Logo Torah-Box

Pourquoi ne pas transférer le tombeau de Rabbi Na'hman en Israël ?

Rédigé le Mercredi 10 Juin 2020
La question de Yehoshoua I.

Chalom Rav,

Pourquoi ne pas transférer le tombeau de Rabbi Na'hman de Breslev en Israël afin de resserrer l'unité de notre peuple et stopper la Galout (exil) ?

La réponse de Rav Avraham GARCIA
Rav Avraham GARCIA
8155 réponses

Chalom Ouvrakha,

Lorsque l’on déterre un défunt, il y a deux interdits : le premier est de causer une peur au défunt, et le second est de causer du mépris à ce dernier.

Le Beth Yossef, au nom du Kolbo, nous explique que, lorsque l’on déterre un défunt, ce dernier a extrêmement peur, car il croit que le jour du grand jugement est arrivé [voir Chmouel I 28-15, Chvout Ya'acov 103, Radbaz sur le Rambam Hilkhot Avélout 14-15, Léhorot Nathan 5-80], et il est donc interdit pour cette raison de déterrer un défunt.

Malgré tout, le Choul'han 'Aroukh [Yoré Dé'a 363-1] nous écrit qu'il est permis de sortir de son tombeau un défunt pour l’amener en Israël, car la chose lui apporte le pardon, et le Chakh nous explique que le pardon obtenu lorsque l'on est enterré en terre d’Israël est plus important que la peur subite [voir 'Hokhmat Adam Cha'ar Hasim'ha 158-6].

De plus, s'il ne reste que les os, cela ajoutera une dérogation supplémentaire [voir Noda Biyéhouda 89 et 164, Divré Yossef Siman 11, 'Emèk Halakha tome 1-48 et 60, responsa Chivat Tsion Siman 63, Ktav Sofer Yoré Dé'a Siman 183, 'Ein Its'hak tome 1, Siman 34, Afarkasta Dé'anya tome 3, Yoré Dé'a 231, Ravaz tome 1-84, Choèl Vénichal 1 Yoré Dé'a 23, Michpété Ouziel 1 Yoré Dé'a 30, Iguerot Moché Yoré Dé'a tome 2-161, Tsits Eli'ézer tome 5-20 à partir de la note 3, Chévèt Halévi tome 6-181, Yabi'a Omer Yoré Dé'a 9-36 et 10-47].

Précisons aussi que cet interdit [d’effrayer le défunt] est rabbinique [Beth Yossef Yoré Dé'a 364, 'Havot Yair, Iguerot Moché Yoré Dé'a 2-159, 'Atérèt Paz Yoré Dé'a tome 1-2, note 18].

Il est même rapporté dans le traité de Mo'èd Katan 25a que le cercueil de Rav Ouna et d’autres Rabbanim ont été transférés en Israël pour y être enterrés.

Néanmoins, il est évident qu’il y a un interdit qui ne pourra pas être transgressé, même pour amener le corps en Israël, c’est celui de "Nivoul Hamèt", c’est-à-dire un manque de respect au défunt, ou plutôt à sa dépouille.

La Torah [Parachat Ki Tétsé 21-23] interdit de déshonorer la dépouille d’un homme [Lo Taline], et cet interdit est donc toraïque [voir 'Houlin 11a et Sanhédrin 47a].

A propos de cet interdit, nous constatons des propos de la Guémara Baba Batra 154b et 155a qu’il est strictement interdit de déterrer un mort, quitte à perdre beaucoup d’argent, car c’est un manque de respect pour le défunt.

Je pense que l’on pourrait tout à fait amener le tombeau du Rav Na'hman de Breslev, sans lui manquer de respect, comme cela a déjà été fait avec d’autres Rabbanim [voir responsa de Rabbi Akiva Eiguer Maadoura Tanyana Siman 17].

Il est évident, par exemple, que de récupérer un cercueil sans découvrir le défunt ne porte pas atteinte à ce dernier ['Hakham Tsvi Siman 50 et Chévèt Sofer Yoré Dé'a 105, Chévèt Halévi tome 5-185].

Rappelons aussi que le Rav 'Hida a été amené en Israël, avec tout le respect qu’il fallait, ainsi que l'Admour de Karlin [voir responsa Har Tsvi Yoré Dé'a 274, Kol Mévasser 56 et Chévèt Halévi Yoré Dé'a 207 et Iguerot Moché tome 3 Yoré Dé'a, Siman 153].

Il est possible que certains craignent les propos du Zohar [Parachat A'haré Mot 72], qui nous écrit que tout celui qui n’a pas vécu en Israël de son vivant, profane la terre d’Israël en venant y être enterré [voir responsa Divré Yatsiv Yoré Dé'a 226].

