Lorsque la seconde guerre mondiale éclata, la yéchiva de Phinsk déménagea à Vilna, dans le but de fuir les nazis imac"h.
Le rav Chmouël Wintrob (qui dirigeait alors la yéchiva) alla un jour prier dans la grande synagogue de Vilna. Par modestie, il essaya de passer inaperçu et s’installa sur un siège, vers l’arrière de la synagogue. Le rav ressentit une facilité particulière à se concentrer et à prier de tout cœur. Ce moment de proximité avec Hachem fut si intense, que le rav s’en souvint lors de toutes ses prières.
Quelques années après la fin de la guerre, le rav rencontra l’un des anciens habitants de Vilna. Immédiatement, il lui raconta qu’il avait mérité de prier intensément dans la grande synagogue, plus que toutes les autres prières de sa vie.
L’habitant de Vilna lui demanda s’il avait occupé une certaine place vers l’arrière de la synagogue. Le rav lui répondit par l’affirmative, et lui demanda à son tour comment il avait deviné. L’interlocuteur répondit que selon les anciens de Vilna, le Gaone avait l’habitude d’occuper cette place.
En effet, les mitsvot et les fautes influencent l’espace matériel où ils sont faits et laissent un impact (positif ou négatif). Cette empreinte spirituelle peut alors aider ceux qui veulent bien ou mal se comporter.
Le ‘Hazone ich marchait une fois dans la rue lorsqu’il désigna un lampadaire et dit : « Il y a deux personnes qui ont discuté de thora près d’ici. La kédoucha qui s’y trouve est presque palpable ! »
Ce concept se retrouve dans le Or ha’haïm de notre paracha. Le rav nous enseigne qu’Avraham avinou déplaçait le mizbéa’h (l’autel) qu’il utilisait, à chaque endroit où il allait.
A priori, cette conduite paraît étrange. Pourquoi perdre ses forces et son temps pour déplacer ces lourdes pierres ? Avraham aurait pu construire un nouveau mizbéa’h à chaque endroit ! Les pierres ne manquaient pas !
Le Mayane hachavou’a explique qu’Avraham avinou voulait garder la kédoucha qui se trouvait dans les pierres. Tout ce labeur en valait la peine…
C’est un grand mérite de se trouver dans un endroit où la kédoucha réside. D’ailleurs, lorsque quelqu’un ne peut pas prier avec minyane, il lui est conseillé d’essayer au moins de prier à la synagogue. Et même lorsqu’il est forcé de prier à la maison, l’idéal est qu’il se fixe un endroit précis pour sa prière… Car là où il y a déjà des mitsvot, il y a des facilités pour en faire encore d’autres, et ce, avec plus d’intensité !
Après la chute du mur de Berlin, le rav Moché Soloveïtchik zatsal envoya quelques rabbanim en Russie afin d’y ouvrir une yéchiva. Les communistes avaient interdit l’étude et la pratique des mitsvot, mais n’avaient pas réussi à éteindre la flamme qui animait de nombreux juifs. Même ceux qui avaient connu le régime staliniste depuis leur naissance étaient assoiffés de connaître leur judaïsme. C’est ainsi que la yéchiva se développa et transmit la thora à tous ceux qui le désiraient.
Les dirigeants s’aperçurent qu’un des étudiants ne comprenaient rien de ce qui y était enseigné. Les nombreux efforts qui avaient été déployés pour l’aider n’avaient servi à rien, et ce jeune homme ne savait toujours pas lire, ne comprenaient pas les cours, etc.
Un jour, ils décidèrent de lui parler. Tu sais, lui dirent-ils, nous avons pensé qu’il est dommage que tu restes ici alors que tu as des difficultés à comprendre. Peut-être que tu peux aller travailler, et venir de temps en temps pour les cours les plus faciles. (Bien entendu, ils ne s’exprimèrent pas aussi froidement !)
Dès que l’étudiant compris que sa place à la yéchiva était remise en question, il éclata en sanglot. Les rabbanim furent navrés de voir son chagrin et ne surent comment réagir. Finalement, le jeune homme réussit à s’exprimer :
« Il y a quelques années, je me trouvais un jour dans un restaurant pour déjeuner. Soudain, trois voitures du KGB arrivèrent, et tous les clients furent arrêtés. Je ne savais pas ce que l’on voulait de moi ! On me demanda la raison pour laquelle je me trouvais dans ce restaurant et je répondis que je voulais seulement y déjeuner. Personne ne voulut me croire, et je subis des tortures et des supplices pour avouer une faute que je n’avais pas commise. Plus que cela, je ne savais même pas ce qu’ils voulaient que j’avoue !
J’ai passé plusieurs mois dans les prisons du KGB sans connaître mon tord. Finalement, sans aucun préavis, je fus libéré.
Je tenais à savoir la raison de mon arrestation et je ne la découvris que deux ans plus tard : Deux personnes avaient parlé contre le régime dans le restaurant où je déjeunais. Pour le KGB, j’avais commis un crime suffisant : je m’étais trouvé en compagnie de deux "opposants". »
Le jeune étudiant s’arrêta quelques instants, regarda les dirigeants de la yéchiva (qui se demandaient pourquoi il leur racontait maintenant cette histoire) et continua :
Lorsque viendra le jour où Hachem récompensera les tsadikim, je voudrais moi aussi me trouver avec eux. Mais à l’entrée du paradis se trouvera certainement un ange qui me refusera l’entrée sous prétexte que je n’ai pas étudié la thora au cours de ma vie. Alors je lui dirai : « J’ai passé des mois d’internement et de tortures dans les prisons du KGB pour la seule raison que j’étais en compagnie de deux opposants. Alors je vous prie de prendre en compte que j’ai aussi passé beaucoup de temps dans les maisons d’étude, en compagnie de tsadikim. Laissez-moi rentrer dans le paradis pour profiter avec eux ! »
Bien entendu, plus personne ne pensa à renvoyer cet élève de la yéchiva… (Nitsotsot)
Alors nous aussi ! Même lorsque nous sommes fatigués, allons aux cours de thora et essayons d’ouvrir des livres de thora. La simple présence dans de tels endroits apporte la kédoucha et nous aide à ne pas fauter ! En multipliant les mitsvot, chez nous, à l’école, au travail et dans tout endroit, nous sanctifions ces endroits, et avant tout, notre néchama.