Bonjour Rav,
Dois-je lire et comprendre chaque mot de la Haggada (comme pour Pourim, où il faut suivre chaque mot de la Méguila), ou puis-je adopter une attitude un peu moins stressée, de sorte que cela n'a pas d'incidence si je loupe quelques mots ou paragraphes ?
Je vous remercie beaucoup pour votre réponse.
'Hag Saméa'h.
Bonjour,
Contrairement à la Méguila, si vous manquez la lecture de quelques mots, vous êtes absolument acquitté de l'obligation de lire la Haggada.
L'essentiel, le soir de Pessa'h, étant d'être imprégné des idées essentielles se trouvant dans les textes.
Il va sans dire que plus l'on comprend et plus l'on raconte en détail l'histoire des dix plaies et de la sortie d'Egypte, l'importance de la Mitsva sera différente.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.
N.B. Le Passage de la Haggada commençant par "Rabane Gamliel" est d'une importance majeure, lisez ce qui suit.
"Rabban Gamliel avait l'habitude de dire : Celui qui n'a pas expliqué les trois notions suivantes, ne s'est pas acquitté de son obligation : Pessah, Matsa et Maror."
Première opinion
Rabban Gamliel nous enseigne que pour nous acquitter de ces trois obligations, il est indispensable d'en mentionner clairement les raisons respectives.
Seconde opinion
Il s'agit de l'obligation de raconter la sortie d'Egypte
Explication de la première opinion :
En général, pour être acquitté de l'accomplissement d'une Mitsva, il suffit de réaliser une action bien précise [ou de s'abstenir de la faire]. Il n'est pas indispensable de s'attarder sur la raison et le sens profond de la Mitsva.
Mais lorsque la Torah elle-même mentionne certaines raisons, il est recommandé [selon certains décisionnaires, cela est indispensable] de les avoir à l'esprit au moment de l'accomplissement.
C'est le cas notamment des Téphiline, du Chabbat ou de la Souccah.
A propos du Korban Pessah, la Torah nous dit clairement : "Et tu diras c'est le sacrifice de Pessah pour Hachem Qui a sauté au dessus de nos maisons".
D'autre part, la Torah met en relation la Mitsva de consommer la Matsa et le Maror avec celle du Korban Pessah, ce qui implique la nécessité d'exprimer également leurs raisons.
Rabban Gamliel nous enseigne donc qu'il est indispensable d'exprimer les raisons de ces trois Mitsvot pour en être acquitté.
Certains commentateurs ajoutent : Ces trois Mitsvot d'une importance majeure [notamment, la consommation de la viande grillée du Korban Pessah] sont accomplies en consommant un aliment bien précis. A priori, rien ne prouve que ce soit la volonté du Créateur qui est recherchée à travers cette consommation.
Ce n'est qu'en déclarant ouvertement le but et la raison proposés par la Torah, qu'il est prouvé qu'il s'agit de commandements.
Explication de la seconde opinion :
Selon les auteurs de cette opinion, Rabban Gamliel nous précise que la Mitsva consistant à raconter l'asservissement de nos ancêtres et les miracles de la libération, inclut obligatoirement l'explication des trois Mitsvot en question :
Pessah, Matsa et Maror.
C'est uniquement ainsi qu'il sera possible d'accomplir son devoir, mentionné dans le passage suivant et se considérer comme étant soi-même sorti d'Egypte.
Rabban Gamliel nous enseigne qu'il ne suffit pas de rappeler des anciens souvenirs; ils doivent être accompagnés d'actions concrètes [nous permettant de mieux intégrer les enseignements du récit qui ne reste pas une chose abstraite]. Les Bneï Israël n'ont pas mérité leur délivrance grâce à leur croyance uniquement, ils ont égorgé un agneau - le dieu de leurs maîtres - et ils ont fait la Brith-Mila.
Nos Sages ont souhaité que les idées principales véhiculées par la fête de Pessah deviennent une expérience marquante à travers des actions concrètes. C'est uniquement en expliquant le sens des trois aliments du Séder que nous pourrons être en mesure de ressentir, de deviner, et de comprendre l'atmosphère de l'asservissement et des différentes étapes de la libération. En effet, "l'être humain est modelé par ses actions".
Le Korban Pessah
Nos pères le mangeaient à l'époque du Beth-Hamikdach. Pour quelle raison ?
