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Perdrix, Cachère ?

Rédigé le Jeudi 7 Mai 2020
La question de Maxime H.

Bonjour Rav,

Est-ce que la perdrix est Cachère ?

Merci de votre réponse.

La réponse de Dan COHEN
Dan COHEN
2865 réponses

Bonjour,

En résumé, la réponse à votre question est incertaine. Par conséquent, on ne peut pas manger de la perdrix, car on ne peut manger un oiseau que si sa Cacheroute est certaine.

Je vais m'expliquer, mais, avant tout, je tiens à dire que la question est davantage théorique que pratique. En effet, de nos jours, la plupart des gens achètent leur viande et leur volaille dans des boucheries certifiées Cachères. Par conséquent, on ne pourra acheter que ce qu'on trouvera dans une boucherie Cachère, car rares sont les personnes aptes à procéder elles-mêmes à l'abattage rituel (Che'hita). Cette activité requiert de nombreuses connaissances, compétences, et une pratique auprès d'un maître qui a lui-même été formé auprès d'un maître, selon une chaîne de transmission ininterrompue depuis Moché Rabbénou.

De plus, la perdrix est un gibier. Il est donc rare qu'une personne possède un élevage de perdrix et qu'elle puisse amener ses volatiles à un Cho'hèt capable de procéder à l'abattage rituel conformément à la Halakha.

La question théorique serait donc : si nous étions un Beth Din (Tribunal Rabbinique), devrions-nous autoriser les boucheries de notre ville à commercialiser de la perdrix ? Est-ce que nous devrions autoriser nos Cho'hatim à abattre des perdrix ?

La question a d'autant plus d'intérêt que la réponse aura un impact sur une toute autre Mitsva : celle du Chiloua'h Hakèn (la Mitsva du nid d'oiseau qui consiste pour une personne qui souhaiterait consommer les œufs d'un nid, ou bien les oisillons, à renvoyer la mère et à prendre les œufs).

Mais reprenons depuis le début.

Contrairement aux bêtes sauvages et domestiques terrestres, aux poissons et aux sauterelles, la Torah n'énonce pas de signes de pureté pour distinguer les volatiles Cachères. Elle se contente d'énoncer une liste de volatiles interdits (Lévitique 11, 13-22 et Deutéronome 14, 12-19).

Partant du principe que la Torah est avare en mot, la Guémara dans 'Houlin 63b, citée par Rachi (Deutéronome 14.13 Dibour Hamatkhil Véharaa Véet 'Haya), considère que si la Torah a préféré énumérer les oiseaux interdits, c'est que la plupart des oiseaux sont permis.

On est malgré tout confronté à une série de problèmes.
 
Premier problème : correspondance des termes bibliques
 
Personne n'est sûr aujourd'hui de la correspondance exacte des oiseaux cités par la Torah. Il y a des discussions sur à peu près tous les volatiles mentionnés dans la Torah. Les sages ont malgré tout réussi à déterminer des signes qui permettraient d'identifier les oiseaux Cachères.
 
Pour être Cachère, un volatile doit avoir cumulativement (Choul'han 'Aroukh, Yoré Dé'a 82, 2) :
1. un éperon (sorte de petite corne à l'arrière du pied),
2. un jabot (sorte de petite poche située dans l’œsophage, permettant aux volatiles de stocker les graines ingurgitées et de les ramollir),
3. un gésier dont l'intérieur peut se peler à la main.
 
De plus, les oiseaux de proie sont impurs et les oiseaux qui vivent avec les oiseaux impurs et qui leur ressemblent le sont aussi.
 
Deuxième problème : identifier de manière certaine les oiseaux impurs parmi ceux qui ont les signes de pureté
 
Dans ces conditions, compte-tenu de la difficulté d'identifier les oiseaux qui sont véritablement Cachères, on ne consomme que les espèces pour lesquelles on a une Mossorète, une transmission fiable, selon laquelle le volatile en question est Cachère et était consommé par la communauté juive depuis tout le temps.
 
