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Kabbala VS Halakha

Rédigé le Jeudi 8 Février 2018
La question de Moché T.

Chalom cher Rav,

Existe-t-il une source qui affirme que la Halakha prime sur le Zohar ou la Kabbala ?

Quelle est la valeur d'une "interdiction" formulée par le Zohar, alors qu'elle ne figure pas dans le Choul'han Aroukh ?

J’aimerais sincèrement comprendre comment s'articulent ces deux sources de loi et quelles sont leurs places respectives dans la "hiérarchie des normes" juives.

La réponse de Rav Avraham GARCIA
Rav Avraham GARCIA
8184 réponses

Chalom Ouvrakha,

La réponse à vos questions dépendra de celui à qui vous la posez, à un Séfarade, un Ashkénaze, ou un Kabaliste...

Je vais essayer de rester le plus objectif possible pour vous répondre, et surtout pour tenter d'expliquer les prises de position de chaque avis.

Il faut tout d'abord séparer la question en trois parties :

1. Quelle attitude doit-on avoir lorsque le Zohar contredit la Guémara et donc la Halakha ?

2. Quelle attitude avoir lorsque le Zohar ajoute un comportement qui ne figure pas dans la Halakha mais qui ne contredit pas la Halakha ?

3. Quelle attitude avoir envers la Kabala en général, c'est-à-dire des comportements à avoir qui ne figurent pas dans le Zohar, mais sont rapportés dans les livres des Kabalistes, en commençant par le Rav ‘Haïm Vital, élève du Ari zal, ou le Rachach, etc. ?

Les décisionnaires Ashkénazes accordent en général plus d'importance à la Halakha qu'au Zohar et à la Kabala (cela est certainement dû aussi aux tragiques évènements de Chabtay Tsvi qui, au nom de la Kabala, a annulé des Halakhot à tort), alors que les Séfarades, en général, et les ‘Hassidim donnent plus de poids à la Kabala.

Le Michna Broura (25, 42), après avoir longuement écrit sur les règles de la Halakha, conclut que ce n'est que lorsqu'il y a une discussion entre les décisionnaires dans la Halakha, que la Kabala peut être prise en considération et que l’on tranchera la Halakha comme le Zohar.

Alors que lorsqu'il y a une contradiction entre la Halakha et la Kabala, ou la Guémara et le Zohar, ce sera la Halakha qui prendra le dessus, et on ne prendra pas en considération les propos du Zohar.

Aussi, pour la majorité des décisionnaires Ashkénazes, un interdit rapporté dans le Zohar n'oblige personne, si ce n'est les grands Tsadikim qui seront au niveau spirituel de s'appliquer au Zohar. 

Cette idée doit certainement être fondée sur les propos de nos Sages (‘Haguiga 11b et 14b) qui nous disent que ces enseignements (de Kabala) ne sont transmis qu'à des particuliers qui ont obtenu un grand niveau spirituel. Voir aussi le ‘Hayé Adam 10-12. D'ailleurs, cette partie de la Torah s'appelle "Sod" (secret).

Aussi, ne faut-il pas oublier, comme nous l'écrirons plus tard, que le Zohar ne fut dévoilé qu'après l'époque du Rambam, du Ramban et du Roch, ce qui a certainement contribué à ne pas repousser la Guémara et la Halakha face au Zohar (voir Sédèr Hadorot page 183b). Voir ‘Hatam Sofer Ora’h ‘Haïm 51 rapporté dans le Tsits Eliézer 21-49 qui s'est farouchement opposé à l'introduction de la Kabala dans la Halakha. Par contre, le Rav ‘Hida dans son livre "Yossef Omets" (103, page 123) exprime son désaccord total avec cette prise de position et ce dernier est d'avis que les propos du Zohar impliquent tout le monde.

Et nous retrouvons cette démarche (de ne pas repousser la Halakha face au Zohar) dans le Darké Moché 66, 4 et 141, 2 (commentaire du Rama sur le Beth yossef) et Rama Yoré Déa 188-2, ainsi que le Ba’h 274, 1 (au sujet de la mise des Téfilines pendant ‘Hol Hamo’èd).

Alors que pour la majorité des décisionnaires Séfarades, on devra s'appliquer et respecter les interdits du Zohar, surtout s’ils sont rapportés dans le Beth Yossef (mais omis dans le Choul’han Aroukh) et il y a plusieurs exemples de cas (Beth Yossef Ora’h ‘Haïm 4-12 et 31-1, voir le Biour Hagra, et Beth Yossef Siman 66 et 51 et 111, ainsi que Beth Yossef 101-2 dans le Bedek Habayit et Beth yossef 141-2 et Yoré Déa 288-15).