Parce que Hachem a sauté au dessus des maisons de nos ancêtres en Egypte, comme il est dit : "Tu diras, c'est un sacrifice que nous offrons pour Hachem car Il est passé au dessus des maisons des Bneï Israël en Egypte quand Il a frappé les Egyptiens et Il a préservé nos maisons".
Le Korban Pessah est consommé pour deux raisons :
1. Hachem a montré son affection pour nos pères lorsqu'Il a sauté [Passa'h = sauté] au dessus de leurs maisons, comme il est dit : "Tu diras, c'est un sacrifice pour Hachem, parce qu'Il est passé au dessus des maisons des enfants d'Israël quand Il a frappé les Egyptiens et a préservé nos maisons."
2. Il vient prouver l'engagement envers Hachem de celui qui l'offre.
Pourquoi Hachem a-t-il ordonné que l'agneau du Korban Pessah soit rôti plutôt que cuit ? Pourquoi l'agneau devait-il être gardé entier et non coupé en morceaux ? (voir Chémot 12/9) Encore bien d'autres détails d'une importance majeure, régissent la consommation de ce sacrifice.
Il y a une raison commune à tous ces commandements :
Hachem souhaitait montrer publiquement, sans le moindre doute, que c'était l'agneau, l'objet de la vénération égyptienne, que l'on égorgeait, et non un autre animal.
Il ordonna donc de ne pas le faire cuire dans une marmite car celle-ci pourrait être couverte : il était obligatoire de le faire griller sur un feu ouvert.
De plus, un aliment rôti émet une odeur beaucoup plus forte qu'un plat cuisiné en marmite. Il était rôti entier pour que tout le monde sache qu'il s'agissait d'un agneau. Il devait aussi être rôti pour symboliser l'exigence de la Torah qui veut que toutes les idoles soient brûlées. On ne devait le consommer qu'après un bon repas et non pas le dévorer affamé, afin de ne pas montrer un quelconque intérêt pour l'idole égyptienne. De nombreux enseignements doivent être tirés de ce passage de la Torah, pour nous éclairer dans notre façon de vivre.
Avant leur libération effective, les Bneï Israël n'eurent même pas le droit de quitter leur maison, ils durent y attendre l'appel solennel à la liberté. Cette liberté n'était pas à conquérir mais à mériter par leur entier dévouement à Hachem, en sacrifiant l'agneau - la divinité égyptienne - en tant que Korban Pessah. D'ailleurs, ce Korban Pessah devait obligatoirement être consommé, avec des herbes amères [symbole de la souffrance] et des Matsot [symbole de la pauvreté et de l'esclavage] (voir Chémot 12/8), pour bien prouver que l'heure de la délivrance n'a pas encore sonné. Ainsi, il fut mis en évidence qu'ils n'avaient pas du tout participé eux-mêmes à leur libération. Mais lorsque l'heure de la liberté arriva, les Bneï Israël se virent chassés par les Egyptiens avec un tel empressement qu'ils ne purent emporter qu'une pâte non fermentée. La Matsa devint alors, pour toutes les générations à venir, le témoignage de l'origine exclusivement divine de la délivrance d'Egypte. Les Bneï Israël devaient donc s'abstenir de tout préparatif de départ, pour montrer leur rôle passif dans le déroulement de leur délivrance et mettre en évidence l'intervention divine dans les moindres détails.
La Matsa vient donc témoigner que nos ancêtres furent chassés et repoussés, au point de ne pouvoir cuire leur pain convenablement. Ils étaient donc livrés impuissants aux mains de leurs oppresseurs jusqu'au tout dernier moment et ce fut à l'intervention du Créateur et à elle seule, qu'ils durent le miracle de leur libération (Rav S. R. Hirsch cité par Rav Munk - Chémot 12/39).
L'interdiction de consommer du 'Hamets et la Mitsva de consommer de la Matsa, acquièrent donc une valeur symbolique d'une importance majeure.
Sans ce souvenir, nous n'aurions pas pu bénéficier d'un témoignage du caractère exclusivement divin de notre délivrance d'Egypte.
Le Ramban (Dévarim 2/4)fait remarquer que la Matsa évoque un double souvenir.
Elle représente "le pain de la misère que nos ancêtres mangeaient en Egypte" (Haggada), et elle rappelle alors l'esclavage.
Mais elle perpétue aussi l'empressement de la sortie d'Egypte, "Et le peuple emporta sa pâte avant qu'elle ne lève…", d'où le souvenir de la libération.
