Chalom Rav,
Je voudrais savoir s'il est permis de boire la liqueur de Bénédictine D.O.M (original) ?
Merci.
Bonjour,
La question que vous posez fait l'objet d'une grande controverse, non pas du point de vue de la Halakha, mais du point de vue de la réalité.
En préambule, il faut savoir qu'il existe deux sortes de bénédictine :
1. la classique,
2. la bénédictine B&B (pour bénédictine and brandy)
La B&B est à l'évidence interdite selon tous les avis, puisqu'elle contient du brandy, un alcool distillé à base de vin qui nécessite une surveillance rabbinique depuis que les raisins ont lâché leur jus, pour certifier que le jus n'a été manipulé que par des juifs qui observent le Chabbath.
Votre question porte donc sur la bénédictine classique ou encore bénédictine DOM.
La controverse provient notamment de l'histoire de cette liqueur, qui trouvait une place de choix sur les tables de grands Rabbis. On raconte que le Rabbi de Gour affectionnait cette boisson, mais surtout, il est connu que le Rabbi de Loubavitch en consommait et qu'elle était présente lors de ses fameux farbrenguen.
Jusqu'au jour où le Rabbi de Loubavitch a cessé de présenter cette boisson à sa table.
Certains ont tout de suite émis l'idée que si le Rabbi avait cessé de consommer cette boisson, c'est à cause d'un problème de Cacheroute.
Aujourd'hui, les avis sont partagés : le CRC, le Star-K et le Beth Din de Londres se prononcent pour une interdiction, tandis que le Rav Landau de Bnei Brak l'autorise. Je vais expliquer pourquoi, et quelle conduite adopter dans la pratique.
L'organisme de Cacheroute de Chicago (CRC) s'est posé sur la question en 2007 et a publié le compte rendu de son enquête sur son site.
En voici le résumé.
Le CRC a contacté l'usine de Bénédictine qui a affirmé que la bénédictine classique ne contient pas de brandy et que l'alcool provient de la betterave. Le CRC a conclu qu'on pourrait probablement se fier à cette déclaration, car si elle contenait du brandy, cela serait fièrement mis en avant comme argument commercial, puisque le brandy est beaucoup plus qualitatif que l'alcool de betterave (se basant notamment sur une décision de Rav Moché Feinstein dans Iguérot Moché I,55).
En 1978, Rav Chlomo Msika, ingénieur chimiste du Consistoire (qui a notamment travaillé à l'élaboration de la fameuse liste des produits autorisé par le Consistoire avec le Grand-Rabbin Michel Gugenheim et Gilles Tapia) et fervent 'Hassid de Loubavitch, visite l'usine et apprend que celle-ci s'est approvisionnée en Cognac. Il craint que la recette ancestrale n'ait changé. Raison pour laquelle il retire la Bénédictine de la liste des produits autorisés, et il prévient le Rabbi de Loubavitch de ses investigations. Cette information aurait joué dans la décision du Rabbi de Loubavitch de ne plus consommer cette boisson. Cependant, cette décision ne serait pas liée à un véritable problème de Cacheroute. En effet, le Rabbi adoptait pour lui-même une conduite rigoureuse dès qu'un mauvais renom avait été donné à la Cacheroute d'un aliment.
Le CRC explique que Rav Msika aurait effectué une autre visite dans l'usine, et qu'il aurait constaté que la recette restait totalement inchangée depuis son origine (du moins en ce qui concerne la présence de cognac et donc pour ce qui touche à la Cacheroute). Pour autant, la fameuse liqueur n'a pas refait surface dans la liste du Consistoire par prudence, même si Rav Msika serait convaincu que la bénédictine est autorisée.
Sur la base de cette enquête, Rav Gedalia Dov Schwartz, directeur du CRC, a décidé de ne pas valider la bénédictine.
Rav Motty Hasofer du Beth-Din de Rav Landau à Bnei Brak, quant à lui, nous a affirmé par l'intermédiaire de Rav Haim Attelan, que la bénédictine n'a pas subi un changement de recette, et qu'elle serait donc toujours autorisée.
Dans la pratique : il n'y a pas lieu de mener une guerre contre les personnes qui s'autorisent la consommation de bénédictine. Ils ont largement sur quoi s'appuyer, étant donné qu'ils se basent sur la 'Hazaka, la présomption que ce produit a toujours été Cachère. Cette présomption n'a pas véritablement été remise en cause par autre chose que par une rumeur. L'origine même de la rumeur, la première visite de Rav Msika, a ensuite été démentie par la seconde visite. Donc si vous et votre famille avez toujours consommé cette liqueur, comme de nombreux 'Hassidim de Loubavitch jusqu'aujourd'hui, la Halakha n'interdit pas la consommation de cette boisson. Cependant, si vous n'avez jamais consommé cette boisson, il serait louable de vous abstenir dans l'attente d'une preuve explicite de sa Cacheroute.
Kol Touv.