Il semble que se marier soit devenu aujourd'hui pour les jeunes une épreuve insurmontable. Ce qui était une étape formelle de la vie il y a quelques années, une étape nécessaire de transmission, de partage, de création est devenue une épreuve dans laquelle il y a très peu de réussite. Aujourd’hui, dans les statistiques de la société française, on observe qu'un couple sur deux divorce après quelques années parfois quelques semaines de mariage officiel.
On aurait pu penser que la communauté juive, par sa tradition du mariage, serait épargnée par cette évolution.
Malheureusement, avec un certain décalage dans le temps, les statistiques de la communauté juive ont rattrapé celles de la société française. Aucune couche sociale, aucune tendance, aucune communauté religieuse n'est épargnée, bien qu'à des degrés divers. Je me souviens de ce jeune enfant que j’ai reçu en consultation parce qu’il qui ne supportait pas la séparation et le divorce de ses parents. Ses parents me l'ont amené pour l'aider à passer ce cap difficile.
Après quelques séances, il a pu surmonter en partie sa peine ; ce qui l’a aidé, c’est de s’apercevoir que dans la classe de l’école juive où il allait, il y avait plusieurs enfants qui étaient dans la même situation que lui.
D'où vient cette difficulté ?
Il serait intéressant de réfléchir sur le mariage et sur les difficultés inhérentes à cet état. Si on se réfère à la tradition juive, on trouve souvent des références à cette difficulté. Par exemple dans le Midrach Vayikra Rabba 8, 1, on trouve ce texte assez explicite sur la difficulté de la relation de couple.
Une matrone romaine demanda un jour à Rabbi José ben Halafta : “En combien de jours D.ieu a-t-Il créé Son monde ?” Il répondit : “en six jours”. Elle demanda ensuite : “Depuis ce temps, comment D.ieu occupe Son temps ?” Il répondit : “Il forme des couples, en disant : la fille de cette personne devra être l’épouse de cette personne”. La matrone dit : “C’est tout ? Moi aussi, je peux faire de même ; j’ai beaucoup de serviteurs et de servantes, et je peux en faire des couples en moins d’une heure.” Rabbi José lui fit cette remarque : “Tu penses peut-être que c’est facile, mais D.ieu trouve cela aussi difficile que de séparer la Mer Rouge”, et sur ce, il prit congé. Que fit la matrone ? Elle fit venir ses mille serviteurs et ses mille servantes, les aligna sur deux rangées et les réunit en couples pour la nuit. Le matin venu, ils vinrent à elle, un avec le crâne défoncé, un avec les yeux sortis de leurs orbites et un troisième avec un coude cassé. Ils ont tous dit : “Je ne veux pas de cette femme pour épouse.” Elle fit venir Rabbi José et lui dit : “Rabbi, ta Torah est vraie, tout ce que tu as dit est juste.” Le Rabbi répondit : “Le couple heureux chante, le couple malheureux pleure.” (traduit et rapporté par Haïm Harboun)
Voila posé ici clairement, le cœur du problème. Le choix d’un conjoint n’est pas une simple affaire malgré la bonne volonté de ceux qui s’essayent.
Quelles sont les qualités recherchées pour faire un bon époux ou une bonne épouse ?
Pour cela, il me semble intéressant de se reporter à l’expérience des couples tels qu’ils sont rapportés dans la Torah. La Torah relate l’histoire de plusieurs couples dont la constitution et la vie commune sont pleines d’enseignements et devraient nous faire réfléchir même aujourd’hui. Nous pouvons citer tout d’abord, l’histoire et le comportement de Sarah qui a été particulièrement attentive à ce qui se passait dans sa famille aussi bien pour son mari Avraham que pour son fils Its'hak, ne craignant pas de se manifester bruyamment quand il s’est agi de protéger son fils contre les influences néfastes d’Ichmaël, mais en même temps capable de discrétion quand cela s’avérait nécessaire…
L’autre exemple se retrouve dans l’histoire du mariage d’Its'hak et de Rivka. Le rôle fondamental qu’a joué le serviteur d’Avraham dans cette recherche, l’inquiétude qu’il avait de ne pas pouvoir trouver la bonne personne, toutes les prières qu’il a adressées à D.ieu pour qu’Il guide ses pas. Lors de la rencontre avec Rivka autour du puits, Eliézer ne s’est pas contenté de remarquer la beauté de cette fille, mais il a recherché en elle toutes les qualités nécessaires pour être une bonne épouse, à savoir être de la famille d’Avraham et surtout posséder toutes les qualités d’Amour du prochain, de Bonté et de Générosité sans rien attendre en retour.
