Sur le site de Torah-Box, chaque semaine plusieurs Rabbanim donnent une vision torahique d’un événement d’actualité, et il arrive que certains internautes s’en étonnent : « Comment un “rabbin” peut-il s’exprimer dans un domaine extérieur à la religion ? C’est comme si un médecin donnait son avis sur un problème de finance, ou le contraire, un banquier sur une question médicale ! » En d’autres termes, le “métier” de rabbin devrait se limiter à son domaine, qui est celui de la synagogue. D’après ces personnes, la Torah, en tout bien tout honneur, peut s’occuper des différentes obligations religieuses du Juif et nous raconter l’histoire de nos ancêtres, elle est invitée à intervenir dans certains événements importants de la vie comme la circoncision, la Bar-Mitsva, le mariage ou un enterrement, via la présence d’un rabbin. Mais de là à donner une opinion sur des sujets importants comme les problèmes de société et de sécurité, l’antisémitisme, la santé, la politique et autres, laissons cela à des personnes qui, de par leurs “aptitudes”, leurs diplômes et leur vaste bagage de connaissance générale, sont habilitées à cet exercice.
Suite à ce genre de réflexions, il nous a semblé important de réagir à cette vision réductrice du judaïsme, qui prend sa source dans une méconnaissance basique de l’ampleur de la Torah, écrite comme orale.
1. Nos dirigeants spirituels, les représentants de la Torah sur cette terre, ne se sont pas contentés tout au long de l’histoire d’enseigner les textes saints, mais ils se sont souciés de répondre à tous les besoins de la communauté, de tout ordre. Ils étaient aussi bien l’homme de la foi qui transmet la Parole de D.ieu, mais aussi le père, le chef, le stratège militaire et le dirigeant politique. Dans la Bible, les exemples fusent avec nos Patriarches, nos rois, nos prophètes et nos Sages… Ils excellent dans tous les domaines, révolutionnent leur société et sont des visionnaires pour leurs contemporains.
Plus tard dans l’histoire, à l’époque de la destruction du second Temple, on trouvera des Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï et Rabbi 'Akiva, qui seront les conduits de la transmission orale et les porte-parole du judaïsme auprès des puissants de leur époque ; puis, jalonnant l’histoire, Maïmonide, Abravanel, le ‘Hida, le Gaon de Vilna ou le ‘Hazon Ich. (À titre d’exemple, ce dernier qui, après la guerre, reposera les fondations de l’étude de la Torah comme priorité absolue, saura donner un conseil à des médecins - époustouflés devant ses connaissances médicales - pour réussir une intervention chirurgicale cérébrale délicate.) Dans cette liste non exhaustive se trouvent des Sages qui avaient des connaissances prodigieuses dans toutes les sciences universelles, des conseillers de roi, ministres du trésor et des géants de la Sagesse, reconnus par le monde entier.
Dans notre génération, nous avons connu de très grands Sages auprès desquels des dirigeants (juifs ou pas) prenaient conseil, comme le Rav 'Ovadia Yossef, le Rav Steinman ou le Rabbi de Loubavitch.
Nous voyons bien qu’il est impossible de confiner nos Sages et nos Maîtres au domaine du ”religieux”. Leurs compétences s’étendent bien au delà, sur tous les domaines de la vie, de la société et de l’histoire.
2. Tout événement qui se déroule dans le monde est voulu par notre Créateur et il est porteur d’un message à l’humanité. Rien ne peut se passer dans l’univers sans Sa volonté, et nous devons chercher à comprendre ce que D.ieu demande à l’homme. Si dans une époque lointaine, nous avions des prophètes qui traduisaient la parole de D.ieu à leurs contemporains, aujourd’hui, ce sont les Grands de notre génération qui, par leur vaste connaissance de la Torah, leur intégrité et le perfectionnement incessant de leur caractère, savent interpréter pour nous les évènements qui ont lieu et décoder le message divin aux hommes. Qui donc peut mieux que les “rabbins” interpréter au plus juste l’actualité ?
3. Plus que cela, on doit se rappeler que le peuple juif n’est pas un peuple comme les autres : il a été élu par D.ieu afin de faire connaître Sa Parole à l’humanité, et son destin est intimement lié à sa relation avec son Créateur. La Torah est explicite lorsqu’elle nous indique que la bénédiction, la paix, les pluies, l’abondance, la descendance (et à D.ieu ne plaise le contraire) ne dépendent que de nos actes et non pas d’hypothèses ou d’analyses géopolitiques. Le peuple juif n’est pas régi comme les autres ; son destin est mu par son niveau spirituel, et non pas par des causes à effet terrestres. C’est pourquoi il est primordial de s’adresser à nos Sages car c’est l’unique possibilité de comprendre les événements qui nous interpellent et de saisir les implications spirituelles qu’ils entraînent pour nous.
Plus on a fréquenté de grands Sages et étudié avec assiduité la Torah (et ainsi acquis un important bagage de la Tradition orale), se tenant au courant continuellement de l’avis des Guedolé Torah (les grands Maîtres de la génération), plus il nous sera possible de poser un regard torahique authentique sur des sujets d'actualité.
C’est toujours avec appréhension et la peur de trahir le message de nos Maîtres que nous prenons la plume pour écrire, et notre main tremble souvent. Mais nous sommes conscients que s’il existe une vérité à faire connaître, ne pas la livrer au public est aussi une très lourde responsabilité…