Bonjour Rav,
Les horaires du calendrier hébraïque distribué en France... peut-on s'appuyer dessus ?
Car selon le nouveau Siddour "Maguen Avot", leurs horaires (Zmanim) ne sont pas valables surtout pour l'heure de la mise des Téfilines et pour celle de l'aube (disent-ils d'après le Rav Its'hak Yossef).
Merci de me répondre.
Bonjour,
Merci pour votre question.
Il est certain qu'il faut s'appuyer sur les horaires de Rav Posen traditionnellement publiés en France dans le Sidour Pata'h Eliyahou, sans aucune ambiguïté.
Voici quelques explications :
Il est vrai qu’avec la prolifération des ordinateurs, beaucoup se sont mis à calculer des Zmanim, le plus souvent sans même comprendre ce que demande vraiment le Choul’han ‘Aroukh. C’est à notre avis le cas du livre que vous citez. Ils ont tout simplement appliqué des méthodes valables pour un pays, à un autre pays, comme si la Terre était plate.
S’il existe plusieurs opinions chez les Posskim (décisionnaires), c’est parce que chaque Possek parle du ciel qu’il observe au-dessus de lui, et que justement, il existe plusieurs Métsiout (réalité) dans le monde. C’est insensé de les mettre en opposition les unes aux autres et d’en faire l’objet de Pilpoulim, parce que tout simplement ils ne parlent pas de la même chose.
Le Gaon de Vilna attribue les mesures de temps données par la Guéemara à Erets Israël et Babel (Biour Hagra O.H. 262, Y.D. 263), ainsi que le Ba'al Hatanya, et d’autres.
Il faut bien comprendre que la Torah ne nous a donné que des Zmanim liés à la Métsiout, ex : les lueurs de l’aube, le Michéyakir, les étoiles, leur taille, densité et position, les couleurs du ciel proches de la nuit. Elle ne nous a jamais donné de valeur de temps pour les moments situés avant le lever et après le coucher du Soleil. Ce dernier étant absent, nous n’avons que des Simanim (signes) pour nous repérer.
L’aube retenue par la Halakha est à 72 minutes avant le lever du Soleil. Cela est donné pour Erets Israël en Yémé Nissan et Tichri, c’est-à-dire aux jours d’équinoxe (voir Rachi Pessa’him 93b). 72 minutes avant le lever, au printemps, on est sensé apercevoir l’aube à l’horizon (Yoma 28a). Cette même aube s’étire davantage en hiver (78 minutes) et encore plus en été (88 minutes) à Jérusalem.
Mais cette valeur de 72 minutes n’est pas du tout valable telle quelle pour les pays du nord. A Paris, pour apercevoir les mêmes lueurs, il faudrait 94 minutes au printemps, 104 minutes en hiver et 166 minutes en été. A Stockholm, c’est respectivement 2h05, 2h26 et 3h55. C’est une réalité. On a du mal à croire que la Torah a demandé d’appliquer les 72 minutes d’Erets Israël à tous les pays du monde, quand bien même cela s’opposerait à la Métsiout. Selon cet avis, celui qui mettrait les Téfiles avant ces 72 minutes, même en Cha’ot Zmaniot, à Paris ou à Stockholm, alors qu’il fait déjà bien jour et que de toute évidence le Michéyakir est dépassé depuis longtemps, serait passible de Brakha Lévatala (bénédiction en vain) !?
Plus encore. Au sud d’Erets Israël et jusqu’à l’équateur, les problèmes sont inversés. Là-bas, les heures Zemaniot sont égales aux heures de la montre toute l’année. 72 minutes avant le lever, il fait complètement nuit. Le Soleil est à 19° sous l’horizon. C’est l’équivalent de 86 ou 92 ou 107 minutes en Erets Israël, selon les saisons. Celui qui mettrait ses Téfilines (dans certains cas) à l’équateur et les enlèverait quelques minutes après, les aura mis en pleine nuit (Brakha Lévatala) et n’aura pas été quitte de la Mitsva de Téfilines ce jour !?
En résumé, la Chita (technique) des Ma’alot (des degrés) du Or Méïr, consiste à traduire les 72 minutes d’Erets Israël au printemps, en profondeur de Soleil sous l’horizon (16,1°). En appliquant ensuite cette valeur à n’importe quelle région du monde, on est sûr d’avoir la même luminosité du ciel que celle définie par les Tanaïm en Erets Israël et retenue par le Choul’han ‘Aroukh.
Quant au moment du Méchéyakir (Chéma et Téfilines), le Choul’han ‘Aroukh ne nous donne pas de temps si ce n’est que le moment où il est possible de reconnaître un ami à 4 coudées…ou les couleurs de fils… Par définition, ce moment dépend exclusivement de la Métsiout. C’est donc à l’appréciation du Beth-Din et du Minhag du pays. En France, notre Minhag est de suivre le Or Méïr (Rav Méïr Posen Chlita) avec 11°. Auparavant, c’était la valeur de 12° qui était appliquée en France (le ciel était encore plus sombre). Actuellement, le Minhag au Beth Din de Londres est d’appliquer 12°, donc plus Mékil (indulgent) qu’en France.
En Erets, selon ce que demande le Yalkout Yossef en référence au Kaf Ha’haïm, Péri Méguadim, Yé’havé Da’at, etc. c’est 1 heure avant le lever, voire 1h06 pour ceux qui travaillent. Or nous avons calculé qu’à ce moment, à Jérusalem, le Soleil se trouve à une profondeur de 13,54° voire 14,9° sous l’horizon. C’est-à-dire, encore plus Mékil qu’à Londres. Avec donc ses petits 11°, le Or Méïr se trouve être le plus Ma’hmir.
A la question de savoir s’il est judicieux de retarder le moment de Michéyakir par précaution pour ceux qui seraient en mesure de le faire, le Rav Posen Chlita nous a répondu par un principe connu qu’il n’y a pas lieu de faire une ‘Houmra sur une Métsiout.
En fait, à notre humble avis, l’impression que certains ont qu’en France le Michéyakir est précoce, est faussée par le fait qu’ici, les crépuscules sont 1,33 plus lents en hiver et 1,9 fois en été qu’en Erets (c’est-à-dire, presque le double). Celui qui est habitué aux levers rapides du Soleil d’Erets Israël, peut penser qu’avec 11°, nous sommes à Paris toujours plongés dans la nuit, alors qu’en fait, il fait plus clair qu’en Erets avec 13,54°. C’est uniquement un problème de vitesse, mais le Michéyakir est déjà là.
A ce sujet, nous vous invitons à lire notre article paru il y a 3 ans dans « Igéret Ha’hinoukh – La Lettre de l’Education ».
http://roger.stioui.free.fr/images/Heure%20du%20debut%20du%20Chema%20et%20des%20Tephilin.pdf
Kol Touv.