Chacun d’entre nous a le libre arbitre. D.ieu ne nous oblige pas à accepter les commandements, et si une personne décide de ne pas les suivre, Hachem ne l’empêchera pas de le faire. Le choix est le nôtre !

C’est ce que Moché Rabbénou exprime dans notre Paracha : "Voyez, je vous propose en ce jour, d'une part, la bénédiction, la malédiction de l'autre.”[1]On peut se demander, à juste titre, pourquoi Hachem nous a-t-Il donné la possibilité de fauter ? Après tout, Hachem a créé le monde et l’homme, Il aurait pu faire en sorte que nous choisissions toujours le droit chemin, n’est-ce pas ?
Parce que si l'homme était tel un ange ou tel un robot, faisant naturellement et spontanément la volonté de D.ieu, ses bonnes actions apporteraient-elles satisfaction à Hachem ? Et surtout, pourrait-il revendiquer le mérite de ses efforts ? C'est précisément lorsque l'homme a une alternative, quand il vit dans un monde où la Divinité n'est pas explicitement apparente et qu'il a des désirs personnels qui contredisent les principes de la Torah, que son choix d’aller dans le droit chemin est vraiment digne de louanges. Pour que l'homme puisse se connecter à Hachem, il doit déployer de puissantes énergies spirituelles, et cet acte est un accomplissement qui apporte la satisfaction, à la fois à l'homme et aussi à D.ieu.

Il y a une autre façon plus subtile et plus profonde de comprendre la notion de libre arbitre. Pourquoi Moché commence-t-il par le mot “Vois” ? La Torah n’a pas l’habitude d’employer des termes poétiques ! Et d’ailleurs, même au sens littéral, Rachi ne dit à aucun moment qu’il leur a montré quelque chose !

L’une des réponses que l’on peut proposer à cette question est que la façon dont nous regardons notre vie est précisément ce qui déterminera si celle-ci sera bénie ou non. Comment regardons-nous les autres ? Comment nous regardons-nous, nous-mêmes ? Comment considérons-nous la réussite de notre ami ou voisin ? Sommes-nous capables de nous réjouir pour lui ou bien n’arrivons-nous pas à nous empêcher de l’envier ?

Comment jugeons-nous nos propres défauts et ceux des autres ? “Elle est têtue, moi c’est différent, je suis déterminée !”, “Elle est radine ! Moi en revanche, je fais attention aux dépenses”, “C’est une asociale, moi je suis plutôt réservée”, etc.

Comment jugeons-nous les événements qui nous arrivent ? “Quelle poisse, quel manque de chance, je suis vraiment idiote !”, ou bien : “C’est dommage de m’être retrouvée dans cette situation malencontreuse, mais tout est pour le bien, maintenant, quelle leçon puis-je en tirer pour l’avenir ? Comment vais-je grandir grâce à cette expérience ?”

En d’autres termes, la manière dont nous regardons le monde et ceux qui nous entourent a un impact déterminant sur notre sérénité et notre bonheur. En fait, c’est aussi une seconde façon d’employer notre libre arbitre. Il ne s’agit pas seulement dans la vie de choisir le Bien ou le Mal, mais de choisir comment vivre sa propre vie ! Allons-nous choisir de porter un regard positif ou négatif ? De nouveau, le choix est le nôtre ! Ainsi, l’emploi du verbe « voir » est tout à fait justifié de la part de Moché : la manière dont nous verrons la vie détermine si notre vie sera 'Hass Véchalom maudite ou bien bénie.

Il est vrai que l’on se doit d’être circonspect. La Torah elle-même nous demande de faire preuve de discernement et c’est pourquoi Hachem nous a donné deux yeux. Les maîtres de la ‘Hassidout nous expliquent pourquoi nous avons deux yeux : un pour regarder la vie de façon positive et un autre pour constater les manques, afin de progresser. À nous de nous concentrer autant que possible sur celui qui voit positivement et de n’utiliser le second que pour progresser et améliorer les choses. D’ailleurs, il est connu que Bil’am, l’ennemi spirituel du peuple juif, était borgne[2]. Et, manque de chance, il n’avait que le deuxième œil : le mauvais oeil[3], celui qui voit le mal ! Le Juif, au contraire, doit essayer au maximum d’utiliser son œil positif.