On retrouve aussi un autre exemple au sujet du dernier "Barékhou" du matin que nous disons malgré le fait que, selon le Choul’han Aroukh, on ne devrait pas le dire (Rav Péalim 4-8).

C'est pour cela aussi que les Séfarades, bien qu'ils avaient auparavant la coutume de mettre les Téfilines pendant ‘Hol Hamo’èd (par exemple), ont stoppé cette coutume après la découverte du Zohar (comme l'écrit le Beth Yossef 31).

De même, le Kaf Ha’haïm (25, 75) est d'avis de suivre la Kabala même s’il y a une contradiction entre la Kabala et la Halakha et même au sujet des Brakhot.

C'est-à-dire que, si selon le Zohar on devra réciter une Brakha et que selon la Halakha on ne devra pas réciter de Brakha (par exemple "Hanotèn Laya’èf Koa’h"), selon le Kaf Ha’haïm, on dira la Brakha (voir le livre du Rav Yossef Irgas "Chomer Emounim" Siman 2, page 10b, qui nous rapporte le Beth Yossef Siman 141 et Rav Péalim tome 2, responsa 12, sur les propos du Choul’han Aroukh 46-6 et le Birké Yossef sur place Sé’if Katan 11, au sujet de la Brakha de "Hanotèn Laya’èf Koa’h"). Et c'est là une grande discussion jusqu'à nos jours (certaines communautés marocaines ont encore l'habitude de ne pas dire la Brakha de "Hanotèn Laya’èf Koa’h" avec le nom de D.ieu ; aussi, en Tunisie, on ne disait pas cette Brakha et cela fait uniquement deux cents ans que la coutume a été prise de réciter cette Brakha, voir ‘Ale Hadass page 37).

J'imagine aussi tout à fait que cette décision dépendra de l'investissement de la personne, plus elle sera plongée dans l'étude de la kabbale, plus ses décisions halakhiques suivront le Zohar (cela n'enlève en rien la grandeur de la personne, ‘Hass Véchalom, comme nous pouvons le constater des propos du ‘Hida dans son livre "Na’hal Kedoumim" Parachat Michpatim 21-1).

Il n'y a pas de source explicite et formelle qui nous écrit de repousser la Kabala face à la Halakha (ou le contraire), mais c'est un axiome, puisque le Zohar se veut d'être caché et ne fut découvert qu'après l'époque du Roch, du Ramban, etc., c'est donc qu'il ne pourra pas contrer la Halakha. Et, comme dit, c'est pour cela que les Ashkénazes, en général, n'ont pas reçu la Halakha du Zohar face à celle du Talmud.

Alors que la majorité des Séfarades, en général, donnent une grande place au Zohar, et nous allons à présent tenter d'expliquer cette prise de position.

En effet, il y a plusieurs sources qui nous font dire que le Zohar doit être respecté, même s’il contredit la Halakha (il est possible que, suite à la dégradation spirituelle actuelle, il y a eu une mutation à ce sujet, même au sein des Séfarades, et que de plus en plus de Séfarades s'appliquent au Choul’han Aroukh et non pas au Zohar. Et l'un des premiers Rabbanim qui a opté et contribué pour cette démarche, apparemment en constatant le niveau spirituel de son époque et avec une intention de mettre la Halakha au diapason de son époque, tout en respectant les règles strictes de la Halakha, est notre maître le Rav Ovadia Yossef zal, qui repousse en général le Zohar ou la Kabala face aux règles de la Halakha, et surtout si c'est pour une ‘Houmra - voir par exemple Beth Yossef Yoré Déa 89-2 et Yabi’a Omer tome 6-7, et cela ne remet en rien en cause la grandeur de la personne, ‘Hass Véchalom, comme écrit plus haut dans le "Na’hal Kedoumim", et nous allons y revenir à la fin de notre exposé).

Le Zohar ne contredit jamais le Talmud ou la Halakha

Faut-il encore comprendre que, selon la Kabala, il est impossible que le Zohar ou le Ari zal contredisent les propos de nos Sages (dévoilés), car il y a une compréhension cachée dans chacune de leurs phrases citées dans le Talmud, comme nous l'écrit le Zohar Parachat Pin’has page 144b et Tikouné Zohar page 38a, commenté par le Rav ‘Haïm Vital dans sa préface sur le Ets ‘Haïm page 1b, qui nous précise que la réelle compréhension de la Halakha, c'est la Kabala.

Cette idée est reprise par le Rav Avraham Azoulay dans son livre Or Ha’hama tome 1, page 45a, le Avné Nézer 2-32, Rav ‘Haïm de Volozjin au nom du Gaon de Vilna (Kétèr Roch page 108), le Aroukh Hachoul’han 25-29, et le Kaf Ha’haïm 30, 1, et 129, 4, et d'autres.

