Chers Rabbanim,
Comment expliquer que les filles de Loth étaient vertueuses alors que leur père ne l’était pas (en tout cas, pas autant qu’elles) ? Quel enseignement peut-on tirer en terme de 'Hinoukh (éducation) ?
Merci d’avance.
Bonjour,
Il est difficile d'affirmer que les filles de Loth étaient des "femmes vertueuses" suite à leur action. Comme vous pourrez le lire plus bas, elles ont commis une faute très grave. Si la Torah leur accorde une importance ou une faveur, c'est du fait que leurs intentions étaient bonnes [elles ont cru, à tort, de leur devoir de sauver l'humanité en mettant au monde, des enfants].
Même si l'on considère Loth comme n'étant pas un Tsadik parfait [ce sujet n'est pas à l'ordre du jour], il ne faut pas s'étonner si l'on découvre chez ses filles des "pensées méritoires". Après tout, Loth n'était pas un mécréant juré et leur grand-oncle était bien Avraham Avinou. Un peu de sa lumière repoussait beaucoup de l'obscurité dans laquelle elles vivaient [à Sedom].
D'autre part, le verset dit : "Qui donc pourrait tirer quelque chose de pur de ce qui est impur ? N'est-ce pas un [D.ieu] ?" Iyov [Job], chapitre 14, verset 4.
Avraham Avinou ne vient-il pas de son père, Téra'h, un des plus grands idolâtres de son époque ?
D'autres exemples sont cités dans Midrash Rabba, chapitre 19, passage 1, sur Parachat 'Houkat.
La fameuse histoire des filles de Loth :
Lorsqu'une personne commet une faute, Hachem n'est absolument pas content mais il prend en considération la situation dans laquelle se trouvait le fauteur ainsi que ses intentions.
Le comportement - noblement motivé - des filles de Loth est à l'origine d'un enseignement d'une importance majeure.
Les filles de Loth avaient, certes gravement fauté - Hachem n'était absolument pas content ! Mais elles avaient des intentions pures. Elles pensaient que le monde avait été entièrement détruit par la ruine de Sédome. Elles ont cru de leur devoir de sauver l'espèce humaine en mettant au monde des enfants. D'ailleurs, la Torah ne parle absolument pas d'inceste car elles ont sincèrement pensé qu'il n'y avait aucun autre moyen de parvenir à ce but.
Elles ont été récompensées par Hachem et ont mérité de compter parmi leurs descendants Ruth, l'aïeule du roi David et Naama, la femme du roi Chlomo.
Baba Kama 38b, Midrash Rabba, chapitre 51, passage 8 sur Béréchit, Psikta Rabbati, chapitre 42, Ramban sur Béréchit 19, verset 32.
Loth n'était pas aussi vertueux que ses filles. Même s'il était ivre et inconscient de ses actes le premier soir, il a su, le matin, ce qui s'était passé et ne sait pas abstenu de boire la nuit suivante. Rachi sur Béréchit 19, verset 33.
Contrairement à ses filles, il savait que le châtiment d'Hachem ne devait toucher qu'un certain nombre de villes et non la terre entière; les anges le lui avaient dit. Béréchit 19, versets 13-14, Rachi sur Béréchit 18, verset 2.
Un exemple illustrant les conséquences d'une pensée ou d'une motivation sur une faute !
La Torah interdit formellement le vol.
En cas de transgression, il est obligatoire de restituer ce qui a été volé. Lisez, cependant, ce qui est écrit dans l'Express du 10 novembre 2009 :
Voler par nécessité absolue de survie est une notion juridique qui reste complexe. Mais aujourd'hui, pénaliser la misère n'est pas dans la pratique des tribunaux. Vice-présidente du Syndicat de la magistrature, Natacha Rateau explique la réalité quotidienne. Qu'est-ce qu'un vol en état de nécessité ?
Natacha Rateau. L'état de nécessité ne se limite pas aux vols alimentaires. Mais, judiciairement, on considère qu'il y a « vol alimentaire » lorsque le délit est motivé par le seul besoin de se nourrir.
Une femme qui avait volé du jambon dans une grande surface en 1997 à Poitiers (Vienne) avait d'abord été relaxée par le tribunal correctionnel mais la cour d'appel a invalidé cette décision car avoir faim et ne pas avoir les moyens pécuniaires ne peut justifier un délit aux yeux de la loi. Sur un plan juridique, cela peut s'entendre mais sur un plan social, c'est autre chose.
Soyons clair, la politique pénale consiste à ne pas poursuivre ces délits mineurs. S'il n'y a pas d'antécédents, ces dossiers sont bien évidemment classés sans suite. Il y a aussi des négociations entre les directions des supermarchés et les procureurs pour savoir à partir de quel montant les faits sont poursuivis.
Pour les vols concernant notamment des produits dits de première nécessité, comme les petits pots pour bébé ou les couches-culottes, on demande de restituer la marchandise et il n'y a pas de poursuites. On ne va quand même pas condamner quelqu'un qui a volé un sandwich ! Il existe une véritable pauvreté subie.
Pourtant, ces faits sont passibles du tribunal correctionnel ?
Mais le tribunal peut toujours dispenser de peine le prévenu, d'autant plus si le dommage a été réparé. On fait un rappel à la loi, c'est tout. Les services de police ou de gendarmerie sont aussi sensibilisés et renvoient les auteurs vers les associations caritatives. Voler pour manger cela peut se comprendre mais, pour la loi, la faim ne justifie pas tous les moyens. Cela pose un vrai problème de régulation sociale.
Le mardi 31 mai 2016, l'article ci-dessous est paru dans la presse internationale :
Le 30 mai 2015 à Nantes, un homme a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travaux d’intérêt général. Son crime ? En octobre 2014, il avait escaladé une barrière en compagnie de deux amis pour aller récupérer dans la cour d’un supermarché de la nourriture périmée jetée dans un container. Le jugement a fait débat : cette nourriture appartenait-elle encore au supermarché ? Le tribunal a statué que oui, le « container étant placé dans une enceinte fermée ».
En février 2015 à Montpellier, trois autres personnes avaient été condamnées, cette fois « sans sanction », pour des faits similaires.
Plus récemment, un sans-abri de dix-huit ans s’est introduit dans une maison pour voler de quoi manger : quelques kilos de pâtes, du riz et une boîte de sardines. Le tribunal l’a condamné à deux mois de prison ferme, sans retenir la notion de « vol par nécessité ». Son avocate, maître Adeline Nesliat-Delhaye, évoque un Jean Valjean des temps modernes. Le condamné devrait faire appel...
Il ne s'agit pas là d'articles basés sur la Halakha mais on peut y voir que même les non-juifs prennent en considération les circonstances atténuantes et invoquent / admettent des excuses absolutoires pour penser à une éventuelle exemption de peine.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu’Hachem vous protège et vous bénisse.