apprennent que pour chaque Chabbath, ils doivent effectuer une action symbolique afin de l’enfreindre, et suivre ainsi cette règle de ne pas respecter Chabbath totalement tant que leur conversion n’est pas terminée.
Au cours des siècles derniers, et avec la banalisation de l’assimilation du peuple juif aux Nations du monde, il est devenu de plus en plus courant de voir des juifs ignorer le Chabbath, souvent afin de se différencier le moins possible du monde non-juif. Certains avaient des raisons « explicables », comme de ne trouver absolument aucun emploi permettant de respecter le Chabbath ; ou de devoir l’enfreindre en temps de guerre.
En effet, aux Etats-Unis, par exemple, l’immigration massive de juifs à la fin du 19ème siècle dans un pays qui ne comptait quasiment pas de centres d’études orthodoxes, ni de synagogues, ni d’entrepreneurs juifs religieux déjà présents pour recruter des juifs pratiquants, et des entreprises travaillant quasiment toutes le samedi a eu des effets catastrophiques.
Beaucoup de juifs ont abandonné le Chabbath pour avoir un job, ou certains, qui continuaient à le respecter, ne le faisaient qu’avec tristesse…
Leurs enfants ont vite abandonné Chabbath, ou ont rejoint, ou créé, des mouvements réformés qui ont peu à peu vidé Chabbath (et, au passage, l’ensemble du Judaïsme) de son sens originel, considérant ce jour exquis comme faisant partie de « lois non adaptées aux vues et aux mœurs du monde moderne ».
Toutefois, désormais, notre ère, est totalement différente.
Ces cas restent complètement inacceptables selon la Halakha/loi juive car il n’est permis d’enfreindre Chabbath qu’en cas de vie ou de mort – mais inutile de s’attarder sur cette époque que nous ne pouvons changer. Et évidemment, beaucoup ont continué à respecter Chabbath coûte que coûte.
Toutefois, désormais, notre ère, est totalement différente. La très grande majorité des entreprises, où qu’elles se trouvent dans le monde, ne travaillent pas pendant Chabbath, les congés légaux pour un salarié lui permettent de prendre l’ensemble des fêtes juives, y compris les jours de ‘Hol Hamoèd – jours compris entre les premiers et derniers jours de Pessa’h et Souccot où il est interdit de travailler, sauf en cas de force majeure pouvant entraîner une perte réelle, et non un manque à gagner. Il est aussi facile de négocier un départ du bureau plus tôt les vendredis d’hiver pour arriver à la maison à temps avant l’entrée de Chabbath.
Je ne dis pas que c’est toujours facile, mais il est possible dans la grande majorité des entreprises du monde de respecter Chabbath sans aucun réel obstacle, et si ce n’est pas le cas, il est du devoir de tout juif de tout mettre en œuvre pour soit aménager son emploi du temps et ne pas avoir à travailler ces jours-là, soit changer d’entreprise. Pour les étudiants d’universités convoqués à des examens pendant Chabbath ou les jours de fêtes, il est aussi possible de trouver des alternatives.
Ce sont des éventualités qui se traitent au cas par cas avec certains plus difficiles que d’autres, mais les acteurs avec qui j’échange en permanence ressortent avec une fierté immense et tellement légitime quand ils ont réussi à surmonter l’épreuve de respecter Chabbath parfaitement sans faire d’exceptions.
Trop de juifs de notre époque se trouvent des excuses pour négliger Chabbath, ou se contentent d’un bon repas le vendredi soir avant de reprendre une vie « normale », et de retourner à leur smartphone, leurs affaires, leur voiture, leurs courses etc., en pensant que le Chabbath est optionnel dans la vie juive, ou qu’à notre époque, ce serait un trop grand sacrifice de le respecter.