Pendant ce temps, Its'hak ne restait pas passif ; il accompagnait la démarche d’Eliézer par ses prières. Il faut rappeler que Its'hak venait de subir une grande épreuve celle de sa 'Akéda et qu’il en est sorti transformé et grandi. L’épreuve de son père Avraham était aussi son épreuve, celle du Kidouch Hachem. Sa rencontre avec celle qui allait devenir sa femme est remplie de solennité et de sérieux, mais en même temps de bonheur puisque cette rencontre allait lui permettre de faire le deuil de sa mère Sarah.
Cette histoire est tellement emblématique de ce que doit être une bonne union entre deux personnes que dans certaines communautés, on récite ce passage le Chabbath qui suit le mariage lors de la montée à la Torah du jeune ‘Hatan. Les Sages de la Torah ont également retenu de la démarche d’Eliézer, l’utilité d’avoir un intermédiaire “Chadkhan” dans la recherche d’un époux ou d’une épouse. Celui-ci étant moins sensible aux attraits extérieurs qui peuvent être souvent trompeurs, il recherchera les véritables qualités de chacun des partenaires.
Qu’est ce qu’un mariage aujourd’hui ?
Jusqu’à la Loi 2013-404 du 17 mai 2013, le mariage était l'institution par laquelle un homme et une femme s'unissaient pour vivre en commun et fonder une famille. La simplicité de la définition cache toute sa complexité.
En effet, comment choisir la personne avec laquelle on souhaite s’unir ? Très fréquemment, beaucoup de jeunes hommes qui souhaitent se marier privilégient l’aspect physique ; ils souhaitent épouser une fille qui ressemble à un mannequin pour pouvoir impressionner leur entourage, quelles que soient les autres qualités de cette jolie fille.
Cette épouse devient un objet narcissique plutôt qu’une partenaire à part entière, un être que l’on pourrait aimer pour ce qu’elle est plutôt que pour soi-même. Le danger d’un tel choix, c’est que cette jeune femme aura aussi à exprimer ses propres désirs qui pourraient venir en opposition avec les besoins narcissiques de son mari.
Par ailleurs, lorsque les besoins narcissiques d’une personne sont importants, rien ne peut les calmer, la surenchère narcissique est permanente avec toutes ses conséquences néfastes.
Épouser un garçon riche est le discours en miroir des jeunes filles espérant ainsi mener une vie facile, avoir une très belle voiture, de beaux bijoux, beaucoup de vacances, tout cela également pour impressionner les copines et l’entourage.
Là aussi, les besoins narcissiques sont au premier plan et cette recherche est souvent insatiable.
La confrontation de personnalités narcissiques où l’égo, l’amour de soi est prédominant, quels que soient la situation sociale ou le niveau intellectuel des conjoints, est souvent à l’origine des conflits de couple. Les tentatives de rapprochement ou d’aide à la résolution des conflits lors de séances de Chalom Bayit sont souvent vouées à l’échec, personne ne voulant céder à l’autre et remettre en cause son propre EGO. Tout devient source de conflit, chacun ressentant l’attitude de l’autre comme une atteinte à sa propre intégrité physique et psychique Aujourd’hui, les personnalités narcissiques sont très fréquentes. Cela tient à l’éducation des enfants de nos jours : l’enfant est roi très longtemps, il est aussi un objet narcissique pour les parents qui sont incapables de lui refuser quoi que ce soit. Cette position d’enfant-roi persiste une fois adulte et l'on peut imaginer les difficultés de cette personne à pouvoir partager ou à échanger avec une autre personne même si cette autre personne est sa propre femme.
Plutôt que d’essayer de rapprocher des points de vue souvent inconciliables, je propose quand cela est possible un travail sur soi de chacun des partenaires. Les aider à sortir de ce monde imaginaire de toute puissance dans lequel on les a élevés. Faire en sorte d’être capable de se rendre compte que l’autre existe autant qu’eux et que l’échange, la bonté la générosité, l’amour de l’autre est un gage de réussite dans une vie à deux.
En conclusion
Je souhaite rapporter un conseil qui résume parfaitement ce que j’ai essayé de développer et que l’on retrouve dans le traité talmudique Sanhedrin IX : celui qui a pour sa femme le même amour que pour sa propre personne et qui l’honore plus que sa propre personne, celui qui dirige ses fils et ses filles dans la voie droite. "Tu sauras que la paix est dans ta tente." (Job, V)