Nous allons nous pencher sur la façon d’affronter les véritables gros échecs de la vie. Nous verrons comment ne pas sombrer dans la déprime et la tristesse et comment repartir sur de nouvelles bases.
Un des plus grands Sages de l’histoire juive se nomme Rabbi ‘Akiva qui fit techouva à l’âge de 40 ans. Nous prendrons son histoire personnelle comme base de compréhension de la réussite et de l’échec en général.
Rabbi ‘Akiva étudiait la Thora avec un dévouement total. Il avait créé une très grande yéchiva, la plus grande qui ait jamais existé au monde, comprenant 24 000 élèves, tous de grands tanaïm. Nous savons que les tanaïm, qui étaient les rédacteurs de la michna, possédaient un niveau spirituel très élevé. A leur sujet, la guemara dit : « Si les premiers étaient des anges, nous sommes des hommes et s’ils étaient des hommes, nous sommes alors comparables à des ânes ». Ceux qui se sont exprimés ainsi sont les amoraïm, les Maitres qui rédigèrent le Talmud et qui succédèrent aux tanaïm. Il s’agissait donc d’êtres d’une envergure spirituelle tout à fait exceptionnelle. Hélas, les 24 000 élèves de rabbi ‘Akiva sont tous morts en l’espace d’un mois, entre pessa’h et lag ba’omer, suite à la propagation d'une épidémie.
La guemara dit sur cet épisode : « Le monde était désolé ». En effet, à cette époque toute la Thora était concentrée par rabbi ‘Akiva et ses élèves. Une fois la yéchiva décimée, le monde était orphelin de Thora. A la place de rabbi ‘Akiva, n’importe qui aurait renoncé à la tâche, arguant que même du Ciel, on lui signifiait qu’il n’était pas digne d’une telle mission, celle d’assurer la survie du monde grâce à l’étude de la Thora. Mais rabbi ‘Akiva, lui, ne se découragea pas. Bien que seul, il continua à chercher d’autres élèves auxquels il pourrait enseigner la Thora. Il trouva cinq grands disciples dans le sud d’érets Israël, à savoir rabbi Chimon bar Yo’haï, rabbi Méir, rabbi Yéhouda et deux autres élèves. Rabbi ‘Akiva leur enseigna la Thora jusqu’à ce que la lumière du monde brille à nouveau. Et toute la Thora que nous possédons de nos jours, la michna, la guemara, le Zohar hakadoch nous proviennent de ces maitres (rabbi Méir et rabbi Chimon étant plus particulièrement liés au Zohar).
D’un point de vue plus personnel, nous pouvons légitimement nous demander de quelle manière rabbi ‘Akiva réussit-il à essuyer un tel échec sans se décourager. Pour expliquer ce phénomène, il nous faut revenir aux débuts de la techouva de rabbi ‘Akiva. Le midrach raconte qu’immédiatement après son mariage, rabbi ‘Akiva voulut commencer à étudier la Thora. Il était alors âgé de 40 ans. Mais étant un parfait ignorant en la matière, il était confronté à la honte et au désespoir face à la difficulté de la tâche. En effet, étant analphabète, il dut retourner sur les bancs de l’école pour apprendre à lire et à écrire avec des enfants de 5 et 6 ans. De plus, il avait d’énormes difficultés à assimiler les choses : berger de métier, il était plus habitué à faire paître les troupeaux dans les prés qu’à se pencher sur les livres. De plus, dit la guemara, la faute a pour conséquence d'insensibiliser le cœur de l'homme ; or rabbi ‘Akiva était éloigné de toute pratique religieuse. Rabbi ‘Akiva commença donc à se décourager au point de souhaiter tout abandonner.
Pourtant, un jour qu’il se promenait, rabbi ‘Akiva passa devant une fontaine de laquelle s’écoulaient des gouttes d’eau. Il remarqua qu’à l’endroit où tombaient les gouttes sur le rocher, une cavité s’était formée. Et rabbi ‘Akiva, qui était encore « ‘Akiva », se demanda : « Comment se peut-il que l’eau, qui est un liquide, soit capable de former un tel creux dans la roche, un solide particulièrement dur ? » C’est alors qu’il arriva à une conclusion extraordinaire. Rabbi ‘Akiva se dit que si nous considérons qu’une goutte d’eau n’a absolument aucun impact sur la roche, alors il en est de même pour la millième goutte et la milliardième goutte : elles n’ont absolument aucun effet non plus. Si par contre, nous pouvons constater qu’une cavité a été creusée à l’endroit où tombent les gouttes, c’est bien parce que la première goutte a eut un effet, aussi infime soit-il, mais dont les conséquences sont visibles au bout de plusieurs années. Rabbi ‘Akiva se dit donc que s’il en était ainsi pour l’eau sur la roche, à plus forte raison ce processus devait-il s’avérer exact par rapport à lui : la Thora était bien apte à pénétrer son cœur.