D’autres vont à la synagogue en voiture puis vont à la plage, vont voir un film, sortent boire un verre, en profitent pour passer des coups de fil à leur famille… Comme s’ils voulaient affirmer à D.ieu : « Merci pour Chabbath, mais ce n’est pas à toi ni à la loi juive de décider comment je dois le vivre ».
Alors qu’ils ne rencontrent absolument aucun obstacle, ceux-ci continuent à suivre les mauvaises habitudes de leurs parents, grands-parents, amis (qui ont évidemment une influence gigantesque dans la vie d’un homme), et à se détourner de ce jour merveilleux qui ne peut être vécu réellement qu’en appliquant parfaitement ses règles dans leur intégralité et sans aucun compromis. Seuls ceux qui le vivent pleinement comprennent à quel point ils n’abandonneraient Chabbath pour rien au monde, et à quel point « aller à la plage » ou « passer un coup de fil » ce jour-là est incompatible avec l’esprit de Chabbath. D’autres ont l’habitude de dire : « Mais j’ai une boutique ou un restaurant, et le samedi est le meilleur jour de la semaine ! »
Combien d’histoires merveilleuses sont arrivées aux entrepreneurs autour de moi ayant décidé d’arrêter de travailler à Chabbath, à l’encontre de toute logique. On les prenait pour des fous mais au final, leurs affaires ont fructifié.
Beaucoup d’entre vous ont sans doute entendu parler de la chaîne « Café Café » qui fait un tabac en Israël depuis que son dirigeant a décidé de devenir Cachère et de respecter Chabbath. Mais cette analyse est purement économique.
Vous pourriez répondre : « Je connais des gens qui ne respectent pas Chabbath et qui sont très riches » ou : « Je connais des gens qui respectent Chabbath et qui sont pauvres ».
De quelle fortune parle-t-on ? A quoi bon être riche si vous vous forcez à travailler le jour où votre famille est réunie et attend de passer un moment calme en votre compagnie ? A quoi bon être riche si vous n’avez pas la possibilité de vous arrêter de travailler le jour de votre choix et non pas celui imposé par votre chiffre d’affaires ? A quoi bon être riche en rejetant l’un des plus importants piliers du Judaïsme qu’est le Chabbath ?
Pour beaucoup, l’argument est faux et simplement le fruit d’une grande paresse pour éviter de trouver une alternative qui est, pourtant, à portée de main. Ces « riches » envieraient probablement les « pauvres » respectant le Chabbath s’ils voyaient leur table de Chabbath lumineuse et le sourire de leurs enfants chantant avec leurs parents…
Il faut être clair : il n’y a aujourd’hui a priori absolument aucune raison de ne pas respecter Chabbath, et même s’il subsiste dans certains cas des difficultés temporaires, les alternatives sont toujours possibles, et il est toujours obligatoire de les emprunter.
D’autres me disent souvent : « Moi, je respecte déjà les 10 commandements, ce n’est déjà pas si mal ! Je ne tue pas, je ne vole pas, je ne jalouse pas etc. ». Je leur réponds qu’hormis le fait qu’un juif est soumis à 613 commandements et non pas 10, ceux-ci oublient que le Chabbath fait bien partie des 10 commandements, le 4ème, et est indissociable des autres commandements. Le respect du Chabbath a même été donné avant l’interdiction de voler, celle de tuer etc.
Plus que jamais, aujourd’hui, Chabbath est porteur de sens et indispensable à notre génération
Plus que jamais, aujourd’hui, Chabbath est porteur de sens et indispensable à notre génération. Je vais même aller plus loin pour répondre aux sceptiques qui pensent que Chabbath serait une invention non adaptée à notre génération : je pense réellement que Chabbath aurait pu être créé uniquement pour servir notre époque.
A l’ère où nous passons nos vies en permanence connectés, à être bombardés d’informations du matin au soir, à produire, agir, créer, à ne plus prendre de recul sur nos vies, ce sas de décompression qu’est le Chabbath est tout bonnement indispensable. C’est le moment où nous nous retrouvons face à nous-mêmes, avec nos proches, parfois avec nos amis, le moment privilégié pendant lequel nous n’agissons pas sur le monde.