Il est vrai qu'à notre niveau, nous avons du mal à voir comment peut-on résoudre les nombreuses contradictions apparentes entre le Zohar et la Guémara, mais celles-ci ne sont qu'apparentes (voir le livre du Ben Ich ‘Haï dans "Even Chlomo" sur Chir Hachirim chapitre 7-2).

Nous constatons par exemple des propos du Beth Yossef (Ora’h ‘Haïm 61-2) qu'il est impossible de croire ou d'envisager que le Zohar est en contradiction avec le Talmud (dans d'autres sujets, curieusement, on ne retrouve pas cette attitude chez le Beth Yossef, et nous y reviendrons à la fin de cet exposé).

Le Rav ‘Haïm Vital écrit aussi (préface du "Ets ‘Haïm" page 2c) que celui qui tranche la Halakha selon ce qui est dévoilé uniquement (Niglé) est comparé à l'aveugle. Et il reprend cette idée dans plusieurs autres passages.

Les Ashkénazes, en général, comprennent apparemment qu'il ne s'agit pas d'une attitude halakhique différente à avoir, mais uniquement d'une compréhension des choses.

Mais des propos du ‘Hida (Ma’hzik Brakha 582, 3), nous constatons qu'il s'agit même de comportement halakhique diffèrent selon la Kabala, car, comme écrit plus haut, la Kabala ne peut pas contredire la Halakha. Ainsi, nous retrouvons cette démarche dans le responsa du Rama de Pano (108).

Le ‘Hida nous explique dans plusieurs endroits que le "Sod" (la Kabbala) ne fut dévoilé qu'après mille ans après la destruction du Temple, mais la Kabala existait, mais était encore cachée, et ce n'est que plus tard qu'elle commença à se dévoiler (Chem Haguedolim 1-219 et Peta’h ‘Enayim 2, page 62 ; voir aussi à ce sujet le livre du Rav Ya’acov Hillel chlita "Ed Agal Haze" 1-2 et Sédèr Hadorot rapporté plus bas).

Voilà pourquoi on peut se fier au Zohar et il ne s'agit pas d'un nouveau comportement à adopter, mais d'un comportement halakhique déjà présent qui n'a fait que se dévoiler, et nous pouvons, et parfois devons, l'adopter.

Le Zohar et Eliahou Hanavi

Essayons d'aller un peu plus loin.

Dans le Zohar (‘Hadach au début de la Paracha de Ki Tavo page 73a), il est raconté que Rabbi Chimon Bar Yo’haï a appris la Torah d'Eliahou Hanavi.

Et le Rav ‘Haïm Vital (préface du Ets ‘Haïm page 3d) nous confirme la même chose en nous disant que tout le Zohar etc. fait partie des enseignements que Rabbi Chimon a reçus d'Eliahou Hanavi.

S’il en est ainsi, nous comprenons tout à fait la force du Zohar par rapport aux autres avis, puisqu'Eliahou Hanavi est une référence quasiment irréfutable en ce qui concerne la Halakha, comme nous pouvons le constater plusieurs fois (Edouyot 8-7, Guémara Brakhot 3a et 29b, Ména’hot 45a avec le commentaire du Birké Yossef 32-4 au nom du Rachba, Baba Metsia 85b, Sanhédrin 113b, Erouvin 43a, Baba Metsia 114a et b).

Par contre, Rabbénou Tam (Baba Metsia 114a) n'est pas d'accord avec cette règle et il n'avait pas la même version qui se trouve à nos yeux, à savoir qu'Eliahou Hanavi aurait tranché une Halakha, car selon Rabbénou Tam, il n'est pas possible qu'Eliahou se mesure aux règles de la Halakha (c'est peut-être pour cela que les Ashkénazes, en général, ne repoussent pas la Halakha pour faire comme le Zohar).

Mais apparemment, Rabbénou Tam est en minorité, comme le témoigne le Séfer Ha’hinoukh Mitsva 350, et c'est ainsi que tranche le Beth Yossef (‘Hochen Michpat 97-23). C'est donc que le Zohar emporte sur la Halakha pour les Séfarades, puisqu'à sa source, c'est Eliahou Hanavi qui a transmis à Rabbi Chimon bar Yo’haï.

Mettons de côté la fameuse question comment peut-on trancher la Halakha à partir d'Eliaou Hanavi, puisque nous savons par ailleurs que l'on ne peut pas trancher la Halakha avec des informations qui proviennent du ciel (voir Chabbath 104a et 108a dans Rachi, Baba Metsia 59b, ainsi que le Rambam dans les Hilkhot Yessodé Hatorah chapitre 9, Halakha 1 et 4), car cette question a été posée et répondue (Birké Yossef 32, 4, Maharats ‘Hayout Brakhot 3, ‘Hatam Sofer tome 6-98 et d'autres) et ce n'est plus notre sujet. 

