Une de mes rubriques préférées lorsque je tiens en main un journal “religieux” (comme le Yated Nééman israélien) est… la nécrologie (!). On y retrace la vie et les actions de personnes récemment décédées, en mettant en lumière ce qu’elles ont apporté à la société. Il peut s’agir de Rabbanim, tout comme de “simples” Juifs qui se sont démarqués dans des domaines particuliers, comme le ‘Hessed, l’enseignement, les responsabilités communautaires, leurs écrits ou bien leurs réalisations. Je puise de ces descriptions une source d’inspiration, souvent plus enrichissante encore que la lecture d’un livre de Moussar.
Mais à travers ces récits, émerge un point très important du judaïsme : l’expression personnelle. On pourrait penser qu’avec le joug des 613 Mitsvot que nous impose la Torah – et qui couvrent tous les aspects de l’existence d’un Juif –, on deviendrait des “robots” soumis et figés. L’apparence extérieure dans certains milieux pratiquants vient aussi renforcer cette impression d’annihilation de toute manifestation et entreprise personnelles. On pourrait alors se demander où et par quels moyens pourraient naître chez un Juif pratiquant, l’originalité, l’expression artistique, l’épanouissement, et tant d’autres notions que l’Occident érige en valeurs suprêmes. Dans toute société moderne, la jeunesse trouve un champ très large pour exprimer sa particularité, que ce soit dans les choix vestimentaires, le look, les loisirs, les arts, etc.
Mais en réalité, toutes ces expressions ont trait uniquement au domaine de l’apparence. Car en ce qui concerne l’intériorité, le moi profond, la société n’offre pas grand-chose. La preuve en est l’impact des médias, des réseaux sociaux, des idées préconçues, qui imposent leur moule à des dizaines de millions de jeunes. Ceux-ci croient trouver leur voie personnelle, sans se rendre compte qu’en réalité, celle-ci leur est subtilement imposée.
La Torah, en revanche, se préoccupe essentiellement du moi véritable de l’homme, de son âme, et lui indique le moyen de la nourrir. De la même façon que chaque être humain a un corps et un visage particuliers, il en est de même pour sa Néchama. Et en fait, les Mitsvot ne viennent pas étouffer l’expression personnelle, mais encadrer et diriger l’homme afin qu’il ne trébuche pas dans le vide matériel et existentiel de la vie. Au contraire, selon le Judaïsme, il est fondamental d’aspirer à trouver son chemin et à réaliser le but pour lequel on a été créé.
Le Rav Moché Boyer, grand conférencier et éducateur en Israël, nous a transmis dans une série de cours à paraître bientôt sur Torah-Box, que celui qui ne fait qu’imiter les autres, se rend quelque part “inutile”. Si D.ieu nous a créés, c’est que nous avons forcément un apport unique à exprimer. À nous de le rechercher, selon nos aptitudes et notre aspiration naturelles. La difficulté, évidemment, réside dans le fait de sortir de sa “zone de confort” qui, en réalité, n'est pas du tout confortable puisqu’elle ne nous correspond pas. Pour certains, il s’agira de faire ressortir des qualités enfouies ; pour d’autres, au contraire, il faudra apprendre à s'accepter tel que l’on est, sans chercher à accéder à des fonctions auxquelles on n'est pas destiné.
La meilleure illustration de cette idée réside dans le fait que le peuple hébreu commence son histoire avec les 12 fils de notre patriarche Ya’akov, qui vont former 12 tribus, installées en terre sainte selon un partage bien défini. En cela, la Torah cherche ainsi à nous indiquer qu’il existe bien différents chemins pour servir D.ieu, et qu’il incombe à chacun d’entre nous de tracer le sien !