Dédié à la réfoua chéléma du petit Yekoutiel ben Elicheva
L’histoire suivante s’est passée il y a environ cent ans. La famine sévissait et nombreux ceux qui ne mangeaient pas à leur faim.
Un homme, qui travaillait difficilement pour apporter les besoins minimaux tous les jours, avait réussi à mettre de côté une pièce en or. Il gardait cette pièce derrière une armoire, pour des jours plus difficiles, Hachem yichmor.
Tous les quelques jours, cet homme allait observer la pièce avec joie et remerciait Hachem.
Mais un matin, il fut épouvanté de voir que la pièce n’était plus là. Il poussa un cri et il s’évanouit. Sa femme accourut, puis après l’avoir réanimé, elle entendit la terrible nouvelle. Des années d’économies et leur espoir pour subsister s’étaient envolés.
L’un des enfants, qui avait cinq-six ans dit : « C’est moi qui ai trouvé la pièce en jouant. Je l’ai prise et je suis allé acheter un bonbon. »
Les parents s’assurèrent qu’il n’avait pas reçu de monnaie, puis coururent voir le commerçant. Celui-ci était d’accord que l’enfant était venu acheter un bonbon, mais il prétendit que l’enfant n’avait amené qu’une simple pièce. Je n’ai aucune monnaie à vous rendre affirma-t-il.
Une dispute éclata, et les deux hommes allèrent demander au rav de la ville de trancher.
Puisqu’il n’y a pas de preuve contre le marchand, dit le rav, il suffit que ce dernier jure devant le tribunal rabbinique ne pas avoir reçu la pièce d’or, et il sera quitte. Autrement, il devra payer.
Mais le commerçant ne voulait pas jurer car il est louable de ne pas jurer même pour dire la vérité, et même lorsque le tribunal rabbinique nous autorise (autrement, il faut grandement éviter, même pour dire la vérité).
Afin de ne pas jurer, cet homme décida de payer. Il prétendit ne pas posséder la somme et s’engagea à payer sous plusieurs remboursements.
L’histoire fit du bruit, et les gens arrêtèrent petit à petit de venir chez lui. La faillite du magasin ne tarda pas à venir, et ce marchand n’eut d’autres choix que de travailler dans des travaux difficiles et honteux. Les gens ne lui parlaient plus et coupèrent tout contact avec lui. Pour rembourser la somme et pour pouvoir finir les mois, il fut contraint de vendre son appartement et d’aller s’installer dans un logis minuscule et miséreux. Cet homme mourut dans le chagrin et sans qu’aucun ne le pleura.
Quinze ans plus tard, l’homme qui avait perdu la pièce d’or reçut une lettre.
« Bonjour, il y a plusieurs années, je marchais dans la rue avec ma femme, lorsque j’ai vu un enfant attrapant une pièce d’or. La famine nous tiraillait et nous étions alors dans une pauvreté extrême. Ma femme se sentit mal devant une telle fortune dans la main d’un enfant, alors que nous n’avions pas mangé à notre faim depuis très longtemps.
Comprenant que cet enfant venait d’une famille riche, je n’ai pas résisté à la tentation et je l’ai appelé. J’ai réussi à lui échanger la pièce d’or contre deux pièces en bronze, et je lui demandais son nom. Je m’étais promis de vous rembourser dès que je pourrais… Ce n’est que maintenant que j’ai réussi à réunir la somme. J’espère que vous comprendrez dans quelle détresse j’étais. Je m’excuse et j’espère que cette pièce ne vous a pas manqué. »
Plusieurs commentaires ont été donnés suite à cette histoire. Mais l’un des plus percutants est certainement le suivant :
Analysons ce qui risque d’être accusé devant le tribunal céleste :
1- Le pauvre homme qui avait perdu sa pièce en or et qui a accusé le marchand aura des facilités pour s’expliquer, même si on risque peut-être de lui reprocher.
2- Le voleur aura lui aussi des circonstances atténuantes et il y a lieu de penser qu’il ne sera pas jugé avec la plus grande sévérité.
Ce n’est certainement pas le pauvre commerçant qui sera jugé…
3- Par contre, que vont répondre tous les gens qui n’avaient pas de raisons de s’impliquer et qui se sont mêlés en jugeant mal, en écoutant et racontant du Lachone hara, de la médisance ? Il leur sera déjà plus difficile de s’en sortir !
Veillons à ne pas faire la même erreur que ces personnes et évitons tout le temps de porter des jugements ou d’écouter de vilains commérages !