‘Akiva, grâce à cette prise de conscience, acquit une puissance spirituelle extraordinaire. Suite à cela, il prit la ferme résolution d’étudier la Thora. Il s’y plongea de tout son cœur, permettant ainsi aux lettres de la Thora, aux mots de la tefila et aux mitsvot qu’il réalisait de le métamorphoser petit à petit de l’intérieur. Grâce à cette prise de conscience, ‘Akiva le berger devint le grand rabbi ‘Akiva entouré de 24 000 disciples puis de 5, par lesquels toute la Thora fut transmise jusqu’aujourd’hui, à savoir la michna, la guemara, le Zohar hakadoch et les midrachim. A tel point que le midrach raconte que lorsque Moché rabbénou était au ciel et écrivait la Thora sous la dictée divine, Hachem lui montra tout ce qui allait se produire jusqu’à la fin des temps. Lorsqu’Hachem lui dévoila la Thora de rabbi ‘Akiva, Moché s’exclama : « Pourquoi donc as-Tu donné la Thora aux bné Israël par mon intermédiaire, alors que Tu disposais d’un homme tel que rabbi ‘Akiva ? »
Rabbi ‘Akiva bénéficia de cette grandeur exceptionnelle grâce à l’accumulation de petits actes, qui s’ils semblent insignifiants pris chacun à part, forment ensemble un immense édifice de Thora. Ce sont ces « gouttes d’eau » infiniment nombreuses qui purent transformer son esprit et son approche au monde. C'est également en elles et en le secret qu’elles renferment, à savoir la persévérance, qu’il puisa tout le courage nécessaire lors de la mort de ses élèves. Nos Sages soulignent que l’échec présente un avantage incontestable : celui de nous rapprocher de la réussite. Parce qu'après avoir échoué, nous savons désormais comment éviter les écueils et nous prémunir contre les échecs qui nous attendent. Suite à cette tragédie, rabbi ‘Akiva put apprendre comment enseigner la Thora avec une plus grande perfection.
Dès que l’homme commence à étudier des paroles de Thora, cela agit sur son cœur et sur son esprit par une transformation en profondeur sans même qu’il ne s'en rende compte. La transformation n’est pas immédiate, elle se fait petit à petit. Vous le savez, une montre est très lente, elle avance seconde par seconde ; mais son secret, c’est qu’elle ne s’arrête jamais. Et c’est ainsi que s’écoulent des jours, des mois et des années sans même que l’on y prenne garde.
Il y a dans l’histoire de rabbi ‘Akiva un autre élément important à souligner : l’importance de la quantité n’est que relative. Ce qui compte en réalité, c’est la qualité. Nous voyons bien que rabbi ‘Akiva réussit à réaliser avec seulement 5 élèves ce qu’il n’avait pu accomplir avec 24 000 élèves. L’homme a tendance à s’attarder sur l’extérieur, alors que c’est l’intériorité des choses qui prime en réalité. Ainsi que l'édicte le verset : « Car l’homme voit l’extérieur et D. voit le cœur ». Si quelqu’un avait pu pénétrer dans la première yéchiva de rabbi ‘Akiva, puis dans la seconde, il est évident que c’est la première qui l’aurait impressionnée. La vue de la seconde yéchiva, avec ses 5 élèves, n’aurait pas déclenché d’effet marquant…
Ainsi, on a parfois tendance à donner priorité aux mitsvot principales de la Torah, telles que le chabbat, la cacherout etc. Cependant, il faut savoir que si on aspire à avancer spirituellement, il est essentiel de donner son importance à chaque « petite » mitsva. Nos Sages, dans les pirké avot, nous mettent en garde : « Tu ne connais pas la valeur de chaque mitsva ». Au monde futur, nous verrons que certaines mitsvot auxquelles nous n’avions pas accordé trop d’importance sont en réalité infiniment grandes.
Cette approche, qui considère chaque mitsva et chaque acte à sa juste valeur, permet également d'éviter automatiquement la déprime et le désespoir. Nous croyons en général que seuls les accomplissements grandioses ont de l’importance. Il en découle que si nous n’arrivons pas à de tels réalisations, nous pensons n’avoir rien fait. En revanche, si l’on comprend, à l’instar de rabbi ‘Akiva, que chaque petit accomplissement est extrêmement important, on ne peut pas tomber dans le désespoir.
Avant d’accomplir certaines mitsvot, nous prononçons une brakha dans laquelle nous précisons : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements ». C’est le cas pour la pose des tefilin, pour l’allumage de la ‘hanoukia, pour sonner du chofar etc. Par cette formule, nous rappelons qu’Hachem nous a sanctifiés par les mitsvot et que celles-ci ont la capacité de nous transformer. Chaque mitsva sanctifie un peu plus l’homme qui l’accomplit.
Cette idée à l’esprit, nous pourrons avancer de manière sûre et constante sans se laisser envahir par le désespoir.