Certains de nos maîtres font remarquer que la soudaineté et la rapidité de la libération d'Egypte trouvant leur expression dans la Matsa qui n'a pas levé, font allusion à la conduite que nous devons avoir face au mal que le Yétser Hara tente de nous proposer ... Nos Sages enseignent : "L'hésitation est interdite".
Encore faut-il en être conscient !
La Matsa
Cette Matsa, nous sommes tenus d'en manger. Pourquoi ?
Parce que la pâte de nos pères n'a pas eu le temps de lever au moment où Le Roi des rois est apparu pour les sauver, comme il est dit : "Ils cuisirent des Matsot avec la pâte qu'ils avaient emportée d'Egypte. Elle n'avait pas fermenté, parce qu'ils furent expulsés d'Egypte et ne purent s'y attarder. Ils n'avaient pas non plus préparé de provisions pour la route."
La Matsa est consommée pour la raison suivante :
Lorsque l'heure de la délivrance arriva, les Egyptiens ont renvoyé nos ancêtres, ils ne les ont pas laissé s'attarder le temps que leur pâte lève. Ils l'ont donc emporté non levée, enveloppée dans des étoffes qu'ils portèrent sur leurs épaules. Ce fut en route ou à leur première étape qu'ils la cuisirent sous forme de Matsot. Selon un Midrash, la cuisson s'effectua sous l'effet de la chaleur du soleil qui brûlait dans le désert. Ces Matsot leur servirent de nourriture pendant trente jours, jusqu'à la tombée de la Manne, le dimanche 16 Iyar au matin.
Le Maror
Ce Maror, nous devons en manger. Pour quelle raison ?
Parce que les Egyptiens ont rendu la vie amère à nos pères en Egypte, comme il est dit : "Ils leur rendirent la vie amère par des travaux pénibles, avec du mortier, des briques et toutes sortes de travaux dans les champs. Ils étaient soumis à tous ces travaux avec rigueur".
Le Maror est consommé pour la raison suivante :
Rabban Gamliel le dit clairement : Parce que les Egyptiens ont rendu la vie amère à nos pères, comme cela est mentionné dans le verset.
Cette partie du Séder symbolise donc l'exil au cours duquel nos ancêtres devaient accomplir un travail d'esclave, non seulement pour Pharo, mais également pour les Egyptiens eux-mêmes.
Ces derniers les forçaient à travailler pour eux dans les champs et dans leurs maisons, après leur journée de travail.
Ils inventèrent sans cesse des nouvelles formes de cruauté pour les torturer.
On les livrait à des travaux forcés sans leur dire combien de temps cela allait durer, ce qui ajoutait une souffrance morale à la peine physique.
Le lieu de construction des deux villes Pythom et Ramsès que nos pères devaient construire, était situé sur des marécages où toutes les constructions s'effondraient ou s'enfonçaient dans la terre, si bien que sans cesse, ils devaient les reconstruire.
On donnait un travail de jour pendant la nuit et un travail de nuit pendant le jour. Bien entendu, on risquait de rudes coups si le rendement n'était pas suffisant. Aux femmes, on faisait faire un travail d'homme et aux hommes, on donnait un travail qui aurait mieux convenu à des femmes.
D'ailleurs, c'est à cette époque que naquit Myriam, la sœur de Moshé Rabbénou qui reçut ce nom en raison de la vie amère que nos pères subissaient alors.
Les Egyptiens trouvaient toujours de nouveaux moyens de leur rendre la vie insupportable :
Sous prétexte que les hommes perdraient trop de temps en regagnant leur maison en soirée, on les retenait dans les champs, loin de leur famille, pour qu'ils ne soient pas en retard le lendemain matin ou pour les exploiter, en cas de besoin.
Au départ, on leur fournissait les matériaux nécessaires à la fabrication des briques mais par la suite, Pharo les obligea à se procurer eux-mêmes les matières premières. "Je ne vous donnerai plus de paille, vous-mêmes, allez, fournissez-vous de paille où vous pourrez en trouver."
Ils durent alors se disperser dans toute l'Egypte pour trouver de la paille et s'acquitter de leur tâche.
En cette soirée de Pessah, nous devons consommer le Maror et en parler, pour ressentir intensément l'esclavage et la servitude, et être vraiment en mesure d'apprécier notre délivrance et notre bonheur.