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A quoi font référence les 4 aliments du Séder de Pessa'h ?

Rédigé le Mardi 13 Octobre 2015
La question de Philippe S.

Bonjour Rav,

J'ai visionné deux vidéos qui parlaient du Séder de Pessa'h, il s'agissait de 4 aliments que l'on se doit de consommer à Pessa'h (la viande de Korban Pessa'h, la Matsa, le Maror, et le vin).

A quoi exactement font référence ces 4 aliments ?

Est-ce-qu'ils font référence aux 4 enfants de la Haggada qui posent 4 questions différentes et/ou à des réparations que l'on appelle "les 4 colonnes du mal" ?

Dans l'une des vidéos on parle d'enfants et dans la seconde on parle des 4 colonnes du mal, donc à quoi exactement font référence ces 4 aliments ?

D'avance je vous en remercie.

La réponse de Rav Gabriel DAYAN
Rav Gabriel DAYAN
40078 réponses

Bonjour,

Voici quelques détails concernant les 4 aliments que l'on se doit de consommer le soir de Pessa'h.

1. La viande du plateau rappelant le Korban Pessa'h

L'auteur de la Haggada écrit :

Le Korban Pessa'h, nos pères le mangeaient à l'époque du Beth Hamikdach. Pour quelle raison ?

Parce qu'Hachem a sauté au-dessus des maisons de nos ancêtres en Egypte, comme il est dit : "Tu diras, c'est un sacrifice que nous offrons pour Hachem car Il est passé au-dessus des maisons des Bné Israël en Egypte quand Il a frappé les Egyptiens et Il a préservé nos maisons".

La viande du Korban Pessa'h est, donc, consommée pour deux raisons :

Hachem a montré Son affection pour nos pères lorsqu'Il a sauté [Passa'h = sauté] au-dessus de leurs maisons, comme il est dit : "Tu diras, c'est un sacrifice pour Hachem, parce qu'Il est passé au-dessus des maisons des enfants d'Israël quand Il a frappé les Egyptiens et a préservé nos maisons."

Il vient prouver l'engagement envers Hachem de celui qui l'offre.

Pourquoi Hachem a-t-Il ordonné que l'agneau du Korban Pessa'h soit rôti plutôt que cuit ? Pourquoi l'agneau devait-il être gardé entier et non coupé en morceaux ? (voir Chémot 12/9) Encore bien d'autres détails d'une importance majeure régissent la consommation de ce sacrifice.

Il y a une raison commune à tous ces commandements :

Hachem souhaitait montrer publiquement, sans le moindre doute, que c'était l'agneau, l'objet de la vénération égyptienne, que l'on égorgeait, et non un autre animal.

Il ordonna donc de ne pas le faire cuire dans une marmite car celle-ci pourrait être couverte : il était obligatoire de le faire griller sur un feu ouvert.

De plus, un aliment rôti émet une odeur beaucoup plus forte qu'un plat cuisiné en marmite. Il était rôti entier pour que tout le monde sache qu'il s'agissait d'un agneau. Il devait aussi être rôti pour symboliser l'exigence de la Torah qui veut que toutes les idoles soient brûlées. On ne devait le consommer qu'après un bon repas et non pas le dévorer affamé, afin de ne pas montrer un quelconque intérêt pour l'idole égyptienne. De nombreux enseignements doivent être tirés de ce passage de la Torah, pour nous éclairer dans notre façon de vivre.

2. La Matsa

Durant Pessa'h, il nous est interdit de consommer du pain ou toute sorte de 'Hamets.

Rabbi Moshé 'Haïm Luzzato (1707-1746) explique :

Durant la fête de Pessa'h, nous sommes tenus de consommer uniquement de la Matsa, ne contenant pas la moindre quantité de levain. Le levain est présent dans le pain afin de le rendre moelleux, lui donner une certaine légèreté et un aspect plus esthétique. Ainsi, sa digestion est beaucoup plus douce et sa consommation devient une agréable partie de plaisir.

Le levain fait donc allusion aux forces du mal, poursuivant infatigablement l'être humain afin de l'attirer vers ce qui est bon et agréable, et non pas vers ce qui est utile et nécessaire.