 Les Richonim ne possédaient pas le Zohar

Aussi, puisque le Zohar ne fut dévoilé qu'après l'époque des Richonim (comme le Rambam, le Ramban, le Roch etc.), nous pouvons trancher comme une règle halakhique (rapportée dans le Beth Yossef Ora’h ‘Haïm 25-5 et Yoré Déa 173 et dans Even Haézer 25 dans le Bedek Habayit) en disant que, si seulement les Richonim avaient vu tel ou tel Zohar, ils auraient certainement changé d'avis (alors que, pour les Ashkénazes, bien au contraire, une fois la Halakha tranchée, on ne peut plus la changer).

Et cette règle peut s'appliquer parfois même à l'encontre du Beth Yossef lui-même, et nous pouvons affirmer (comme le fait le ‘Hida dans son livre "Marit Ha’ayin" page 132) que si le Beth Yossef avait vu les propos du Zohar, il aurait changé d'avis (voir aussi Tov ‘Ayin page 13).

Il est extraordinaire de constater que le Rav Méir ben Gabay, qui était l'un des premiers kabbalistes (voir Chem Haguedolim du ‘Hida à son sujet), écrit dans son livre "Avodat Hakodech" tome 3, chapitre 18 au nom de Rabbi Chimon bar Yo’haï, qu'a l'approche de la dernière génération et à la fin des temps, le Zohar sera dévoilé et le peuple d'Israël tranchera la Halakha comme le Zohar (se référer à ses propos).

D’ailleurs, Eliyahou Hanavi dit à Rabbi Chimon bar Yo’haï (Tikouné Zohar 6, 23b) que la délivrance future ne viendra qu’une fois que le Zohar sera dévoilé. Et on retrouve dans le Raaya Memna (Parachat Nasso 124b) que, grâce à l’étude du Zohar, les Bné Israël seront méritants et obtiendront la délivrance.

Et c'est exactement ce que nous pouvons constater, qu'à partir de l'époque du Beth Yossef, il y a eu une certaine mutation, même dans des sujets qui étaient ancrés dans le ‘Am Israël (comme la mise des Téfilines ‘Hol Hamo’èd). D'ailleurs, le ‘Hida écrit que l'exil était initialement prévu jusqu'à l'année 1575, c'est-à-dire trois ans après la mort du Ari zal, et à partir de cette date, la délivrance est susceptible de venir (Midbar Kedemot Ma’arékhèt 100, note 19) et il rapporte cette affirmation au nom du Ari zal (Homat Aneha sur Téhilim 44).

La Kabala face à la Halakha

A présent, nous allons aller encore plus loin, car jusqu'à présent, nous avons traité du Zohar face au Talmud, mais il faut savoir qu'il y a eu aussi des dévoilements d'Eliyahou Hanavi aux grands Tsadikim, et cela se nomme "Kabala" (littéralement, "reçu"). Le ‘Hida, dans son livre Chem Haguedolim (Ma’arékhèt Sefarim Ma’arékhèt 5 Sé’if 82) nous parle de ce phénomène.

Et la question (comme vous la posez vous-même) est de savoir si nous devons nous plier au comportement kabbalistique en tant que ‘Houmra (mesure de rigueur) ou pas ? Surtout si nous devons confronter cette "Kabala" à la Halakha lorsqu'il y a une contradiction. Il ne s'agit plus du Zohar face à la Halakha, mais de la Kabala face à la Halakha.

La réponse, pour les Séfarades en tout cas, est que nous devons nous plier aux ‘Houmrot halakhiques de la Kabala, même si la source n'est pas du Zohar, comme nous pouvons le constater du Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 274-1), et il y a plusieurs exemples (Beth Yossef et Choul’han Aroukh 56-3 et 131-2 et 3, et le Michna Broura 10 sur place conteste).

Par contre, pour les Ashkénazes, dans un cas pareil, il est évident que l'on ne doit pas s'appliquer à la Kabala (Rama et Ba’h 274 qui critiquent sévèrement l'avis du Choul’han Aroukh).

Nous retrouvons encore d'autres exemples de confrontations entre la Halakha et la Kabala (non pas le Zohar) et le Choul’han Aroukh (Beth Yossef Ora’h ‘Haïm 426-4) tranche comme la Kabala et repousse le moment de Birkat Halévana de trois jours, même s’il n'y a pas de Zohar.

Cette décision est encore plus étonnante si on prend conscience qu'elle va à l'encontre de l'avis du Rambam, du Roch et du Tour, alors que le Beth Yossef a toujours tranché comme la majorité des Richonim.