L'emblème de celui qui sait regarder les Juifs d’un regard positif est le Rav Lévi Its’hak de Berditchev, le “défenseur d'Israël”, qui avait le don de toujours considérer son prochain avec un regard plein de compassion, de compréhension et de bienveillance.

Un jour, il rencontra un homme qui mangeait le jour de Yom Kippour. Le Rabbi suggéra que peut-être il se sentait mal ? Mais le garçon assura qu’il ne s’était jamais senti aussi bien ! Peut-être avait-il oublié que ce jour était le saint jour de jeûne de Yom Kippour ? “Qui ne sait pas que c’est Yom Kippour aujourd’hui ?”, répondit le jeune homme. Peut-être ignorait-il qu’en ce jour les Juifs ne mangent pas ? “Chaque enfant, dès son plus jeune âge, sait bien que Yom Kippour est un jour de jeûne, Rabbi !”

Alors, Rabbi Lévi Its’hak leva les yeux vers le ciel et s’exclama : “Maître de l’univers, regarde comme Ton peuple est merveilleux ! Voilà un Juif qui est très méticuleux dans la Mitsva de dire la vérité !!!”

La plus grande leçon concernant le regard positif, c’est par rapport à nous-mêmes. La pire des choses est de se culpabiliser en se disant : “Je suis trop nulle” ou bien : “Après toutes les fautes que j’ai faites, comment puis-je essayer de m’améliorer ?” C’est d’ailleurs ce qui a entraîné la perte de Caïn. Il n’a pas su se relever à cause de sa trop grande culpabilité (“Mon crime est trop grand pour être supporté”[4]) et il a raté sa vie à cause de cela[5]. Il est fondamental de porter un regard positif sur soi-même !

Et savez-vous quoi ? Même D.ieu le fait avec nous. En effet, il est écrit dans Chir Hachirim : “Tu (le peuple juif) M’as séduit avec un de tes yeux”[6]. Nos Sages expliquent que ce verset est une allusion au veau d’or : afin de renouer notre alliance, D.ieu également s’est “concentré” sur Son bon œil. De même avec nous, dans Sa bonté infinie, Il nous aime et s'évertue en permanence à ignorer nos fautes et nos manques. À nous aussi de nous concentrer sur le positif qui est en nous et de le bonifier !

C’est la raison pour laquelle la Paracha de Réé est toujours en préambule au mois d'Eloul : soit le Chabbath qui précède et bénit le mois d'Elloul, soit le Chabbath Roch ‘Hodech Eloul. Eloul est considéré comme le mois du bilan avant de commencer une nouvelle année sur de bonnes bases. La meilleure façon de faire notre bilan est d’abord de regarder nos forces afin de réaliser comment nous pouvons avoir un impact sur le monde, sur notre entourage et sur nous-mêmes, et seulement après de porter un regard plus circonspect sur les choses à améliorer. C’est dans ce sens que nous trouverons la motivation de devenir encore meilleures. Voici une belle utilisation de notre libre arbitre : toujours ouvrir le bon œil pour choisir le droit chemin, voir la vie positivement, et nous voir nous-mêmes de façon positive, afin de continuer toujours dans le droit chemin !

 

Inspiré des Si’hot du Rabbi de Loubavitch : Keeping in touch Réé vol.1 et Si’hat Parachat Réé 5743


[1] Dévarim (11, 26)

[2] Bamidbar (24, 3)

[3] Pirké Avot (5, 22)

[4] Béréchit (4, 13)

[5] Il a vécu une vie d’errance.

[6] Chir Hachirim (4, 9)