Voilà aussi pourquoi nous n’avons jamais entendu que le Ba'al Chem Tov ou ses élèves, ainsi que d’autres grands de leur génération, ont été déterrés pour être amenés en Israël.

L'Admour de Klausenbourg [Rav Yekoutiel Alberchtam zal] n’appréciait pas que l’on fasse venir en Israël des défunts de 'Houts Laarets (d'en-dehors d'Israël).

Mais, en principe, ou en général, lorsque le Zohar contredit la Guémara ou la Halakha, surtout si l’habitude n’est pas comme le Zohar, on devra suivre les propos de la Guémara [voir notre réponse au sujet de la Halakha et la Kabbala, voir Beth Yossef Ora'h 'Haïm 141 et Yé'havé Da'at 4-57].

Par conséquent, il sera permis de déterrer un défunt [sans porter atteinte à son honneur] pour l’enterrer à nouveau en Israël.

Le Ralba [Siman 63], qui était lui-même versé dans l’étude de la Kabbala, comme nous pouvons le constater des réponses écrites dans son responsa, affirme pourtant que, même si la personne, de son vivant, a exprimé son désir de ne pas être enterrée en Israël, on ne devra pas l’écouter et on pourra, contre son propre gré, l’enterrer en Israël [voir Pit'hé Téchouva au début du Siman 363].

Lorsque l'Admour de Karlin décéda en 1957, il se trouvait alors en Amérique ; les 'Hassidim d'Amérique désiraient l’enterrer en Amérique et ceux d’Israël désiraient que leur Rabbi soit enterré en Israël. Il y a même eu un tirage au sort pour savoir que faire, et le tirage a donné qu’il faut l’enterrer en Amérique.

C’est alors que tous les grands Rabbanim de Yérouchalayim se sont exprimés et ont écrit une lettre dans laquelle ils exigeaient que le saint et vénéré Rabbi de Karlin soit mis en terre en Israël.

Et c’est ainsi, après de longs et pénibles mois de discordes et de débats, qu’un tribunal rabbinique fut établi pour décider quelle démarche avoir. Parmi les trois Dayanim de ce tribunal, se trouvait le Rav Moché Feinstein, et il fut encore décidé d’enterrer le Rav en Israël, et enfin, le Rav fut déterré et amené en Israël.

Dans les échanges de courrier entre les 'Hassidim d'Amérique et les Rabbanim de Yérouchalayim, on peut trouver beaucoup d’éléments et d’arguments évoqués pour justifier que le Rav reste en Amérique, ainsi que les réfutations systématiques des Rabbanim de Yérouchalayim sur tous les arguments. [Au passage, je tiens à raconter que tous les 'Hassidim ont pu voir de leurs yeux que leur Rav était encore intact le jour de son enterrement définitif, malgré les nombreux mois qui s'étaient écoulés.]

Je voudrais aussi ajouter un élément important, bien que le 'Hazon Ich [Ohalot 22,32] nous met en garde de ne pas innover des raisons pour permettre de déterrer un défunt [par exemple l’unité de notre peuple, ou stopper la Galout, etc.], il y a tout de même une raison supplémentaire qui est rapportée dans la Halakha qui peut justifier le déterrement de ce Tsadik.

En effet, le Choul'han 'Aroukh [Yoré Dé'a 364-5] nous écrit que nous pouvons déterrer un défunt lorsque son emplacement porte préjudice au public [voir 'Hazon Ich Ohalot 22-26], et le Maharam Chik [Yoré Dé'a 353], par exemple, a permis de déplacer un défunt pour ne pas faire fauter des Cohanim qui se rendaient impurs sans le savoir.

Et bien, malheureusement, l’emplacement du tombeau du Rav Na'hman est en train de porter préjudice à beaucoup de personnes, sur plusieurs points. Et plus le public qui pèlerine va en grandissant [Kèn Yirbou], plus les problèmes grandissent eux aussi. Il y a aussi des frictions avec les non-juifs sur place qui frôlent le danger, 'Hass Véchalom. Il est donc évident que nous pouvons, et peut-être devons [selon le Rambam, c’est un devoir, et selon Rachi, c'est facultatif], déplacer ce Tsadik pour que son pèlerinage soit à son honneur, et non le contraire [voir responsa Mélamèd Léohil Yoré Dé'a 119-4].

Je vous avoue que, moi aussi, je ne comprends pas pourquoi ce grand Tsadik n'a pas encore été amené en Israël.

Qu'Hachem nous envoie le Machia'h avec la résurrection des morts, Békarov Mamach.

Kol Touv.

Michpatei HaChalom

Michpatei HaChalom

Le guide-référence des lois entre l'homme et son prochain, pour une société fondée sur la confiance et l'honnêteté mutuelle. 

acheter ce livre télécharger sur iTunes

Avez-vous aimé ?
Soyez le premier à commenter cette réponse Rav Avraham GARCIA