Le levain est la substance qui entraîne la fermentation, en agissant sur la pâte et en décomposant ses parties. Il transforme ainsi un état naturel, formé uniquement de farine et d'eau, et lui fait subir l'action de l'homme en vue de la faire correspondre à son goût.

Contrairement à la Matsa, le pain au levain est une expression de la domination et de l'emprise des hommes sur la nature. C'est la raison pour laquelle, la Matsa constitue notre nourriture principale et exclusive durant la fête de notre libération, qui elle également, est exclusivement Divine.

Le levain est, comme nous l'avons souligné, comparé à la passion du mal dans l'âme. Lorsque cette fermentation de l'âme est présente, sa pureté est alors soumise aux forces du mal qui la soulèvent contre les forces du bien en la poussant à agir contre la volonté de son Créateur.

Bien plus que cela, le Zohar affirme que la nourriture absorbée par l'homme, est l'un des facteurs dont dépend son aptitude à connaître et percer la sagesse Divine de la Torah.

"La nourriture impure et grasse rend le cœur insensible et imperméable à toute sagesse" (Cf. Talmud Yoma 39a), mais plus elle est pure et "fine", plus elle rend l'esprit apte à percevoir cette sagesse Divine.

D'ailleurs, l'une des premières mesures prises pour le futur peuple de la Torah, dès sa libération, fut le changement de nourriture. C'est un pain très fin et non levé qui fut choisi pour être l'aliment de base : la Matsa.

Par la suite, lorsque les dernières Matsot furent consommées, ce fut une nourriture encore plus raffinée qui fut offerte au peuple d'Israël : La Manne.

La Manne était si pure et parfaite qu'elle ne comprenait aucune matière devant être évacuée du corps par les voies naturelles (Cf. Talmud Yoma 75b).

La consommation de la Matsa nous éduque donc dans ce sens :

"Il suffit d'un mélange de farine et d'eau afin de survivre, il n'est même pas nécessaire d'attendre pour que la pâte puisse lever et nous offrir un pain moelleux et agréable au palais."

Finalement, quelle est la différence entre une belle tranche de pain et une Matsa toute "chétive", n'est-ce pas ces quelques instants, séparant le pétrissage de l'enfournement ?

Ce sont ces instants tellement importants qu'il faut utiliser à bon escient et ne pas en user pour des fins superficielles et trompeuses (l'aspect extérieur ou le goût).

La Torah nous enseigne : "Pendant sept jours (ou huit jours), prends conscience de cette leçon tellement importante et applique-la durant le restant de l'année".

3. La Matsa, vue sous un autre angle

Après avoir été pétrie, une pâte contenant du levain continue à travailler de ses propres moyens, elle se développe et se dilate, elle chauffe et elle se fend.

La pâte des Matsot, au contraire, ne dispose d'aucun pouvoir.

Elle sera uniquement ce que la main de l'homme en fera. Elle s'obtient par un effort constant et une vigilance illimitée. Elle est inactive par elle-même. Elle symbolise la libération d'Egypte par le Créateur.

En effet, lorsque l'heure de la libération approcha, les Bné Israël n'eurent même pas le droit de quitter leurs maisons, ils durent y attendre l'appel solennel à la liberté.

Cette liberté n'était pas à conquérir mais à mériter par leur entier dévouement à Hachem, en sacrifiant l'agneau - la divinité égyptienne - en tant que Korban Pessa'h.

D'ailleurs, ce Korban Pessa'h devait être consommé obligatoirement, avec des herbes amères [symbole de la souffrance] et des Matsot [symbole de la pauvreté et de l'esclavage] (Cf. Chémot 12/8), pour bien prouver que l'heure de la délivrance n'a pas encore sonné.

Ainsi, il fut mis en évidence qu'ils n'avaient pas du tout participé eux-mêmes à leur libération.

Mais lorsque l'heure de la liberté arriva, les Bné Israël se virent chassés par les Egyptiens avec un tel empressement qu'ils ne purent emporter qu'une pâte non fermentée. La Matsa devint alors pour toutes les générations à venir, le témoignage de l'origine exclusivement Divine de la délivrance d'Egypte.