Aussi, cette décision va à l'encontre d'une règle Halakhique de « Zrizim Makdimim » (qui signifie qu’il faut toujours réaliser les Mitsvot le plus tôt possible). Comment alors le Choul’han Aroukh prend en considération des propos de Kabala et ne s'applique pas à la Halakha? C'est forcément que, même la Kabala a une force identique à celle du Zohar.

Alors que le Michna Broura sur place (Sé’if Katan 20) nous rapporte que la majorité des décisionnaires Ashkénazes (voir Cha’ar Hatsioun à ce sujet) ne sont pas d'accord avec cette décision, et, ce, essentiellement à cause des questions posées plus haut (voir Responsa Méguidot du Pri Mégadim 102 et responsa ‘Olat Chmouel de Prague 60).

Et c'est là où le ‘Hida, dans son livre Tov ‘Ayin (18-76) répond à toutes les questions, en nous écrivant que si le Rambam et le Roch avaient entendu l'enseignement de Kabala en question, ils auraient changé d'avis.

C'est là tout le point de discussion entre les décisionnaires, et, en général, c'est une discussion entre Ashkénazes et Séfarades.

Et il n'y a rien de nouveau dans ce qu’avance notre maître le ‘Hida, car, en effet, curieusement, le Abarbanel dans son livre Na’halat Avot (sur le traité de Avot chapitre 3, page 109) nous rapporte une lettre écrite par le Rambam lui-même, qui affirme qu'à la fin de sa vie, un vieil homme s'est présenté à lui (peut-être Eliyahou Hanavi; il est fréquent qu'un Rav écrive avoir rencontré un "vieil homme" et qu’il s'agit en fait d'Eliyahou Hanavi, voir Chla Hakadoch Cha’ar Haotiyot lettre Lamèd) et lui a dit des choses très logiques, et le Rambam conclut en écrivant : « Si ce n'était pas mon âge avancé et mes livres qui ont déjà été divulgués, je serais revenu sur beaucoup de mes décisions écrites dans mes ouvrages ». Cette même lettre est aussi rapportée dans le Sédèr Hadorot, page 103a.

Nous pouvons donc tout à fait envisager que si le Rambam avait reçu une Kabala, il se serait rétracté, comme il nous l'écrit lui-même.

Nous retrouvons un autre exemple, celui du Talith Katan sur les habits (Choul’han Aroukh 8-11) et, sur cela, tous les Séfarades ont pris sur eux l'avis du Ari zal et mettent le Talith sous leurs vêtements (d'autres rentrent même les Tsitsit) et l'explication est donnée par tous les commentateurs que l'avis du Ari zal prend le dessus (voir Erets ‘Haïm, Birké Yossef et Kaf Ha’haïm).

Ainsi, au sujet du dernier Kaddich avant la fin de la Téfila de Chabbath, le Choul’han Aroukh (133-1 et 286-5) est d'avis qu'il ne faut pas le dire, et c'est ainsi qu'était la coutume, et le Beth Yossef écrit que celui qui dit « Barékhou » se trompe. Pourtant, tous les Séfarades le disent, et cette façon de faire trouve ces sources dans les propos du Ari zal; c'est donc une Kabala (voir Kaf Ha’haïm sur place Sé’if Katan 1 - les Ashkénazes ne le disent pas).

Ainsi, au sujet de Birkat Mé’èn Chéva’ de Chabbath, lorsque la prière se fait chez des endeuillés ou chez les mariés, selon le Choul’han Aroukh (268-10), cette Brakha n'a pas lieu d'être. Or, les Séfarades récitent cette Brakha pour faire comme la Kabala (Rav Péalim tome 3-23 et autres), tandis que les Ashkénazes ne la récitent pas.

Au sujet de « Vihi Noa’m » de Motsaé Chabbath si un Yom Tov tombe au milieu de la semaine, la coutume Séfarade était de ne pas le dire. Mais la coutume s'est répandue de faire comme le Ari zal et de le dire (Birké Yossef 295-1 et Kaf Ha’haïm 295, 11, Ben Ich ‘Haï Parachat Vayétsé 6), et, pour ce cas, le ‘Hida témoigne que ce changement a commencé par un petit groupe de "grands de la génération". Les Ashkénazes ne le disent pas, car ils ne repoussent pas la Halakha face au Zohar, et a fortiori face à une Kabala.

Idem au sujet des Piyoutim que l'on avait l'habitude de lire juste avant Nichmat (« Mi Kamokha » pour Chabbath Zakhor et « Chofèt Kol Haarets » à Roch Hachana et Yom Kippour, etc.). Ces chansons composées par le Rav Yéhouda Halévi étaient chantées juste avant Nichmat, et cette coutume s'est arrêtée après le dévoilement du Ari zal (voir Tov ‘Ayin du ‘Hida 18-35 page 30c).

