Bonjour,
Pourquoi un Séfarade qui écoute toute l'année la lecture de la Torah chez les Ashkénazim ou 'Hassidim se rend-il quitte de cette lecture ?
Je sais que Maran a tranché ainsi, mais pourquoi ?
Par ailleurs, est-ce qu'un Séfarade qui est invité Chabbath chez un Ashkénaze ou un 'Hassid et qui écoute le Kiddouch du vendredi soir, en est quitte ?
Est-ce que le Din de Chomé'a Kéoné (règle stipulant que celui qui écoute une bénédiction en pensant en être acquitté est considéré comme l'ayant prononcé lui-même) s'applique dans ce cas ?
Merci.
Chalom.
Je ne sais pas à quel Maran vous faites allusion. S'il s’agit du Choul'han Aroukh, à ma connaissance, il n’y a pas de Maran qui parle de cela. Mais peut-être que vous parlez de Maran Harav Ovadia Yossef zatsal, dans son responsa Yé'havé Da'at.
Dans son responsa Yé’havé Da'at (chap. 19), Maran Harav Ovadia Yossef zatsal traite précisément de cette question. Je vous fais part de ses paroles.
Il rapporte d’abord une discussion entre le Rav Kook (dans le livre Ora'h Michpat, chap. 17 et 18) et le Rav Bentsion Méïr ’Hai Ouziel (dans le livre Chout Michpété Ouziel, Ora’h ’Haïm, chap. 1) : est-ce qu’un Séfarade peut changer sa prononciation en Ashkénaze et vice versa ?
Le Rav Kook argumente que chacun doit garder sa prononciation car nous ne savons pas quelle est la prononciation exacte. De plus, chacun doit garder les coutumes de ses ancêtres, comme il est dit "אל תיטוש תורת אמך" ("tu n’abandonneras pas les Lois de ta mère").
De son côté, le Rav Ouziel zatsal explique que les 2 prononciations sont justes et tant qu’on respecte les règles de chaque prononciation, on pourra les intervertir.
Le Rav Ovadia zatsal fait remarquer au nom du Dérèkh Hanécher que Rabbi Natan Adler - le maître du ’Hatam Sofer - avait invité un Rav Séfarade - Rabbi ’Haim Hamodaï de Izmir (Turquie) - à Franckfort pendant 3 ans afin qu’il lui enseigne l’accent et la prononciation Séfarade. Lorsqu’il maîtrisa cette façon de prier, il abandonna la prononciation Ashkénaze et pria lui-même en tant qu’officiant Séfarade !
De ce fait, le Rav Ovadia explique qu’un Ashkénaze qui écoute le Kiddouch et la Havdala en Séfarade en est évidemment acquitté puisque lui-même aurait pu changer sa prononciation.
Bien qu’il y aurait des échos apportés dans le livre Min’hat Its’hak au nom du ’Hazon Ich comme quoi un Ashkénaze ne s’acquitera pas de la prière d’un Séfarade, le Rav dit qu’il ne faut pas se baser sur de simples échos.
De plus, le ’Hida (dans Yossef Omets, chap. 20, alinéa 2) rapporte que le Ari zal lui-même, qui était Ashkénaze de la famille du Maharchal, priait toute l’année chez des Séfaradim.
Cependant, pour la lecture de la Parachat Zakhor (cette année, Parachat Tsav) et de la Parachat Para, qui sont des Mitsvot de la Torah, chacun s’efforcera d’écouter selon les coutumes de ses ancêtres.
N.B. : Bien que le Kiddouch soit aussi un commandement de la Torah, lorsqu’on prie 'Arvit, on s’acquitte selon la Torah de cette Mitsva, et de ce fait le Kiddouch devient d’ordre rabbinique comme l’ont expliqué le Rachba (tome 4, chap. 295) et le Maguen Avraham (chap. 271, par. 1).
Cependant, dans le 'Hazon Ovadia tome 2, page 18, le Rav Ovadia zatsal distingue entre un Ashkénaze et un Séfarade :
- Un Ashkénaze qui a l’habitude de la prononciation Séfarade (qui est la prononciation courante en Israël et en général) s’acquitte du Kiddouch d'un Séfarade grâce à la loi de Chomé'a Kéoné.
- Un Séfarade qui est habitué à l’accent Ashkénaze et qui comprend tous les mots sera quitte du Kiddouch. Par contre, s'il n’est pas habitué et ne comprend pas tout, il ne sera pas acquitté et devra écouter le Kiddouch récité par un Séfarade.
Kol Touv.