J’ai écrit des articles et donné des conférences au cours de ces derniers mois sur les bienfaits de la déconnexion, et les cas de burn-out. Le cas de personnes à travers le monde devant faire des Digital Detox pour ne pas finir en hôpital psychiatrique sont de plus en plus nombreux. Chabbath est clairement la meilleure solution pour contribuer à résoudre les problèmes de notre société actuelle.
Chabbath est clairement la meilleure solution pour contribuer à résoudre les problèmes de notre société actuelle.
Beaucoup pensent qu’il est juste interdit de « travailler » à Chabbath (Laavod en hébreu), mais ce n’est pas exact. A Chabbath, il est interdit d’effectuer des Mélakhot (que l’on peut traduire par « actions » ou « travaux »). Ces Mélakhot, au nombre de 39, sont toutes les actions qui nous font agir sur ce monde : cuire, trier, tisser, pétrir, labourer, transporter dans le domaine public etc.
Chabbath est là pour nous permettre de réellement profiter de nos actes de la semaine, profiter des actes de notre vie en n’ayant plus la prétention de contrôler toute notre destinée, en nous arrêtant d’agir sur ce monde. En effet, seul D.ieu dirige nos vies. Et s’il est important de travailler pendant la semaine, il faut être conscient que les résultats de nos travaux sont déjà fixés à l’avance depuis Roch Hashana et même, pour la plupart, avant notre naissance.
Seule la crainte du Ciel reste entre nos mains et cette crainte implique un respect plein et entier du Chabbath, source de toutes les bénédictions.
Chabbath n’est pas une série d’interdictions contraignantes comme certains peuvent injustement le ressentir, mais la consécration de notre travail de la semaine. En ne faisant pas d’actions et en ne parlant pas affaires pendant Chabbath, ce qui est aussi un commandement en ce jour, Chabbath est le dernier coup de marteau qui permet réellement de transformer notre semaine de labeur, de courses contre la montre, en source de satisfaction. Chabbath est, de fait, le seul jour qui métamorphose le statut d’esclave de notre vie en celui d’Être réellement libre.
Chabbath ne commence d’ailleurs pas le vendredi soir. Il est possible de vivre et ressentir la sainteté de Chabbath pendant toute la semaine, si à chaque fois que vous achetez de bons aliments, la plus belle vaisselle, de beaux vêtements, vous les consacrez à Chabbath. Il est bon de dire à haute voix que ce sera le cas : « Likhvod Chabbath Kodech » (en l’honneur du saint Chabbath).
Vous passerez ainsi votre semaine à penser et à attendre Chabbath, jour pendant lequel vous profiterez pleinement et sereinement de tous ces bienfaits. Vous penserez durant votre travail, pendant la semaine, à ce jour plein à venir vous permettant de profiter de tout ce que vous avez construit.
Puisse Hachem aider le peuple juif à retrouver la beauté d’un Chabbath parfait…
Il est temps aujourd’hui de profiter de notre fabuleuse époque que les juifs des précédents millénaires nous envieraient, pour vite nous remettre tous ensemble à le vivre pleinement en respectant à la lettre l’ensemble de ses commandements.
Je suis à la disposition de tout juif pour le conseiller (postez un commentaire en bas de cet article Torah-Box), quel que soit son niveau de connaissance du Judaïsme, s’il éprouve des difficultés à respecter Chabbath, ou n’ayant jamais pensé à un jour le respecter afin de l’aider à trouver les conseils, solutions et encouragements nécessaires.
Chabbath Chalom à tous !
PS : Lorsque je parle de Chabbath, j’inclus aussi le respect des jours de Yom Tov (jours de fêtes juives dont les règles sont quasi identiques, à quelques rares exceptions près).