A l’issue de Ticha' Béav, et durant sept semaines, nos Sages ont institué la lecture des Haftarot de consolation (« Chiva' Déné'hémata »).
Rappelons tout d’abord l’importance du chiffre sept dans notre tradition qui désigne bien souvent l’irruption du spirituel dans le naturel (le Chabbath, le repos de la terre, le jubilé) et notamment le 7ème millénaire qui sera, avec l’aide d’Hachem, celui de la délivrance finale. En outre, ce chiffre est plus que le double des trois Haftarot de catastrophe que nous avons lues durant les 3 semaines, comme si nous souhaitions noyer la catastrophe sous les promesses de consolation.
Ces sept Haftarot sont toutes issues de la deuxième partie du livre d’Isaïe qui contient de merveilleux chapitres porteurs d’espoir et relatifs à la délivrance future.
Liens entre la Haftara et la Paracha
Outre la thématique relative à la consolation recherchée par nos Sages en choisissant ce texte, des liens peuvent être identifiés avec la Paracha Vaét'hanan.
Tout d’abord, dans les deux textes, il est question de l’entrée dans la terre d’Israël ; de même, nos textes abordent l’absence de possibilité de représenter D.ieu, et l’interdiction de sculpter des images. La Paracha rappelle à cet égard que les Bné Israël n’ont vu aucune image de D.ieu lors du don de la Torah.
Enfin, la Paracha contient les premiers versets du Chéma', et notre Haftara y fait une allusion dans les premières lettres du verset bien connu « Séou Marom ‘Enékhèm » « Levez les yeux vers le Ciel » qui forment le mot « Chéma’ ».
L’écho de la Haftara
Notre texte contient de merveilleux versets de consolation à l'égard du peuple Juif et nous rappelle l’engagement absolu de D.ieu d’apporter la délivrance à Son peuple. C’est sur cette promesse que se fonde toute l’espérance messianique du peuple juif qui lui a donné tant de force à travers l’histoire et lui a permis de surmonter les périodes sombres et tragiques.
Ce qui est vrai à l’échelle collective, l’est également à l’échelle individuelle. En effet, face aux difficultés de la vie, les hommes trouvent bien souvent des ressources insoupçonnées pour surmonter leurs difficultés, s’accrocher à la vie et tendre vers des lendemains porteurs d’espoir et de reconstruction. Cette faculté merveilleuse, que nos contemporains désignent parfois sous le terme de « résilience », dépasse la raison, elle fait appel à une forme d’intuition, d’instinct, qui oblige l’homme à voir au-delà du chaos présent et mettre tout son espoir dans les promesses du futur.
Cette confiance dans l’avenir que l’homme porte en lui est probablement le premier niveau de l’espérance messianique qui anime le peuple Juif, et est rappelé avec force par le prophète Isaïe dans notre texte.
Parmi les évènements qui marqueront la venue de la délivrance finale, Isaïe nous indique notamment que les hommes assisteront à une réévaluation des mérites individuels. Les masques tomberont, et les faux-semblants, les valeurs inversées qui prévalent parmi les nations, laisseront place aux valeurs authentiques promues par les Sages de la Torah.
Notre texte y fait allusion de manière métaphorique dans les versets suivants : « Une voix proclame […] : Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et colline s’abaissent ». (Isaïe 40, 4)
Nos Sages y voient un enseignement éthique. Ceux qui aujourd’hui se considèrent haut comme des montagnes, ceux qui sont valorisés ou occupent des responsabilités prestigieuses dans un système de valeurs inversées seront rabaissés à leur juste mesure.
Et inversement, ceux qui aujourd’hui sont les plus humbles, sont ignorés, en dépit de leurs grandes vertus morales, seront alors rehaussés, et obtiendront la reconnaissance qui leur sied.
Il en va probablement de même des actes modestes du quotidien mais ô combien vertueux qui sont accomplis dans le secret des foyers, dans l’intimité des relations parents-enfants, et parfois dans le plus total anonymat. Tous ces actes héroïques qui sont ignorés du grand public, qui ne font pas la une des journaux, et ne valent aucune légion d’honneur à ceux qui les accomplissent brilleront alors de tout leur éclat et auréoleront d’une sainte lumière leurs auteurs.
Rappelons-nous à cet égard, de quelle manière le prophète Eliahou a perçu la présence Divine lorsqu’il lui a été donné ce privilège. Il l’a perçue non dans la tempête, non dans le feu, non dans le vacarme, mais dans un doux et subtile murmure (Haftara Pin'has, Rois 19, 11-13). Ce doux et subtil murmure est l’hymne qui accompagne tous les héros du quotidien qui n’ont d’autre ambition que de faire le bien et d’accomplir la volonté de leur Créateur dans la discrétion.