En Israël, on marque chaque année à cette période - la semaine qui suit Pessa’h - le souvenir des 6 millions de Juifs assassinés lors de la Shoa (Yom Hashoa), ainsi que celui des soldats tombés pendant les nombreuses guerres que le pays a connues depuis sa création (Yom Hazikaron).
Il y a un point commun entre ces deux commémorations - qui ont lieu à quelques jours près : la Shoa, tout comme les guerres d’Israël, sont les événements qui ont engendré d’un point de vue historique le retour des Juifs sur la terre de leurs ancêtres. Les Nations, devant l’horreur des camps, ont voté « oui » en 1948 pour la Création d’un Etat hébreu et le jeune Etat, à peine éclos, dut immédiatement après la Déclaration d’indépendance prendre les armes pour se défendre. La possibilité donnée aux Juifs de pouvoir vivre entre eux sur la terre de laquelle ils furent exilés il y a près de 2000 ans s’est immanquablement payée par le sang.
Ces moments solennels qui rappellent le souvenir des victimes sont envers celles-ci une marque de reconnaissance, de Hakarat Hatov, qui est une valeur fondamentalement juive.
Pour les soldats revenus du combat et les rescapés des camps, ces cérémonies sont à la fois douloureuses, car elles évoquent un passé tragique qui resurgit, mais également apaisantes car à travers elles, ils épanchent le besoin intense de rappeler le souvenir de leurs amis, de leurs frères, ressentant que c’est la seule chose qu’ils peuvent « donner » à celui qui était si proche et qui n’est plus. Ne pas oublier devient une nécessité vitale pour l’homme, d’où l’importance de marquer ces dates.
Ces commémorations sont plus que louables et le devoir de mémoire est impératif, mais notre Tradition nous enseigne qu’on peut donner une dimension supplémentaire au « souvenir ». Nous, les vivants, avons la possibilité d’accomplir en ce bas-monde des actes concrets et bien définis qui donneront à nos défunts des mérites spirituels infinis et permettront l’élévation de son âme. Comme si on nous avait donné un levier puissant qui interférerait dans les mondes supérieurs pour le bien-être des âmes des disparus.
La Torah nous enseigne comment donner à ces Kédochim (saints qui sont mort en sanctifiant le Nom de D.ieu) quelque chose d’éternel, de bienfaisant pour leur âme.
Ainsi des organismes se sont créés qui délèguent des personnes pour étudier des Michnayot à leur mémoire (6 millions de Michnayot étudiées pour les 6 millions de morts), récitent pour eux le Kaddich, lisent des Téhilim, ouvrent des centres d’aide aux nécessiteux et tout le mérite de ces actions est crédité aux défunts. Ces actions réalisées ici-bas leur octroient ce qu’ils ne peuvent plus réaliser après avoir quitté ce monde : une multiplication à l’infini de mérites qui apportent à leurs âmes une nourriture spirituelle éternelle. Notre monde est dynamique et D.ieu dans Son infinie bonté nous a donné la possibilité d’influer sur le monde à venir, qui lui est statique.
On relèvera dans cet ordre d’idées les propos d’Elicha Wiesel, fils de l’écrivain mondialement connu Elie Wiesel, qui illustrent parfaitement cette notion d’élévation spirituelle que nous les vivants pouvons octroyer au défunt. L’écrivain, lui-même rescapé des camps de la mort, a toute sa vie cherché à perpétuer le souvenir de la Shoa. Elicha, son fils, qui s’est rapproché du judaïsme et de l’accomplissement des Mitsvot, a déclaré récemment lors d’une interview : « Un peu partout dans le monde, des institutions et des rues portent le nom de mon père, mais je pense que le fait que j’étudie tous les jours le Daf Hayomi (étude quotidienne du Talmud) à sa mémoire est le plus grand mérite que je puisse lui donner. »
Au-delà de la minute de silence, n’oublions pas l’impact immense de nos actes sur nos chers disparus.