Troisième problème : correspondance d'un nom d'oiseau dans le temps et dans l'espace
 
S'il y a bien une chose qu'il est difficile, voire impossible, de faire, c'est de concilier tout le monde sur les mêmes conventions linguistiques. Bien souvent, on emploie pour désigner les espèces des termes vernaculaires, c'est-à-dire des noms qui englobent une quantité variée de sous espèces, et parfois même d'espèces complètement différentes. La perdrix est un bon exemple, mais on retrouve ce type de problèmes sur d'autres animaux, en particulier les poissons et les volatiles. Il y a même certaines variantes de ce problème plus choquantes. Ainsi, en hébreu, "Namèr" peut signifier tigre, panthère ou léopard. Ainsi, il serait possible que certaines perdrix soient Cachères et que d'autres ne le soient pas, de même que certaines bonites sont Cachères car elles ont des écailles, mais pas toutes. D'ailleurs, même en ce qui concerne les poules, certaines races n'ont pas reçu de Massorèt, et on n'a pas l'habitude de les manger. Il y a quelques années, la poule Brakel avait défrayé la chronique et, bien que de nombreux Cho'hatim, notamment turcs, aient témoigné qu'ils avaient une transmission fiable à ce sujet, la tendance générale a finalement été d'interdire compte-tenu du doute. La meilleure solution serait d'utiliser le nom scientifique de chaque sous espèce. Malheureusement, il faudrait pour cela qu'on ait tous été experts en cette discipline depuis les temps les plus reculés. Ainsi, on aurait pu témoigner que la perdrix daurica aurait été consommée à l'époque de Moché Rabbénou et qu'elle serait donc Cachère, ce qui ne serait pas le cas de l'Alectoris Graeca, qui ne serait pas Cachère (ces espèces ont été prises à titre d'exemple, mais cet exemple ne reflète en rien la réalité). Malheureusement, ça n'est pas le cas.
 
En conclusion, sur ce point, compte tenu du doute sur une transmission fiable et sur l'impossibilité de déterminer si les perdrix qu'on a aujourd'hui sont celles qui étaient consommées par certains juifs dans le passé, on ne peut pas en consommer.
 
Concernant la question de la Mitsva du nid d'oiseau, dans mon préambule, j'ai expliqué qu'il s'agissait de la Mitsva de renvoyer une femelle oiseau qui couve ses œufs ou ses petits afin de les consommer. En fait, cette affirmation est l'objet de plusieurs controverses. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à étudier la réponse détaillée du Rav Dayan à ce sujet : https://www.torah-box.com/ question/details-sur-la- mitsva-de-chiloua-h-haken_ 22668.html.
 
Je me permets d'ajouter quelques éléments.
 
D'après certaines opinions, procéder au renvoi de la mère pourrait constituer une interdiction de la Torah si toutes les conditions ne sont pas réunies. En effet, on contreviendrait à l'interdiction de Tsa'ar Ba'alé 'Haïm (l'interdiction de faire souffrir un animal inutilement) si on renvoyait la mère sans avoir accompli la Mitsva. Or, d'après certaines opinions, la Mitsva n'est pas accomplie si on ne prend pas les œufs pour notre profit (ce profit peut être une consommation, mais aussi le simple souhait de détruire le nid parce qu'il nous importune ici, parce qu'on a besoin de sa place par exemple).
 
Ainsi, pour revenir à votre question, si on voit un nid de perdrix, faut-il procéder à la Mitsva, voire peut-on procéder à la Mitsva ?
 
1. Bien qu'on ne puisse pas manger les œufs (car on n'est pas sûr de leur Cacheroute), d'après certaines opinions, on pourrait accomplir la Mitsva, car dans l’hypothèse où c'est un oiseau Cachère, il suffirait d'acquérir les œufs même sans les manger.
 
2. D'après une opinion plus stricte, cela ne suffira pas pour autoriser, car on prend le risque de commettre un interdit de la Torah.
 
3. Cependant, dans un cas précis, il sera préférable de procéder à la Mitsva sans risquer de commettre un interdit : c'est le cas où le nid nous dérange à cet endroit là, et qu'il nous faut détruire le nid. On renverra la mère et on prendra les œufs. Au mieux, on accompli la Mitsva dans ses moindres détails, au pire, on n'a pas accompli de Mitsva (dans le cas où la perdrix n'est pas Cachère), mais on ne transgresse pas l'interdit de faire souffrir un animal inutilement puisqu'on devait détruire le nid. Mais dans ce cas, bien consulter la réponse de Rav Dayan afin de s'assurer que toutes les autres conditions sont réunies.
 
En conclusion : la perdrix est un oiseau douteux du point de vue de la Cacheroute. On n'en consommera pas et on ne consommera pas ses œufs. D'après certains avis, on peut procéder à la Mitsva du nid d'oiseau avec des perdrix, en particulier si on souhaite détruire le nid pour utiliser sa place.
 
Kol Touv.
Rav Ovadia Yossef

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