Aussi, un autre exemple de coutume qui commence à changer (surtout en Israël) est au sujet de la pose des Téfilines le matin de Ticha’ Béav. Le Choul’han Aroukh (555-1) nous écrit de ne pas mettre les Téfilines et le Talith le matin de Ticha’ Béav, et nous constatons que, petit à petit, les gens mettent les Téfilines et cette attitude est due à la Kabala au nom du Rachach (Birké Yossef 555-1, voir aussi responsa du Rav Ya’acov Hillel "Vayachev Hayam" tome 1-9). En Tunisie, il y avait plusieurs coutumes à ce sujet (voir ‘Alé Hadass page 632).

Idem en ce qui concerne la coutume de la lecture du Mizmor du jour, comme Roch ‘Hodech, ‘Hol Hamo’èd, ‘Hanoucca et Pourim (voir Ben Ich ‘Haï Parachat Ki Tissa 17).

La façon de faire les balancements du Loulav et du Etrog (Siman 651), la façon de procéder à la Kédoucha de « Nakdichakh » (125-1), tous les Séfarades ne font pas comme le Choul’han Aroukh et se sont fondés sur la Kabala.

Et, selon les sources que je dispose, cette mutation a eu lieu de manière plus accentuée il y a déjà près de deux cents ans.

Cette idée n'est pas nouvelle, on la retrouve aussi dans le responsa du Ich Matslia’h (tome 1-18 page 438), dans le responsa Choel Ouméchiv (du Rav Mazouz) 20 et dans le Or Letsion tome 2, page 15.

Aussi, le Rav Avraham Hacohen de Tunis, dans son livre Yaïr Kino (page 74) s'étale longuement sur ce sujet et nous rapporte plusieurs exemples.

Et le Rav ‘Haïm Fallaji dans son livre Lev ‘Haïm (tome 2-95) ainsi que le Ben Ich ‘Haï dans plusieurs endroits nous font l'éloge du Rachach (Rav Chalom Charabi) et le compare (relativement) au Ari zal. Et nous constatons qu'il y a beaucoup de choses que nous faisons comme le Rachach, même si cela va à l'encontre de la Halakha, comme la pose des Téfilines à Cha’harit de Ticha’ Béav, Mé’èin Chéva’ de Chabbath chez un endeuillé ou un marié etc.

‘Houmrot du Zohar qui ne figurent pas dans le Talmud ou la Halakha

Enfin, y a-t-il lieu de réaliser des actes qui ne sont pas mentionnés dans la Guémara, mais qui sont rapportés dans le Zohar ?

Pour les Ashkénazes, cela reste tout à fait facultatif, alors que pour les Séfarades, il y a un grand poids à ce qui est rapporté dans le Zohar et la Kabala, comme nous pouvons le constater des propos du Beth Yossef dans le Siman 61 et 50, et le Choul’han Aroukh a tranché des Halakhot uniquement en se référant à la Kabala, car il n'y a aucune autre source à ces Halakhot, comme par exemple Siman 4, Sé’if 8,9,10 et 11.

Ainsi, dans le Siman 90-4 et Siman 651-11 et 32-44, et encore une fois, ici aussi le Peta’h Hadevir (tome 2, page 6c rapporté dans le livre du Rav ‘Haïm Fallaji « Kol Ha’haïm » page 21a Ma’arékhèt 10 Sé’if 53) nous écrit qu'il est évident que si le Roch avait vu les propos du Zohar, il serait revenu sur sa décision.

Et, comme susmentionné, on pourra même dire une Brakha en se fondant sur le Zohar, même si celle-ci ne figure pas dans le Talmud (Erets ‘Haïm du Rav Sitaon Klal 13, et responsa du Sdé ‘Hémèd « Mikhtav Lé’hikyaou » Ora’h ‘Haïm Siman 7, page 33c, et le Beth Dino Chel Chlomo Ora’h ‘Haïm 12, page 50, Kaf Ha’haïm 25, 75, ainsi que le Rav Matslia’h Mazouz dans son responsa « Ich Matslia’h » tome 1, responsa 15, page 197 et page 361, ainsi que le Rav Its’hak Nissim dans son livre « Yayine Hatov » tome 1, responsa 4 et responsa ‘Emèk Yéhochou’a tome 1, page 101 et tome 3, page 48).

Le poids halakhique du Ari zal

Notre réponse serait peut-être incomplète sans écrire sur le statut du Ari zal.