Les Bné Israël devaient donc s'abstenir de tout préparatif de départ, pour montrer leur rôle passif dans le déroulement de leur délivrance et mettre en évidence l'intervention Divine des moindres détails, les ayant menés vers la libération.

La Matsa vient donc témoigner que nos ancêtres furent chassés et repoussés sans pitié, au point de ne pouvoir cuire leur pain convenablement. Ils étaient donc livrés impuissants aux mains de leurs oppresseurs jusqu'au tout dernier moment et ce fut à l'intervention du Créateur et à elle seule, qu'ils durent le miracle de leur libération (Rav S. R. Hirsch cité par Rav Munk - Chémot 12/39).

L'interdiction de consommer du 'Hamets et la Mitsva de consommer de la Matsa, acquièrent donc une valeur symbolique d'une importance majeure.

Sans ces souvenirs, les descendants de cette génération n'auraient pas pu bénéficier d'un témoignage du caractère exclusivement Divin de leur délivrance d'Egypte.

D'après le Ramban (Dévarim 2/4), la Matsa contient un double souvenir.

Elle représente "le pain de la misère que nos ancêtres mangeaient en Egypte" (Haggada), et elle rappelle alors l'esclavage.

Mais elle perpétue aussi l'empressement de la sortie d'Egypte, "Et le peuple emporta sa pâte avant qu'elle ne lève…", d'où le souvenir de la libération.

4. Le Maror

L'auteur de La Haggada nous invite à poser la question suivante :

Ce Maror, nous devons en manger. Pour quelle raison ?

Il répond : Parce que les Egyptiens ont rendu la vie amère à nos pères en Egypte, comme il est dit : "Ils leur rendirent la vie amère par des travaux pénibles, avec du mortier, des briques et toutes sortes de travaux dans les champs. Ils étaient soumis à tous ces travaux avec rigueur".

Le Maror est donc consommé pour la raison suivante :

Parce que les Egyptiens ont rendu la vie amère à nos pères, comme cela est mentionné dans le verset.

Cette partie du Séder symbolise donc l'exil au cours duquel nos ancêtres devaient accomplir un travail d'esclave, non seulement pour Pharo, mais également pour les Egyptiens eux-mêmes.

Ces derniers les forçaient à travailler pour eux dans les champs et dans leurs maisons, après leur journée de travail.

Ils inventèrent sans cesse des nouvelles formes de cruauté pour les torturer.

On les livrait à des travaux forcés sans leur dire combien de temps cela allait durer, ce qui ajoutait une souffrance morale à la peine physique.

Le lieu de construction des deux villes Pythom et Ramsès que nos pères devaient construire, était situé sur des marécages où toutes les constructions s'effondraient ou s'enfonçaient dans la terre, si bien que sans cesse, ils devaient les reconstruire.

On donnait un travail de jour pendant la nuit et un travail de nuit pendant le jour. Bien entendu, on risquait de rudes coups si le rendement n'était pas suffisant. Aux femmes, on faisait faire un travail d'homme et aux hommes, on donnait un travail qui aurait mieux convenu à des femmes.

D'ailleurs, c'est à cette époque que naquit Myriam, la sœur de Moshé Rabbénou qui reçut ce nom en raison de la vie amère que nos pères subissaient alors.

Les Egyptiens trouvaient toujours de nouveaux moyens de leur rendre la vie insupportable :

Sous prétexte que les hommes perdraient trop de temps en regagnant leur maison en soirée, on les retenait dans les champs, loin de leur famille, pour qu'ils ne soient pas en retard le lendemain matin ou pour les exploiter, en cas de besoin.

Au départ, on leur fournissait les matériaux nécessaires à la fabrication des briques mais par la suite, Pharo les obligea à se procurer eux-mêmes les matières premières. "Je ne vous donnerai plus de paille, vous-mêmes, allez, fournissez-vous de paille où vous pourrez en trouver."

Ils durent alors se disperser dans toute l'Egypte pour trouver de la paille et s'acquitter de leur tâche.

En cette soirée de Pessa'h, nous devons consommer le Maror et en parler, pour ressentir intensément l'esclavage et la servitude, et être vraiment en mesure d'apprécier notre délivrance et notre bonheur.

