“Combien de fois t'ai-je dit de ne pas jeter tes vêtements par terre ?”, “Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi désordonné!”, “Tu passes ta vie chez ta mère au lieu de venir m'aider avec les enfants !”. Sommes-nous conscients de l'impact destructeur qu’ont ces phrases si facilement prononcées ? Ces flèches arrivent directement à l'endroit le plus précieux de notre être : l'image de soi. Cette image qui se construit depuis l'enfance, sera à la base de toutes nos réussites et dans tous les domaines. Poser un regard positif sur soi-même dépend du regard que l'autre aura posé sur nous. Est-ce que cela veut dire qu'il est interdit de réprimander ? Et surtout, est-il possible de ne jamais réprimander ?
La Torah nous enseigne pourtant qu’il y a un commandement positif de réprimander son prochain, comme il est écrit: “Ne hais point ton frère en ton cœur, reprends ton prochain, et tu n'assumeras pas de péché à cause de lui” (Parachat Kédochim 19,17).
Rabbi Elazar ben 'Azaria disait : ”Je me demande s'il y a dans cette génération quelqu'un qui sait réprimander !?”
Quelqu'un qui sait réprimander?
Dans cette phrase, ce géant de la Torah nous révèle le secret de la critique constructive. Dans le mot “Bikoret” (critique) se cachent trois mots :
1- “Kir” (mur) : en critiquant, on construit un mur entre nous et la personne concernée.
2- “Kar” (froid) : la critique refroidit l'atmosphère, refroidit la relation.
3- “Kever” (tombe) : la critique enterre les forces du critiqué.
Autrement dit, l'essence de la critique est négative, contrairement à l'encouragement qui, lui, renforce, propulse, réchauffe et motive à s'améliorer.
Mais, comme nous l'avons vu plus haut, notre sainte Torah donne place à la réprimande quand elle est bien utilisée.
Rachi nous enseigne qu'il faudra faire très attention à ne pas rabaisser ou faire honte en réprimandant.
Si nous voulons que nos paroles soient effectives, il faudra restreindre la critique au minimum (90 % des interactions entre mari et femme ou entre parents et enfants doivent être positives) et l'utiliser pour les sujets d'importance majeure.
Il faut savoir qu'il est très difficile pour l'homme d'accepter les remarques, bien que celles-ci aient pour objectif de nous aider à changer ! (une personne intelligente s’efforcera de les accepter puisqu’elles constituent le moyen de grandir). Et cela pour plusieurs raisons :
1- Chacun de nous a besoin de sentir qu'il a de la valeur, qu’il est apprécié, comme le dit le Rambam : "le besoin le plus fort de l'homme est de se sentir apprécié !"
2- La critique fait passer un message clair : ”tu dois changer !” Est-il facile de changer ses habitudes, ses traits de caractère ? Nous avons tous tendance à vouloir rester dans notre zone de confort. La peur de l'inconnu nous bloque, nous empêche de modifier notre comportement. Le Gaon de Vilna disait qu'il est plus facile d'étudier tout le Talmud que de changer une seule Midda (trait de caractère).
3- Souvent, la personne qui émet la réprimande est elle-même touchée par le même défaut. Ça ressemble à une maman qui, en criant, dit à son enfant : ”Pourquoi tu cries comme ça ? Je t'ai dit 100 fois de parler calmement !”
4- La réprimande doit être formulée avec beaucoup de délicatesse et d'intelligence, accompagnée de pures intentions, et malheureusement, c'est souvent le contraire. Si de la haine ou un défoulement de colère sont ressentis, elle n’engendrera aucun changement. Non seulement elle sera rejetée, mais en plus, elle nourrira une mauvaise relation et sera à la base d’un éloignement.
Quelques précieux conseils :
Arrêtez-vous avant de faire un reproche, essayez de vous analyser. Quels sont vos sentiments ? De la haine, de la colère ? Parler sous l'effet de ses émotions n'est pas conseillé. Le roi Salomon, le plus intelligent de tous les êtres, nous a enseigné que le cœur de l'autre ressent ce qu'on a dans notre cœur !
1- La condition essentielle pour que la réprimande soit acceptée est qu'elle soit faite avec amour. Oui, avec amour. L’amour guérit les plaies les plus profondes. Emballer la réprimande de positif, de la même manière qu'on emballe un cadeau de papier cadeau, aidera l'autre à ”avaler la pilule”.
“Tu sais combien je t'apprécie, ton sérieux, ton dévouement sont rares… Je voulais juste te faire part de ma peine en ce qui concerne les événements d'hier, je me suis sentie vraiment bafouée quand…, malgré ma déception, je suis sûre que tu n'étais pas consciente du mal que…”
2- Jamais en public ! Même pas devant les enfants !
Humilier l’autre constitue une grave faute. En effet, tout celui qui fait honte à son prochain en public n'a pas de place dans le monde futur, nous dit la Torah !
3- Ne culpabilisez pas la personne ! Toute personne qui se sent attaquée voudra automatiquement se protéger. Incluez-vous dans la réprimande !
Au lieu de dire : “tu ne passes pas suffisamment de temps avec les enfants !”, on dira : “j'ai remarqué que nous ne sommes pas assez présents pour les enfants !”
4- Faites attention de ne pas coller d'étiquettes !
“Tu es radin”, “Quel fainéant !”, “Tu fais toujours la tête”,!
Cela décourage et empêche de changer. Parlez du comportement négatif mais pas de la personne elle-même.
Au lieu de dire : ”tu es méchant, pourquoi tu frappes ta sœur ?”, on dira : ”Ce n’est pas bien de frapper”.
5- Ne comparez pas !
”Quel est le riche ? Celui qui se suffit de ce qu'il a.” (Maximes des pères). Combien de couples, combien d'enfants ont été brisés par les comparaisons ! Accepter l'autre, tel qu'il est, est l'axiome de base pour réussir, que ce soit dans le couple ou dans l'éducation.
Concentrez-vous sur vous-même. Changez ! Parlez correctement ! Donnez sans compter ! Votre exemple personnel impactera bien plus que vos critiques !
Chabbath Chalom à toutes !