Il faut savoir que le Rav ‘Haïm Vital dans la préface de son livre Ets ‘Haïm (page 4c et 5b et c) nous écrit que c'est Eliyahou Hanavi qui a enseigné les secrets de la Kabala au Ari zal, et ce fait est repris plusieurs fois par d'autres Rabbanim (Chomer Emounim page 15, et Sim’hat Haréguèl du ‘Hida et dans son responsa « ‘Haïm chaal » tome 1, responsa 75-2 et tome 2-10, et le Ben Ich ‘Haï dans le Rav Péalim tome 3 Sod Yécharim 4 et tome 1-5 et le Ben Ich ‘Haï Parachat Vayéra 21, Ben Yéhoyada Roch Hachana 10b et Yaavets dans son livre « Torat Hakenaot » page 48a, et Kaf Ha’haïm 274, 2, voir aussi Tsiporen Chamir 6-95).

S’il en est ainsi (selon les Séfarades en général), les "innovations" du Ari zal sont à respecter comme celles du Zohar, puisque la source est la même (Eliyahou Hanavi).

Et le ‘Hida (dans son livre ‘Haïm Chaal tome 1-1 page 4 et dans le Ma’hzik Brakha 34-1 et 282-2 et Chi’ouré Brakha Yoré Déa 240, 13) ainsi que le Gaon de Vilna (préface du Sifra Detsniouta) et le Sdé ‘Hémèd (Klalé Haposskim 15-9) écrivent que tous les propos du Ari zal sont basés sur les socles du Zohar.

Certains en viennent même à dire que ce choix n'est pas une préférence mais une obligation (voir le livre du Rav Yossef Irgas « Divré Yossef » page 11a, Siman 2 et 3 et le ‘Hida dans son livre Ma’hzik Brakha 583 écrit que ce Rav est hors du commun). Voir aussi le responsa ‘Haïm Chaal, tome 1-1 et 75 et Yaskil ‘Avdi tome 8, page 96 et le Rav David Pardo dans son livre Mikhtam Lédavid Siman 4 et responsa du Rav Messod Hacohen « Pir’hé Kéhouna » Ora’h ‘Haïm 11, et le livre Mamlékhèt Cohanim sur les Rabbanim de Djerba sur le Rav Aaron Perets Siman 55, Sé’if 12, page 58 rapporte qu'il y a eu un cartier à Djerba qui ne voulait pas changer de coutume et se plier aux recommandations du Ari zal (pour la façon de sonner du Chofar à Roch Hachana) et le Rav leur a lancé un avis de ‘Hérèm (excommunication) jusqu'à ce qu'ils se plient à l'avis du Ari zal. Rav Péalim 3 dans Sod Yécharim, fin du Siman 7. Et le ‘Hida dans Chem Haguedolim 5-82 susmentionné critique très sévèrement ceux qui ont la prétention de se confronter aux Rabbanim qui ont eu le dévoilement d'Eliyahou Hanavi. Voir aussi le Pekoudat El’azar 4, 10 qui nous fait remarquer que l'on ne retrouvera jamais dans nos livres une phrase comme « pas comme le Ari », car cela ne peut pas exister. Voir aussi le Min’hat El’azar tome 4-10-7.

Nous pouvons aussi constater que l'avis du Ari zal a été pris, même s’il allait à l'encontre des coutumes habituelles et même s’il s'agit d'une Brakha à prononcer (Ben Ich ‘Haï Vayéchev 4 et Erets ‘Haïm du Rav Sitaon Klal 13 et Sdé ‘Hémed Klalé Haposkim 13-31 et d'autres).

Pour les Ashkénazes, tout ce qui a été dit est vrai, mais rien ne pourra changer la Halakha (voir ‘Haïm Chaal tome 2-10).

Il y a des ‘Houmrot du Ari que l'on ne fait pas

A présent, vous pouvez comprendre aussi pourquoi certaines choses ne sont pas faites comme le faisait le Ari zal, comme par exemple les deux trous que faisait le Ari sur son Talith (certains ‘Hassidim le font encore - voir Ben Ich ‘Haï Parachat Noa’h 15) ou la lecture des 13 attributs lors de l'ouverture de l'arche les jours de Yom Tov, comme le témoigne son élève le Rav ‘Haïm Vital, ou ne manger que sur une table qui possède quatre pieds (Cha’ar Hakavanot Chabbath ‘Inyan Hachoul’han page 72a), et il y a encore plusieurs exemples.

Ces coutumes ne nous impliquent pas, car elles n'ont pas été transmises au Ari par Eliyahou Hanavi, mais c'était une coutume que le Ari avait de ses parents (voir Vayachev Hayam tome 2-11).

Pourquoi le Beth Yossef ne rapporte pas le Zohar ?