5. Le vin

Il est obligatoire de boire quatre verres de vin le soir de Pessa'h durant le Séder.

Il n'est pas possible de les boire l'un à la suite de l'autre, mais à des moments bien précis du Séder.

Les 'Hakhamim [nos Sages] nous ont "imposé" la consommation de ces quatre verres pour proclamer ouvertement la délivrance morale et la liberté physique qui nous ont été accordées.

Ils ont fondé cette obligation sur quatre expressions se trouvant dans deux versets de la Torah (Chémot 6/6-7), décrivant les quatre étapes de la libération de nos ancêtres.

"Va dire aux Bné Israël : "Je suis Hachem, Je vous ferai sortir des souffrances de l'Egypte, Je vous délivrerai de leur servitude et Je vous rachèterai avec un bras étendu et de grands châtiments. Je vous adopterai pour peuple, Je deviendrai votre D.ieu…" (Chémot 6/6-7).

Il y a encore d'autres raisons, expliquant cette Mitsva très importante :

A. Nos Sages mettent en relief les quatre fois où il est fait mention de la coupe de Pharo dans le rêve interprété par Yossef. Ce rêve a non seulement marqué le début du processus de la délivrance d'Egypte mais lorsque Yossef entendit parler de vigne et de verres de vin, il comprit que les Bné Israël allaient être délivrés.

B. Dans la bénédiction récitée avant la consommation du second verre de vin, l'auteur de la Haggada énumère cinq sortes de libération : le passage de la servitude à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil à la réjouissance, des ténèbres à une grande lumière, et de l'esclavage à la rédemption. Pour chacune de ces étapes nous remercions Hachem en buvant un verre de vin nous apportant une dose de joie supplémentaire. Le cinquième verre est versé mais n'est pas consommé car nous attendons encore la délivrance finale.

C. Les quatre personnes suivantes doivent plus particulièrement témoigner de leur reconnaissance envers le Créateur étant donnée les grandes faveurs dont ils ont bénéficié : 1. Celui qui a été gravement malade, 2.  celui qui est sorti de prison, 3. celui qui a traversé la mer ou 4. le désert. Nos ancêtres, lors de la libération d'Egypte, étaient donc astreints à un quadruple témoignage de reconnaissance car ils bénéficièrent de ces quatre formes de libération. Nous aussi, aujourd'hui, bénéficiant de ces bienfaits, nous faisons preuve de reconnaissance envers Hachem et nous marquons notre joie en buvant ces quatre verres de vin.

D. "Les Bné Israël gémirent au sein de l'esclavage et se lamentèrent. Leur plainte monta vers le Créateur du sein de l'esclavage. Il entendit leur supplication, et Il se souvint  de Son alliance avec Avraham, Its'hak et Ya'acov Il vit les enfants d'Israël et Il connut leur souffrance" (Chémot 2/23-25). Dans ces versets, les quatre verbes employés [en gras], représentent quatre formes d'affection qui vont en s'intensifiant. Le verbe entendre signifie que l'imploration des Bné Israël a été perçue par Hachem et que le mur qui séparait la créature de Son Créateur est tombé. "Se souvenir" est un degré plus élevé car Hachem conserve le souvenir des mérites de nos ancêtres. "Voir" implique que leur détresse était manifeste aux yeux du Créateur.  Il éprouvait pleinement les douleurs de Ses enfants. Le verbe connaître, ici, fait allusion à tous les maux et à toutes les amertumes qui ne se manifestent pas ouvertement [souffrances et afflictions morales]. Pour chacun de ces témoignages d'affection nous Le louons, en soulevant un verre de vin que nous buvons en Son honneur.

E. Dans le Talmud Yéroushalmi, nos Sages affirment qu'à l'époque de la délivrance finale, Hachem fera boire à nos ennemis quatre verres empoisonnés, mais aux Bné Israël ce sont quatre verres de réconfort et de consolation qui seront offerts. En signe de reconnaissance pour cela, et pour accentuer notre joie, nous buvons quatre verres de vin.

Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.

Qu’Hachem vous protège et vous bénisse.

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