La Paracha de cette semaine vient clore le livre de Béréchit, qui nous a conté l’histoire des Patriarches et la genèse de notre peuple. En suivant nos ancêtres, Paracha après Paracha, nous avons pu apprendre les grandes vertus qu’ils incarnaient, et qu’il nous appartient d’endosser également avec la même ardeur et avec l’ambition de se hisser à leurs niveaux. En effet, comme le disent nos Sages, chacun doit se dire chaque jour « Quand vais-je parvenir à égaler le niveau des Patriarches ? ». Telle doit être l’ambition de chaque Juif.
Au-delà de cet exemple, l’homme est appelé à se fixer durant sa vie sur terre de nombreux objectifs et, notamment, l’ambition de réussir la mission spirituelle qui lui a été confiée par l’Eternel en lui donnant la vie sur terre. La réussite de cette mission suppose parfois de gros efforts afin de s’arracher à notre nature d’origine et permettre à notre Néchama, notre âme, de se déployer et donner toute la mesure de ses potentialités.
Aussi, ce travail exige une grande détermination car nombreux sont les obstacles qui se dressent sur la route de celui qui veut changer. L’homme a tendance à l’inertie, il préfère bien souvent le confort acquis de l’état présent, fût-il médiocre, plutôt que l’aventure hypothétique du changement et du progrès. Le Yétser Hara’ (le mauvais penchant, la tendance à l’inertie et à l’absence d’efforts) l’encourage en ce sens et lui sert une longue liste d’arguments de nature à le décourager ou le dispenser de certaines objectifs auquel il pourrait aspirer.
Pourtant, lorsque l’homme est suffisamment déterminé à s’engager dans une voie, il réalise combien ses efforts paient et sont couronnés de succès. Il réalise à quel point il était capable de changer, à quel point sa détermination a été récompensée, parfois même au-delà de ses espérances.
La vertu qui permet d’atteindre de tels objectifs se nomme le « Ratson ». Ce terme peut être traduit de différentes manières (volonté, « bonne volonté », bienveillance, grâce, agrément) mais nous nous en tiendrons ici au sens simple de « volonté » ou « détermination ».
Nos Sages nous enseignent notamment dans le Zohar que « Toutes les choses du monde ne dépendent que de la volonté », ce qui correspond à la fameuse expression « Ein Davar Ha’omèd Lifné Haratson » « Rien ne résiste à la volonté ». Armé de sa volonté et de sa détermination, l’homme peut réaliser des exploits inouïs, il peut « forcer » le réel à réaliser sa volonté. Grâce à ses efforts et à son travail, l’homme peut aussi apprendre à se connaître lui-même, à dévoiler des compétences et un potentiel qu’il ignorait.
Cette meilleure connaissance de lui-même créer un cercle vertueux dans lequel l’homme peut encore grandir conscient des prochaines marches qu’il pourra franchir.
Voilà pourquoi, dans tout projet, aussi bien matériel que spirituel, l’homme doit consacrer du temps et de l’énergie à renforcer… « sa volonté » comme le suggère le Rav Wolbe. Il s’agit de la première étape fondamentale qui conditionne le succès de toute réussite ultérieure.
Comment y parvenir ? Tout d’abord en prenant son objectif à cœur, en y investissant son désir et sa prière. Toute réussite authentique, c’est-à-dire qui ne laisse pas un goût amer a posteriori en raison des difficultés ou des sacrifices qu’elle a engendrées, suppose l’agrément préalable de D.ieu et Sa bénédiction. Seule la prière, ou le dialogue avec Hachem permettent d’obtenir l’aide indispensable de la providence divine afin de réussir.
Il faut ensuite mobiliser ses forces, ses compétences, sa réflexion, son travail. Il convient ainsi de concentrer son énergie sur un objectif précis et fuir la dispersion. Plus les efforts sont accomplis en direction d’un objectif clair et précis, plus on maximise les chances de réussite. Nous pouvons prendre ainsi l’image d’un laser qui concentre toute son énergie vers un point précis. De même, l’homme est invité à concentrer son action sur un périmètre précis afin d’être le plus efficace possible.
Enfin, il faut parfois « forcer » sa nature, et créer un contexte matériel contraignant qui nous aide à renforcer notre volonté. Par exemple, celui qui souhaite progresser dans la ponctualité dans la téfila peut ainsi prendre la responsabilité d’ouvrir la synagogue le matin. De même, nos Sages ont prévu le principe des vœux, des serments qui imposent à l’homme de nouvelles obligations impératives qui ont force de loi. Dans des cas extrêmes (car ce n’est pas recommandé par nos Sages), celui qui connaît sa faiblesse dans un domaine particulier, peut formuler un vœu qui lui créera une contrainte de nature à l’aider à parvenir à son objectif (ne plus fumer, limiter sa consommation d’alcool…).
Un passage de notre Paracha illustre ce principe. Ya’acov demande à Yossef au début de notre texte de jurer qu’il ne l’enterrera pas en Egypte. Pourquoi l’obliger à jurer ? Yossef a suffisamment démontré son respect et son amour pour son père depuis son jeune âge. Aussi, un simple engagement de sa part aurait dû suffire.
Le Ramban explique que Ya’acov ne craignait pas que son fils se dérobe à la volonté de son père, mais il craignait que ses responsabilités ou des circonstances extraordinaires se dressent devant lui et lui rendent impossible le respect de son engagement. Il aurait pu se dire « A l’impossible, nul n’est tenu ! ». Aussi, Ya’acov souhaite se prémunir lui-même ainsi que son fils de cet écueil. Voilà pourquoi il demande à Yossef de jurer, afin de créer un contexte où il lui est impossible de ne pas respecter son engagement.
L’homme a parfois tendance à confondre « impossible » et « difficile ». Les Sages du Talmud (Temoura 3b) autorisent ainsi un homme à faire le vœu d’accomplir une Mitsva afin précisément de se créer une forte stimulation à l’accomplir et ne pas s’en exempter au motif qu’elle serait « trop difficile » ou « impossible ». (R. A. Twersky)
D.ieu ne nous demande pas l’impossible. Il connaît les ressources des êtres humains et Il sait précisément ce que nous pouvons faire ou ne pas faire. Là où notre esprit, ou l’inertie inhérente à la nature humaine, nous poussent à la démission, l’Eternel nous encourage à travailler sur notre volonté, la renforcer afin de dévoiler qui nous sommes « vraiment ».
Puisse l’Eternel nous aider dans cette voie et nous permettre de révéler les merveilleux trésors enfouis en nous !