Revenons à une question que nous avions déjà posée : comment se fait-il que parfois le Beth Yossef rapporte le Zohar et n'en fasse pas mention dans le Choul’han Aroukh (Yoré Déa 65 et 89 et 173) et que, parfois aussi, le Rav Yossef Karo omet complètement les propos du Zohar, bien que nous venons d'expliquer que les propos du Zohar ont un grand poids ?

Cela est dû au fait que le Beth Yossef (à son niveau et sans, ‘Hass Véchalom, toucher à sa grandeur immesurable) ne voyait pas assez clairement l'avis du Zohar à ce sujet et qu'il n'avait rien reçu de clair sur ce sujet (voir Peta’h Hadvir tome 2, page 8c).

Nous pouvons d'ailleurs constater que, parfois, le Rav Yossef Karo avait du mal (toujours à son niveau, bien entendu) à comprendre le sens des propos du Zohar (Beth Yossef 25). Voir aussi ce qui est raconté par le Rav ‘Haïm Vital dans le Cha’ar Haguilgoulim page 62b au sujet de la Néchama du Beth Yossef, ainsi que ce qui est rapporté dans le livre Haari Végourav, page 62.

Je voudrais conclure aussi que ces sujets sont tellement subtils et élevés qu'il nous est conseillé, comme l’a fait le ‘Hida dans son livre Kikar Laaden page 74, de ne pas réveiller les disputes sur ces thèmes et de toujours essayer d'obtenir le Chalom (la paix).

Avertissement

Aussi, et c'est là quelque chose de très important, et c'est peut-être pour cela que ce sujet est un peu « tabou », on ne doit pas suivre les recommandations du Ari zal si cela nous fait fauter dans autre chose, comme l'écrit le ‘Hida dans Yossef Omets 54.

Par exemple, nous savons que le Ari zal interdit de lire la Torah écrite la nuit (voir ‘Hida dans Torat Hachelamim 19-7 et autres). Néanmoins, cette attitude est bonne pour les Talmidé ‘Hakhamim qui sont capables d'étudier autre chose dans la Torah orale (Michna ou Guémara etc.), mais ceux qui ne vont pas étudier à cause de cela, il n'y a aucune contre-indication à leur sujet. On retrouve souvent ce genre de distinctions (voir Ména’hot 99b et ‘Hessed Laalafim 1-8 et Kikar Laaden page 74).

Un autre exemple : nous savons que, selon le Ari zal, nous ne devons pas nous entendre prier pendant la ‘Amida (Bedek Habayit du Beth Yossef 101 et Birké Yossef 101, 3, Kaf Ha’haïm 101-8 et Kécher Goudal 12-2 et Ma’hzik Brakha 582-7 et autres). Néanmoins, les décisionnaires nous mettent en garde que tout celui qui ne pourra pas se concentrer ou risque de sauter des mots à cause de cela, devra s'entendre prier, car ce n'est pas pour lui que le Ari zal a parlé (voir Ma’hzik Brakha 141-2 et ‘Od Yossef ‘Haï Parachat Michpatim 3 et Kaf Ha’haïm 101-9).

Conclusion : nous avons pu constater qu'il y a une certaine hiérarchie en ce qui concerne le Zohar; si celui-ci se confronte à la Halakha, il y a une discussion sur le choix à faire.

Si le Zohar ne fait que rajouter des choses, selon certains, on devra se plier au Zohar, selon d'autres, on peut rajouter en s'appliquant au Zohar, mais cela est facultatif.

Enfin, les enseignements des kabalistes qui ont eu le dévoilement d'Eliyahou, sont considérés selon certains comme le Zohar et, selon d'autres, cela ne nous implique en rien (si ce n'est les grands Tsadikim).

Je pense (avis personnel) que le sujet de la place du Zohar et de la Kabala est relatif à chacun (comme nous l'avons écrit avec les deux derniers exemples) et le mode de vie selon la Kabala peut parfois détruire la personne, c'est pour cela que le sujet est à prendre avec des pincettes.

Le mieux à faire pour savoir comment agir à ce sujet est d'avoir un Rav de proximité qui connaît la personne et sait exactement ce qui prime sur quoi. Surtout ne pas décider pour nous-mêmes, car nous n'avons pas le poids des choses pour pouvoir décider.

Il y avait dans ma synagogue un juif qui mettait les Téfilines de Rabbénou Tam (alors que pour tous les juifs d'Afrique du Nord, cette attitude était réservée uniquement aux grands Tsadikim), mais il avait la télévision chez lui, et, à la fin de chaque Téfila, il devait nous raconter le film qu'il avait vu la veille... Vous comprenez que c'est une erreur. Cette personne passe à côté de quelque chose de grave.

Qu'Hachem nous éclaire dans Sa Torah et j'espère avoir réussi à vous donner quelques indices pour comprendre les articulations de cette question.

Kol Touv.

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